Le mystère résolu de l’appréciation du dollar

Le mystère résolu de l’appréciation du dollar

Le dollar est une énigme. Les États-Unis sont confrontés à une croissance de plus en plus évanescente et à une crise bancaire régionale. Durant des semaines, faute d’accord entre Démocrates et Républicains, le pays était menacé d’un nouveau shutdown. Or le dollar, au lieu de se déprécier par rapport aux autres devises, s’est au contraire apprécié. 

En ce printemps 2023, tous les ingrédients étaient réunis pour que le dollar s’affaiblisse. La croissance se situe désormais entre 1 et 2 % pour 2023. Pour 2024, les instituts de conjoncture ne sont guère optimistes même si les incertitudes demeurent importantes. Les indicateurs économiques avancés (PMI) laissent suggérer qu’une récession n’est, à court terme, pas impossible. Depuis des semaines, un risque de défaut sur la dette publique en raison du non-relèvement de la dette publique (31 400 milliards de dollars) a causé une hausse nette du CDS (credit default swap) sur la dette souveraine des États-Unis (assurance contre le risque de défaut). Celui-ci est passé de 0,010 % à 0,200 % de fin 2022 au mois de mai 2023. Ce risque a été levé au dernier moment.

Ni la dette publique, ni l’imposant déficit public, n’influent sur la valeur du dollar 

La réduction de dépenses prévue dans le cadre de l’accord devrait peser un peu plus sur la croissance. Ni la dette publique qui représente plus de 100 % du PIB, ni l’imposant déficit public, pas d’avantage que l’absence de consensus au sein du Congrès entre Démocrates et Républicains au sujet des finances publiques, n’influent sur la valeur du dollar. 

Le système bancaire a montré d’inquiétants signes de faiblesse face à la hausse des taux d’intérêt. La crise des banques régionales qui a touché Silicon Valley Bank, Signature Bank, Silvergate Bank, First Republic Bank, etc., a obligé les autorités et les autres banques de la place à intervenir rapidement pour éviter la réédition d’une crise financière. Cette crise qui reste cantonnée pourrait néanmoins concerner près de 200 banques régionales aux États-Unis. Les spreads de crédit de l’ensemble des banques américaines ont progressé mais sans avoir d’effets sur le dollar.

Le dollar semble échapper à la règle commune 

La forte baisse de la confiance des ménages américains et la chute de l’épargne n’ont pas eu de conséquence sur le billet vert. Il en est de même pour le déficit de la balance qui a atteint un niveau record, soit plus de 570 milliards de dollars. Un tel déficit dans tout autre pays devrait provoquer une dépréciation de la monnaie mais le dollar semble échapper à la règle commune.

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Le dollar s’apprécie depuis plus d’un an  

La volonté de plusieurs pays émergents – dont la Chine – d’être moins dépendants du dollar devrait par ailleurs réduire le poids de ce dernier et donc contribuer à sa dépréciation. Malgré ces facteurs qui devraient affaiblir le dollar, celui-ci s’apprécie depuis plus d’un an. Le taux de change de l’euro par rapport au dollar qui était de 1,2 avant la crise sanitaire est passé à la parité au troisième trimestre 2022. Il est repassé à 1,10 au début du printemps mais tend à diminuer depuis le début du mois de mai. 

Le dollar joue à plein son rôle de valeur refuge depuis 2020. Ce rôle est accru depuis la guerre en Ukraine, la zone euro étant plus exposée à ce conflit que les États-Unis. Ces derniers attirent des capitaux en provenance de toutes les zones économiques et cela d’autant plus facilement que leur politique monétaire restrictive conduit à une hausse des taux d’intérêt.

Puissance économique et militaire, profondeur du marché financier

La FED a durci sa politique monétaire bien plus vite et bien plus fortement que la BCE et les autres grandes banques centrales au sein de l’OCDE. La baisse de l’inflation plus rapide aux États-Unis qu’en zone euro est un facteur qui incite les investisseurs à opter pour les premiers. Ils estiment, par ailleurs, que la croissance américaine dans les prochaines années sera supérieure à celle de la zone euro et du Japon. 

Les États-Unis ont comme atouts d’avoir une productivité élevée et une croissance de leur population active, ce qui n’est pas le cas au sein de nombreux pays de l’OCDE. Le dollar bénéficie de la puissance économique et militaire des États-Unis ainsi que de la profondeur de leur vaste marché financier. Si de nombreux établissements financiers ont proposé à leurs clients des couvertures pour couvrir le risque de dépréciation du dollar, ils se sont pour le moment trompés. À leur décharge, tous les facteurs convergaient en faveur de cette dépréciation.

Auteur/Autrice

  • Philippe Crevel est un spécialiste des questions macroéconomiques. Fondateur de la société d’études et de stratégies économiques, Lorello Ecodata, il dirige, par ailleurs, le Cercle de l’Epargne qui est un centre d’études et d’information consacré à l’épargne et à la retraite en plus d'être notre spécialiste économie.

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