La gauche française se divise sur l’interdiction de l’abaya

La gauche française se divise sur l’interdiction de l’abaya

L’interdiction de l’abaya dans les écoles, annoncée dimanche par le ministre de l’Éducation nationale, a montré les dissensions à gauche sur la laïcité et sa mise en œuvre, alors que la gauche radicale promet de saisir la justice administrative contre cette décision.

Le camp présidentiel, la droite et l’extrême droite ont accueilli avec satisfaction l’interdiction de l’abaya et du qamis à l’école, annoncée par le ministre de l’Éducation nationale Gabriel Attal dimanche soir sur TF1.

Mardi matin (29 août), le coordinateur de La France insoumise (LFI) Manuel Bompard a vivement critiqué la décision du gouvernement sur France 2, en annonçant que son groupe parlementaire la contesterait devant le Conseil d’État.

Pour le successeur de Jean-Luc Mélenchon à la tête du mouvement de gauche radicale, « cette réglementation [est] contraire à la Constitution, elle est dangereuse, elle est cruelle ». L’interdiction de l’abaya « va se traduire par des discriminations à l’égard des jeunes femmes, en particulier des jeunes femmes de confession musulmane », a-t-il poursuivi.

« Les autorités religieuses du culte musulman disent que l’abaya n’est pas une tenue religieuse », selon M. Bompard, qui considère que « la laïcité doit être un facteur de paix, d’unité ». Or elle serait « utilisée pour stigmatiser une religion en particulier ». Il s’agirait même, d’après Jean-Luc Mélenchon, d’une « nouvelle absurde guerre de religion entièrement artificielle ».

M. Bompard alerte également sur la difficulté qu’il y aurait à distinguer entre « ce qui est de l’ordre d’une tenue religieuse de ce qui est de l’ordre d’un effet de mode ».

Les élus d’Europe Ecologie — Les Verts (EELV), dont les députées Sandrine Rousseau et Sandra Regol, ont dénoncé le contrôle du corps des femmes que cette interdiction symboliserait.

« Les autorités religieuses du culte musulman disent que l’abaya n’est pas une tenue religieuse », selon M. Bompard, qui considère que « la laïcité doit être un facteur de paix, d’unité ». [EPA-EFE/MOHAMMED BADRA]

Habit cultuel ou culturel ?

L’interprétation sur le fait de savoir si l’abaya est un habit religieux ou pas est au cœur de la controverse, tout comme l’interprétation du principe de laïcité par la gauche française. En effet, le discours de LFI et EELV tranche avec celui de leurs alliés du Parti socialiste (PS) et du Parti communiste français (PCF), qui ont salué la décision de Gabriel Attal.

Pour le maire socialiste de Montpellier Michaël Delafosse, il s’agit d’« un signal très important qui doit faire consensus », car tous les symboles religieux sont interdits à l’école et que « le prosélytisme religieux n’y a pas sa place ». Bien que le phénomène soit limité à environ 150 établissements sur 60 000, le leader communiste Fabien Roussel a également salué l’édiction d’une règle claire.

Si le Premier secrétaire du PS Olivier Faure est resté pour l’heure discret, la présidente des jeunes socialistes et élue à Paris Emma Rafowicz, favorable comme lui à l’alliance avec LFI, juge par exemple que « l’école républicaine et laïque est un sanctuaire et doit rester le lieu de l’émancipation », en s’opposant au port d’habits religieux en son sein.

Le député socialiste Jérôme Guedj s’inscrit dans le même sillon, mais s’interroge sur les priorités politiques du gouvernement, en demandant au ministre de l’Éducation de « mettre la même énergie pour assurer l’essentiel : garantir un prof devant chaque classe ».

La secrétaire générale de la CGT Sophie Binet, deuxième syndicat de travailleurs en France, a aussi déploré, mardi matin sur France Inter, la communication gouvernementale tout en se disant favorable à l’interdiction de ces habits. Cependant, selon elle, le ministre « instrumentalise le sujet pour évacuer les questions centrales », dont le manque d’enseignants dans les écoles françaises.

« Plus on en parle, plus on fait augmenter le phénomène, […] ça ne fait qu’inciter à ce que l’accessoire soit plus porté », a-t-elle alerté, en s’appuyant sur son expérience de conseillère principale d’éducation.

Dans l’opinion publique également, une forme de consensus existe contre le port de l’abaya, du qamis et de la djellaba à l’école. 77 % des Français s’y opposaient selon un sondage de l’IFOP de juin 2023.

Cette proportion monte à 80 % lorsque seul le corps enseignant est interrogé, montre une étude de novembre 2022. En effet, plus de deux enseignants sur trois (68 %) considèrent que l’abaya ou le qamis ont un caractère cultuel et non pas simplement culturel.

Les sympathisants de gauche sont aussi majoritaires à s’exprimer contre ces vêtements traditionnels en milieu scolaire, à hauteur de 60 % pour LFI et EELV, et 75 % pour les socialistes. Le reste du spectre politique appuie encore largement leur bannissement des écoles.

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