La Chine ou la malédiction « is no good »

La Chine ou la malédiction « is no good »

La Chine s’est donnée pour objectif d’occuper la place de première puissance mondiale dans les prochaines années, en détrônant sans coup férir les États-Unis. Dans les années 1980, le Japon a pu, un temps, espérer occuper cette place avant de connaître trente ans de stagnation qui ont ruiné ses espoirs. La Chine pourrait imiter son rival asiatique en étant frappée par les mêmes maux.

Dans les prochaines années, le vieillissement de la population chinoise ralentira sa croissance. Le secteur public risque d’être appelé à l’aide de plus en plus fréquemment pour éponger les pertes du secteur privé. L’interventionnisme public conduira à une politique monétaire expansionniste favorisant la constitution de bulles spéculatives sur les actifs. L’épargne abondante sera orientée vers les collectivités publiques en lieu et place du privé.

Déclin démographique, perte de croissance

Depuis 2012, la croissance chinoise s’érode, passant de 10 à 5 %, en parallèle à la baisse des gains de productivité. La progression de l’investissement des entreprises a disparu. Les exportations qui ont joué un rôle clef dans l’expansion du pays sont de moins en moins dynamiques. En 2007, les exportations représentaient 45 % du PIB. En 2019, ce ratio était de 19 %. L’économie chinoise se normalise à une vitesse aussi rapide que celle qu’elle a connue pour sortir du sous-développement.

Comme le Japon, elle doit faire face à un vieillissement démographique important. La population active est en déclin depuis 2016, la baisse atteignant plus de 0,5 % par an. Le Japon connait ce phénomène depuis 1998, le recul de la population active atteignant, en 2020, plus de 1 % par an. Une population de plus en plus âgée s’accompagne traditionnellement d’un recul de la productivité. En retenant ces deux critères, Patrick Artus, chef directeur de la recherche et des études de Natixis, estime que la croissance potentielle de la Chine devrait rapidement se situer entre 2 et 2,5 %.

La hausse de la dette publique assèche l’épargne

La ville de Pékin.

Comme le Japon dans les années 1980, la demande chinoise a été soutenue depuis 20 ans par la hausse de l’endettement du secteur privé qui est passé de 75 à 230 % du PIB. Au Japon, cette dette a culminé à 220 % du PIB en 1992, avant de revenir à 150 % du PIB en 2016. Depuis, elle est repassée au-dessus de 180 %. Quand l’endettement privé augmente, la consommation s’étiole obligeant à un soutien public qui aboutit inévitablement à une hausse de l’endettement public. Celui-ci capte alors une part croissante de l’épargne intérieure.

Si pendant des années, la dette publique chinoise fut faible, elle progresse depuis 2015 pour dépasser désormais 80 % du PIB. Les collectivités locales et les structures parapubliques sont responsables de son doublement en moins de dix ans. Au Japon, la dette publique est passée de 90 à 240 % du PIB de 1995 à 2020. Trois cycles de forte progression ont été constatés, entre 1995 et 1997, entre 2007 et 2009, enfin depuis 2020.

En Chine, les dépenses publiques prennent une part plus importante dans la croissance. Elles augmentent désormais de plus de 6 % par an contre 2,5 % à la fin des années 1990. Si jusqu’à maintenant, les autorités chinoises ont utilisé les politiques monétaires expansionnistes avec parcimonie, il pourrait en être tout différemment dans le futur. La forte hausse de l’endettement public et les difficultés que rencontrent certains secteurs d’activité, dont l’immobilier, risquent de contraindre la Banque centrale à maintenir des taux bas comme le fait celle du Japon depuis des décennies.

Le prix de l’immobilier multiplié par sept

Les taux d’intérêt en Chine sont orientés à la baisse comme ceux des pays occidentaux, les autorités monétaires rencontrant les mêmes problèmes pour les remonter même en période d’expansion. La Chine doit également faire face à des hausses anormales des prix des actifs. Depuis 1995, le prix de l’immobilier y a été multiplié par sept. Certes, cette hausse est la conséquence de l’enrichissement du pays mais ce dernier n’échappe pas à un processus spéculatif facilité par l’augmentation des liquidités disponibles.

Dans une moindre mesure, il en est de même pour les marchés «actions». La Chine pourrait être confrontée à un effet d’éviction, l’épargne étant de plus en plus destinée à financer des déficits publics en lieu et place des investissements privés. Cette situation prévaut déjà au Japon, pays dans lequel les profits des entreprises sont supérieurs à leurs investissements (le taux d’autofinancement est nettement supérieur à 100 %). Les entreprises comme les ménages contribuent par leur épargne au financement des structures publiques. L’investissement hors construction est passé de 20 à 14 % du PIB de 2005 à 2020. Celui dans la construction a atteint l’année dernière 35 % du PIB contre 23 % en 1995. Les dépenses en bâtiments et en infrastructures publiques prennent le pas sur les investissements privés.

Cette allocation de l’épargne est porteuse de gaspillages à travers la réalisation d’équipements peu utiles. Pour contrecarrer l’affaiblissement de la croissance, le gouvernement chinois tend à devenir de plus en plus interventionniste en régulant notamment le secteur du numérique.

Auteur/Autrice

  • Philippe Crevel est un spécialiste des questions macroéconomiques. Fondateur de la société d’études et de stratégies économiques, Lorello Ecodata, il dirige, par ailleurs, le Cercle de l’Epargne qui est un centre d’études et d’information consacré à l’épargne et à la retraite en plus d'être notre spécialiste économie.

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