La finance à l’heure du quantique

La finance à l’heure du quantique

Le secteur financier innove en permanence et recourant aux dernières technologies. Devant gérer un grand nombre de données, il a été l’un des premiers à utiliser massivement l’informatique. 

Dès 1959, Bank of America a informatisé les comptes de ses clients. Les premiers distributeurs automatiques de billets sont installés en 1967. Les premiers logiciels de gestion sont commercialisés dès 1979. Cette propension pour les technologies se manifestent également avec le trading à haute fréquence et l’utilisation d’algorithmes complexes. 

La finance pourrait être également être un des secteurs pionniers pour l’utilisation des ordinateurs quantiques permettant de gérer très rapidement un plus grand nombre d’opérations. Quand un ordinateur classique manipule des bits d’information ayant deux états, 0 ou 1, un ordinateur quantique s’affranchit du rythme binaire en utilisant des qubits qui sont des généralisations des bits classiques. Ils autorisent à travailler avec une superposition simultanée des deux états, augmentant ainsi les capacités de calculs. 

Le Quantique est stratégique

Les grandes entreprises de l’informatique comme Google ou IBM travaillent dans ce domaine depuis les années 1980. Le Royaume-Uni s’est doté d’une stratégie nationale depuis 2013, suivi par les États-Unis, la Chine et le Canada. Pour les États-Unis, l’informatique quantique est considérée comme stratégique et bénéficie du soutien de l’État fédéral tant sur le plan militaire que civil. Les aides sont évaluées à plusieurs milliards de dollars. La Chine a mis en plan un plan d’aides de 10 milliards de dollars. 

En 2018, la France n’avait investi de son côté que 60 millions d’euros pour le quantique. Un triplement des sommes est attendu dans les prochaines années. Afin de développer cette technique, 1,4 milliard d’euros seraient nécessaire. La France dispose pour le moment d’une centaine de chercheurs (physiciens, mathématiciens, informaticiens) spécialisés dans l’informatique quantique.

La France en retard mais dans la course

La France est en retard pour les start-ups travaillant sur l’informatique quantique. Sur les 90 répertoriés en Europe, 16 sont françaises et 20 sont anglaises. Le lancement d’un fonds dédié aux startups du quantique doté de 300 à 500 millions d’euros est à l’étude. Ce fonds pourra lever auprès d’industriels français déjà à la pointe sur le sujet, comme Atos, Thales, Total, Edf ou Airbus, et d’acteurs financiers (banques et assurances) ainsi qu’auprès de la BPI, des ressources afin de financer des start-ups et des entreprises développant des innovations quantiques. 

Selon une étude réalisée par Wavestone et France digitale, six fonds existent au sein de l’OCDE pour favoriser l’essor du quantique. En France, seul un fonds intervient dans ce domaine, Quantonation, créé par Charles Beigbeder, Christophe Jurczak et Olivier Tonneau en décembre 2018. 

Les grandes entreprises du secteur financier sont parties prenantes aux recherches. JPMorgan Chase est en pointe sur ce dossier en espérant que ces nouveaux ordinateurs permettront une accélération du traitement des données sur les actifs financiers. L’objectif est de disposer d’algorithmes plus puissants ayant des capacités développées d’auto-apprentissage. 

Une étude de la banque espagnole BBVA estime que les ordinateurs quantiques pourraient améliorer la notation du crédit, les opportunités d’arbitrage au comptant et les modélisations de comportement probable des marchés financiers. La société Multiverse Computing estime que les algorithmes quantiques amélioreront les techniques de détection des fraudes en ayant des capacités de traitement cent fois plus rapides que les algorithmes actuels. La société réalise des recherches sur l’optimisation de portefeuille. 

Le rendement des traders multiplié par quatre

Les traders de la banque, épaulés par des modèles fonctionnant sur des ordinateurs classiques, ont réussi un rendement annuel de 19% quand le recours des algorithmes quantiques a permis des rendements jusqu’à quatre fois supérieurs. Les modèles quantiques sont également en cours d’expérimentation dans le cadre des tests de résistance à des chocs économiques et financiers. 

Le problème majeur de l’informatique quantique est l’instabilité des appareils, qui ne peuvent effectuer des calculs que pendant des fractions de temps court avant que leurs états quantiques délicats ne s’effondrent. Google a réussi en 2019 à mettre au point un ordinateur de 53 qubits relativement stable pour effectuer en quelques minutes un calcul qui aurait pris plus de 10000 ans au supercalculateur le plus rapide du monde. IBM estime pouvoir construire une machine de 1 000 qubits d’ici 2023. 

Premiers calculateurs d’ici cinq ans

L’objectif pour ces deux sociétés est de produire d’ici 2030 des ordinateurs quantiques d’un million de qubits. D’ici cinq ans, le secteur financier pourrait se doter des premiers calculateurs quantiques. Le Boston Consulting Group estimait au mois de juin 2020 que les banques et les assureurs américains et européens avaient embauché plus de 115 experts quantiques. 

Le secteur financier n’est pas le seul à faire le pari du quantique. L’aéronautique, l’aérospatiale et l’industrie pharmaceutique ayant d’importants besoins de calculs participent également à de nombreux travaux de recherche.

Auteur/Autrice

  • Philippe Crevel est un spécialiste des questions macroéconomiques. Fondateur de la société d’études et de stratégies économiques, Lorello Ecodata, il dirige, par ailleurs, le Cercle de l’Epargne qui est un centre d’études et d’information consacré à l’épargne et à la retraite en plus d'être notre spécialiste économie.

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