Le temps de la Chine est-il passé ? 

Le temps de la Chine est-il passé ? 

La Chine entend occuper la première place de tous les grands podiums économiques d’ici 2049 et ainsi supplanter les États-Unis. Si la Chine a connu une croissance sans précédent de 1990 à 2019 lui permettant de s’imposer comme une grande puissance commerciale, elle est confrontée depuis à une série de difficultés qui pourraient compromettre la réalisation de ses ambitions. 

Le calcul de la croissance potentielle de la Chine, à partir des gains de productivité et de la croissance de la population active, conduit à conclure à un inévitable ralentissement de la croissance chinoise à long terme. À court terme, la Chine connaît une situation de sous-emploi, en particulier avec le chômage élevé des jeunes. Des mesures de stimulation de la croissance (baisse des taux d’intérêt, déficits publics, etc.) peuvent donc être efficaces. À long terme, si on exclut le recours à l’immigration, la seule solution pour conserver une croissance forte est de faire progresser plus vite la productivité du travail. En théorie, cela est possible avec le déficit de productivité de la Chine vis-à-vis des pays de l’OCDE, avec l’effort de modernisation de l’économie (robotisation, hausse des dépenses de Recherche Développement) et avec les progrès du niveau d’éducation moyen de la population. Mais le recul des gains de productivité en Chine depuis plusieurs années tient peut-être à la politique économique menée (les entreprises publiques ont été privilégiées au détriment des entreprises privées) ou au contrôle politique étroit de la société qui freine l’initiative individuelle.

La croissance potentielle chinoise ne peut que s’éroder 

La croissance qui était de 10 % l’an avant 2010 est désormais inférieure à 6 %. Elle devrait continuer à diminuer. En additionnant gains de productivité et évolution de la population active, la croissance potentielle ne peut, en effet, que s’éroder. La tendance des gains de productivité est maintenant de l’ordre de 2 % par an en 2022 contre plus de 5 % dans les années 2000/2010. Ce déclin de la productivité pourrait se poursuivre. 

La population active de la Chine devrait reculer de plus de 1 % entre 2022 et 2030. Elle se contracte depuis 2014. En 2022, la Chine a perdu 850 000 habitants. Avec un taux de fécondité de 1,15, la contraction de la population devrait s’accentuer dans les prochaines années. S’élevant, en 2022, à 1,4 milliard de personnes, elle reviendrait à un milliard en 2070. Avec ces hypothèses, la croissance potentielle de la Chine serait de 1 % par an entre 2025 et 2030, contre 8,5 % par an entre 2002 et 2007, et 5 % par an entre 2010 et 2019. Une telle chute freinerait l’ascension de la Chine. Elle pourrait avoir comme conséquence un durcissement du régime en place. 

Comment surmonter la panne de croissance ? Comme les pays de l’OCDE, la Chine est dans l’obligation d’améliorer sa croissance potentielle en jouant sur les leviers disponibles, à savoir l’augmentation du nombre d’actifs et l’amélioration de la productivité. 

La difficile amélioration du taux d’emploi 

Les pouvoirs publics chinois sont contraints de trouver des solutions pour accroître le taux d’emploi. Ils peuvent améliorer l’employabilité des jeunes et des seniors. Le taux de chômage des 15/25 ans atteint, en effet, 18 % en Chine contre moins de 5 % pour l’ensemble de la population. L’autre voie est de retarder l’âge légal de départ à la retraite qui est de 60 ans pour les hommes et de 55 ans pour les femmes. Cet âge est assez théorique car la faiblesse du montant des pensions contraint les Chinois à continuer de travailler au-delà de l’âge légal à défaut d’avoir constitué une épargne suffisante. 

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Pour le moment, le gouvernement chinois n’a pas prévu de reporter l’âge légal, tout comme il ne souhaite pas jouer sur le volet de l’immigration. Il a essayé, en revanche, de favoriser la natalité mais sans réels résultats. 

La panne de productivité 

La Chine a encore des marges de manœuvre importantes en matière de productivité du travail qui demeure nettement inférieure à celle de la zone euro ou des États-Unis. Le niveau de productivité par tête est de 20 000 dollars en 2022, contre 80 000 en zone euro et 135 000 aux États-Unis. Mais, depuis 2008, les gains de productivité diminuent continûment en Chine malgré un effort accru en matière de Recherche-Développement et de robotisation de l’industrie. 

De 2002 à 2022, les dépenses de R&D en Chine sont passées de 1 à 2,4 % du PIB. Elles sont désormais au même niveau que celles de la zone euro et un point au-dessous de celles des États-Unis. En matière de robots manufacturiers par emploi, la Chine fait jeu égal avec les États-Unis (3 pour 100), soit plus qu’en zone euro (2,4 pour 100). La baisse de la productivité en Chine peut s’expliquer par une diminution de l’investissement. 

Par ailleurs, ces dernières années, la croissance a été portée par l’immobilier qui dégage peu de gains de productivité tout comme les services domestiques qui ont été également favorisés. La reprise en main de l’économie par le parti communiste nuit par ailleurs à la croissance. Les entreprises publiques sont avantagées au niveau des financements au détriment de celles à capitaux privées. Le contrôle politique des individus réduit l’innovation et sa diffusion. 

Le dopage de la croissance 

À court terme, le gouvernement chinois peut accroître de manière artificielle la croissance en abaissant les taux d’intérêt et en augmentant les déficits publics. Ces derniers dépassent désormais 4 points de PIB, contre 2 points avant la crise sanitaire. 

À long terme, sans recours à l’immigration et sans report de l’âge légal de la retraite, l’économie chinoise court le risque de s’étioler d’autant plus que la tentation du repli est à nouveau à l’œuvre au sein des sphères dirigeantes. La volonté de moins dépendre des Occidentaux pourrait se traduire par une moindre croissance du commerce extérieur qui a, ces quarante dernières années, assuré le développement rapide du pays.

Auteur/Autrice

  • Philippe Crevel est un spécialiste des questions macroéconomiques. Fondateur de la société d’études et de stratégies économiques, Lorello Ecodata, il dirige, par ailleurs, le Cercle de l’Epargne qui est un centre d’études et d’information consacré à l’épargne et à la retraite en plus d'être notre spécialiste économie.

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