Bataille climatique : l’adhésion des peuples

Bataille climatique : l’adhésion des peuples

En ces temps de canicules à répétition, la tentation est grande d’imputer à l’être humain la responsabilité de toutes les catastrophes naturelles qui le frappent, oubliant qu’il en a été avant tout la victime depuis ses premiers pas sur terre. Comme dans toutes les guerres, la bataille climatique a un double visage. Si l’être humain tend à se prévaloir de pouvoirs divins en souhaitant contrôler la nature, il aime se draper dans une culpabilité totale de tous les maux. 

La période actuelle qualifiée d’anthropocène, avec l’avènement des hommes comme principale source de changements et de dérèglements, traduit bien cette dualité. L’augmentation rapide des émissions des gaz à effet de serre, responsables du réchauffement climatique, est d’origine humaine. Nul ne peut le nier. Elle est la conséquence des révolutions industrielles ayant permis une amélioration des conditions de vie grâce à la progression exponentielle des capacités physiques et intellectuelles des êtres humains.

L’aspiration des populations à bénéficier des meilleures conditions de vie possibles est évidemment légitime 

Elle est également la conséquence d’une extraordinaire expansion démographique, la population mondiale ayant été multipliée par huit de 1800 à 2023. Autrefois cantonné à une petite partie de l’humanité, le progrès technique se diffuse désormais rapidement. L’aspiration de l’ensemble des populations à bénéficier des meilleures conditions de vie possibles est évidemment légitime. Cette marche vers l’égalité concernant tous les aspects de la vie, de l’alimentation aux loisirs en passant par les logements et l’habillement, rime, en l’état actuel des techniques, avec une augmentation des émissions des gaz à effet de serre et des atteintes à la biodiversité. 

L’objectif de la neutralité carbone pour 2050 fixé lors de la Conférence de Paris de 2015 apparaît inatteignable. Même s’il était peu ou prou respecté, il ne permettrait pas la résorption immédiate des émissions passées, la durée de vie du CO2 dans l’atmosphère étant d’une centaine d’années. Certains réclament une décroissance impossible quand d’autres optent pour un fatalisme tout aussi impossible. Au vu des dernières données fournies par le GIEC, le risque d’un emballement des températures n’est pas à exclure dans les prochaines décennies.

Bataille climatique
L’aspiration des populations à bénéficier des meilleures conditions de vie possibles est évidemment légitime 

Sans les pays émergents et en développement, 7 milliards d’habitants, il n’y a pas de transition énergétique possible

Le réchauffement climatique est une source de tensions internationales infinies pouvant dégénérer en guerres ouvertes. Il peut provoquer des réactions non coopératives de la part des différents États, en particulier en raison des migrations engendrées par la montée des eaux ou l’aridification des sols, ou en matière d’échanges commerciaux avec l’application de taxes carbone. Les pays occidentaux, responsables d’une grande partie du stock de CO2 émis depuis 1750, adoptent des mesures contraignantes visant à réduire leur empreinte. Ces mesures peuvent freiner voire annihiler l’essor des pays les plus pauvres. Or, sans la participation des pays émergents et en développement qui représentent près de 7 milliards d’habitants, il n’y a pas de transition énergétique possible. 

Face à une menace planétaire avérée, il est assez surprenant que la communauté internationale n’ait pas institué une organisation dédiée. En 1944, les alliés ont décidé la création du Fonds Monétaire International afin d’éviter la réédition de la crise de 1929. Ils ont créé la Banque Mondiale pour aider les pays pauvres fraîchement décolonisés à disposer de moyens financiers pour sortir du sous-développement. Aujourd’hui, la Banque mondiale est amenée à financer tout à la fois l’aide au développement et la transition énergétique. Il manque une coordination générale. 

La crise financière de 2008-2009 a donné lieu à une coopération internationale poussée avec l’avènement du G20 mais, depuis, le temps est à la segmentation et à l’égoïsme. Le durcissement des relations entre la Chine et les pays ainsi que la guerre en Ukraine aboutissent à une partition du monde. La création d’un Fonds Environnemental Mondial devrait être envisagée, associant de manière équilibrée tous les Etats. La transition énergétique devrait coûter, en investissement, des dizaines de milliers de dollars d’ici le milieu du siècle. Des systèmes de financement doivent être imaginés et mis en œuvre pour leur réalisation.

La bataille climatique sera gagnée avec l’émergence d’une nouvelle croissance économique

La bataille climatique sera gagnée avec l’émergence d’une nouvelle croissance économique, plus économe des facteurs naturels. Cette croissance ne sera possible comme la précédente que par l’obtention de gains de productivité et par le recours à la science. 

Depuis quelques années, la transition énergétique donne lieu à une compétition technologique de grande ampleur entre la Chine, les États-Unis, l’Europe, le Japon ou la Corée du Sud. Cette concurrence sera positive si elle s’exerce de manière loyale. Or, les États ont tendance à multiplier les subventions et les réglementations afin d’attirer les investisseurs ou de bloquer les échanges. Ces pratiques sont susceptibles de générer des surcoûts. 

Compte tenu des enjeux, de la nature sans frontière du réchauffement, comme ce fut le cas pour la Covid, des ruptures technologiques sont indispensables. Des programmes de recherche mondiaux doivent être lancés, que ce soit pour l’énergie ou la captation du carbone. Des règles pour la diffusion des brevets doivent être également prévues.

La lutte contre le réchauffement climatique ne pourra pas se faire contre les peuples

La transition énergétique est également un défi pour les démocraties, d’où le nom de bataille climatique. Pour la première fois, de manière réglementaire, les gouvernements décident de substituer aux énergies fossiles des énergies renouvelables ou décarbonées. Ils entendent changer les comportements des producteurs et des consommateurs. En soi, cette intrusion sans précédent dans la vie économique met en cause la liberté individuelle et la liberté d’entreprendre telles qu’elles sont reconnues et appliquées depuis plus de deux siècles. La lutte contre le réchauffement climatique ne pourra pas se faire contre les peuples. Elle suppose leur adhésion et surtout leur participation. L’une et l’autre sont nécessaires pour donner tort à Pascal Bruckner qui dans son essai « Le sacre des pantoufles » écrit : « les deux idéologies dominantes de l’Occident de nos jours, déclinisme d’un côté, catastrophisme de l’autre ». 

 

Auteur/Autrice

  • Philippe Crevel est un spécialiste des questions macroéconomiques. Fondateur de la société d’études et de stratégies économiques, Lorello Ecodata, il dirige, par ailleurs, le Cercle de l’Epargne qui est un centre d’études et d’information consacré à l’épargne et à la retraite en plus d'être notre spécialiste économie.

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