Economie : Faiblesses et contradictions françaises

La France demeure une des principales puissances économiques mondiales. Elle excelle dans plusieurs secteurs majeurs, tels que les transports dont l’aéronautique et l’espace, l’agro-alimentaire, la pharmacie, la banque, l’assurance, les travaux publics, etc. Depuis une génération, sa compétitivité s’est érodée avec, par voie de conséquence, un rapide déclin de son industrie. Le développement des services domestiques, services liés à la personne (tourisme, logistique, commerce) ne compense pas en termes de valeur ajoutée la réduction du poids de l’industrie.

Déclin industriel et tentation du repli

Les raisons du déclin industriel sont connues de longue date : l’insuffisance des investissements technologiques, le niveau médiocre de la formation, le poids des prélèvements obligatoires, le temps de travail, et la faible concurrence au sein de certains marchés. Face à ce constat, l’élaboration de solutions consensuelles est de plus en plus difficile. La tentation du repli et du protectionnisme semble gagner du terrain. À défaut de réactions, la voie semble être tracée.

La France se caractérise également par ses mauvaises performances tant au niveau de la formation des actifs que pour celle des étudiants. Notre pays est distancé dans les classements PIAAC et PISA de l’OCDE en figurant respectivement aux 21e et 23e rang. Cette situation a de graves conséquences pour l’économie et le niveau de vie de la population.

Faiblesse de la formation, faiblesse des salaires

L’insuffisance de la modernisation a conduit à la faiblesse des gains de productivité. Même si les salaires réels

augmentent plus vite que la productivité, les marges de progression des salaires sont réduites. Il en résulte de maigres augmentations du pouvoir d’achat, en partie obtenues grâce aux prestations sociales et, par ricochet, par un endettement croissant. Depuis 2008, l’écart entre les gains de productivité et les salaires réels est de plus de 5 points en faveur des seconds. Dans une grande partie des pays de l’OCDE, les gains progressent plus vite que les salaires.

Prélèvements élevés, insuffisance des investissements

Pour financer les dépenses sociales les plus importantes, les pouvoirs publics ont dû augmenter les prélèvements obligatoires qui représentent plus de 45 % du PIB. L’insuffisance des investissements technologiques, la faiblesse de la formation et le niveau élevé des prélèvements ont conduit à la désindustrialisation, aidée en cela par le manque de fonds propres et la taille réduite des entreprises françaises. Il en a résulté des pertes importantes d’emplois industriels, -22 % en vingt ans. Les capacités de la production manufacturière ont baissé de 11 % depuis 2007. Les emplois perdus ont été compensés par la création de services domestiques peu qualifiés assortis de salaires faibles.

Le poids des dépenses de recherche et développement privées s’élevaient en 2018 à 1,2 % du PIB en France contre 1,8 % pour les États-Unis et 1,9 % pour l’Allemagne. Au Japon, ce taux est de 2,5 %. L’écart avec notre voisin allemand peut s’expliquer en partie par le caractère moins industriel de notre économie. Malgré tout, il apparait que notre pays a accumulé un retard certain tant au niveau des robots industriels que dans le secteur des technologies de l’information et de la communication. Le stock de robots industriels représente 1,4 % de l’emploi manufacturier en France contre 3 % au Japon, 2,8 % en Allemagne et 2,3 % aux États-Unis.

L’investissement dans les technologies de l’information et des communications atteint 2 % du PIB aux États-Unis contre 1,25 % au Japon et 0,6 % en France. La moyenne de la zone euro hors France est de 1,25 % du PIB. Le retard pris dans la modernisation de l’économie et la désindustrialisation expliquent également la dégradation du commerce extérieur industriel (Source: INSEE).

Un risque de déclassement, une absence de consensus

Ce déficit n’a été qu’en partie compensé par l’excédent des services, en particulier du tourisme. Dès lors, la France est conduite à l’accumulation de la dette extérieure qui demeure supportable du fait de la participation du pays à la zone euro. Cette dette dépasse 20 % du PIB en 2018 quand notre solde était positif de 10 points en 2002.

Sans modernisation rapide, un risque de déclassement menace la France. En effet, le positionnement sur des services dits domestiques ne peut amener qu’à un appauvrissement au moment où les charges publiques liées au vieillissement (retraite, santé, dépendance) augmenteront fortement dans les prochaines années. Ces vingt dernières années, l’économie s’est dégradée à un rythme assez rapide. L’absence de consensus sur les efforts à réaliser en matière de gestion publique rend complexe la sortie de la nasse.

Une modernisation de l’appareil productif et une amélioration du système de formation combinées à une maîtrise des dépenses sociales apparaissent nécessaires mais ne trouvent qu’un faible écho au sein de l’opinion publique qui préfèrerait un recours au protectionnisme.

Le débat enflammé sur l’accord de libre échange avec le Canada, pays de 37 millions d’habitants en a fourni la preuve.

Auteur/Autrice

  • Philippe Crevel est un spécialiste des questions macroéconomiques. Fondateur de la société d’études et de stratégies économiques, Lorello Ecodata, il dirige, par ailleurs, le Cercle de l’Epargne qui est un centre d’études et d’information consacré à l’épargne et à la retraite en plus d'être notre spécialiste économie.

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