La diplomatie culturelle victime de la Covid-19

La diplomatie culturelle victime de la Covid-19

Dans le cadre de la discussion budgétaire autour du projet de loi de finances (PLF) pour 2021, Frédéric Petit, député des Français établis à l’étranger (Allemagne, Europe centrale, Balkans) a présenté ce mercredi 21 octobre, en commission des Affaires étrangères, son rapport relatif à la diplomatie culturelle et d’influence.  

Frédéric Petit ©Frederic Petit

Que ce soit Atout France, les Instituts français, les Alliances Françaises ou les lycées, tous ces établissements participent au rayonnement de la France à l’étranger. En multipliant les locuteurs en français, en faisant découvrir nos arts, nos penseurs, en invitant à investir ou à découvrir notre pays, et en éduquant les petits expatriés ou des futurs citoyens d’un pays tiers, ces institutions sont les « petites mains » indispensables mais invisibles de notre diplomatie.

Un budget suffisant ?

Dans son rapport, le député Petit indique que les opérateurs et réseaux de notre diplomatie culturelle bénéficieront pour 2021 d’un budget stable, dont la sanctuarisation est confirmée. 

Cependant, il note tout de même que les structures juridiques qui supportent ces établissements ont été très lourdement touchées. Sur les 117 instituts culturels locaux (établissements à autonomie financière – EAF) du réseau en 2020, 83 instituts français et 22 instituts français de recherche à l’étranger (IFRE) ont dû fermer temporairement leurs portes au public pour réorganiser leurs activités à distance. Il en a été de même pour les 6 centres culturels binationaux et pour environ 650 alliances françaises, pour un total de 832 alliances dans le monde (réparties dans 131 pays)

Constituées en sociétés ou en associations de droit privé, ces institutions sont donc soumises aux impératifs comptables. Elles ont un besoin important et urgent de recapitalisation. Comment faire avec des enveloppes budgétaires qui ont été imaginées en 2019, bien avant la pandémie liée à la Covid-19 ?

Fréderic Petit le reconnait dans son rapport. En effet, il appelle à la plus « grande vigilance sur la fragilisation induite par les conséquences de la crise, afin de ne pas laisser des dommages irréversibles atteindre les réseaux culturels et d’influence ».

Et pourtant pour 2021, les crédits alloués à la diplomatie culturelle et d’influence s’élèvent à 645 millions d’euros hors dépenses de personnels. C’est donc une petite hausse de 3 millions d’euros par rapport à 2020. Est ce que cela sera suffisant pour sauver tant d’opérateurs ?

Fermetures en pagaille

Le rapport parle de rationalisation du réseau.. Certains diront qu’on assiste plutôt à une catastrophe culturelle.

La décision en 2019 de fermer 4 établissements à autonomie financière (EAF) (Institut français d’Amérique centrale, IF Brésil, IF Norvège, Centre culturel français -CCF- Canada) était un des prémices à ce désastre annoncé.

Instituts français sacrifiés ?

Les activités de l’Institut français Amérique centrale, de l’Institut français du Brésil et du CCF canadien, de l’IF Amérique centrale, du CCF Ottawa San José et de l’IF du Brésil ont, elles, déjà, été intégrées en 2020 aux services de coopération et d’action culturelle (SCAC) ou aux services consulaires des pays de résidence. L’établissement en Norvège a échappé de peu à la fermeture grâce aux nombreux partenariats noués au niveau local.

Alliances françaises en faillite

Sur le réseau des alliances françaises, plus des deux tiers (577) étaient encore fermées au public ou en cessation d’activités à la rentrée en septembre 2020. Seules 44 ont rouvert dans des conditions normales, et 43 partiellement. Certaines alliances ont également eu recours aux outils numériques, afin de pouvoir proposer des cours en ligne (Portugal, Belgique, Amérique hispanophone).

L’éducation au coeur de la tempête

Le réseau d’enseignement français à l’étranger a été et reste fortement touché par l’impact de la crise sanitaire. Fin avril 2020, sur les 522 établissements que comptait le réseau d’établissements homologués, 520 avaient basculé vers des modalités d’apprentissage en ligne. Les établissements ont par ailleurs dû composer tant avec les règles françaises qu’avec les règles locales, parfois très contraignantes. A la rentrée 2020, le rapport indique que 50 % des établissements recevaient les élèves en présentiel tandis que 21 % des établissements étaient en alternance d’enseignement présentiel et à distance mais toujours 29 % des établissements proposaient toujours des cours en distanciel complet. 

Frappés financièrement, les établissement ont pu heureusement sur le Fonds de solidarité qui a subventionné directement les établissements mais aussi les familles afin qu’elles s’acquittent des frais de scolarité.

Un rapport bienveillant mais alarmant

« La vague de fermetures et d’annulations entraînée par la crise sanitaire a fait subir au réseau culturel un choc sans précédent, dont les conséquences, qui continuent à se faire sentir, ne peuvent être encore pleinement évaluées. »

Frédéric Petit dans son rapport

Le rapporteur Frédéric Petit expose aussi les mesures prises par la direction générale de la mondialisation, de la culture, de l’enseignement et du développement international (DGM). 7 millions d’euros ont été débloqué d’urgence à hauteur de 5 millions aux EAF et 2 millions aux Alliances françaises auxquels un million d’euros s’ajoutent pour ces dernières. Enfin un fonds de solidarité, prélevé sur d’autres postes budgétaires, a été créé au profit des Instituts français avec une dotation de 3 millions d’euros. Les Alliances françaises pourront aussi accéder à ce fonds.

Cependant, la principale consigne qui est donnée par le rapport c’est de continuer à réduire les dépenses et à mieux gérer les budgets actuels. Même si ces conseils, de bon sens, sont pertinents, il est évident que sans un apport massif de capitaux frais, le réseau culturel français, premier au monde, risque l’implosion. Les Français s’habitueront-ils à voir le pays perdre sa place dans le monde ?

Auteur/Autrice

  • Samir Kahred a suivi ses parents dont le père était ingénieur dans une succursale du groupe Bouygues. Après une scolarité au Lycée français et des études au Caire, il devient journaliste pour des médias locaux et correspond pour lesfrancais.press

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