Les réserves de l’OCDE sur la croissance dans le monde

Les réserves de l’OCDE sur la croissance dans le monde

Lors de la présentation du rapport sur les perspectives économiques de l’OCDE, la chef économiste de l’organisation, Laurence Boone, a souligné que « le fort rebond que nous avons observé marque le pas et les perturbations de l’offre, la hausse de l’inflation et l’impact continu de la pandémie assombrissent l’horizon. Les risques et les incertitudes sont importants – comme le montre l’apparition du variant Omicron – aggravant les déséquilibres et menaçant la reprise».

En quelques jours, le pessimisme se diffuse au sein de la communauté internationale. Un nombre croissant d’experts table sur un ralentissement marqué en 2022 et exprime des doutes sur le bien-fondé de la politique économique mise en œuvre depuis quelques mois. Tout en soulignant la multiplication des menaces qui pèsent sur la croissance, l’OCDE estime qu’il est trop tôt pour modifier de fond en comble son scénario central. Elle parie sur la poursuite de la reprise mondiale. Le taux de croissance de l’économie mondiale devrait être de 5,6% en 2021, de 4,5% en 2022, pour se modérer à 3,2% en 2023.

Des plans de relance à 10.000 milliards de dollars

La chef économiste de l’OCDE considère que le déploiement des vaccins à l’échelle mondiale est la meilleure des solutions pour endiguer l’épidémie. Le coût de la vaccination de la population mondiale est évalué à 50 milliards de dollars sachant que les plans de relance engagés depuis le mois de mars s’élèvent à plus de 10 000 milliards de dollars. Laurence Boone s’inquiète aussi du risque que la faible vaccination dans certains pays finisse par y favoriser la reproduction de souches plus mortelles du virus.

Pour l’organisation internationale, le maintien d’une situation de crise sanitaire ne peut que favoriser la poursuite de la désorganisation des chaînes d’approvisionnement et le maintien d’un climat inflationniste. Pour l’ensemble de 2022, la hausse des prix à la consommation dans l’ensemble des pays de l’OCDE serait de 4,25%. L’inflation devrait redescendre progressivement à environ 3% dans l’ensemble des pays de l’OCDE d’ici 2023.

Les États-Unis, le Canada et le Royaume-Uni pourraient connaître une phase d’inflation plus longue en raison d’une augmentation des salaires, d’une forte demande et de coûts de transports en hausse. Pour la zone euro, la vague d’inflation serait plus courte.

La croissance des grandes zones économiques

Pour l’OCDE, la croissance du PIB aux États-Unis devrait refluer à 3,75 % en 2022 puis être juste inférieure à 2,5% en 2023, après un rebond vigoureux en 2021 à 5,6% qui a porté le PIB nettement au-dessus de son niveau de 2019. En 2020, le recul de la production avait été de 3,4%.

La reprise du Japon est plus progressive que celle des États-Unis, puisque le rebond de la production en 2021 devrait compenser moins de la moitié de la contraction de 4,6% enregistrée en 2020. La croissance du PIB devrait être proche de 3,25% en 2022, avant de ralentir pour s’établir juste au-dessus de 1% en 2023. La zone euro devrait connaître un fort taux de croissance malgré la résurgence des contaminations à la COVID-19. La croissance de son PIB, qui devrait atteindre 5,2% en 2021, devrait s’établir à 4,25% en 2022 et à 2,5% en 2023.

L’orientation budgétaire devrait se durcir en 2022 et 2023, avec l’arrêt progressif des aides d’urgence aux entreprises et aux ménages. La baisse du taux d’épargne devrait compenser en partie cette diminution en favorisant la consommation. Le rebond de l’investissement devrait également se poursuivre, l’effet positif des subventions accordées dans le cadre de « Next Generation EU » s’amplifiant en 2022-23.

La Chine a connu une forte expansion à partir du second semestre 2020 en étant sortie en premier de la première vague de l’épidémie. Cette reprise s’est poursuivie en 2021, soutenue par le dynamisme des exportations parallèlement au redémarrage des économies de ses partenaires commerciaux. Depuis quelques mois, un ralentissement est constaté avec la baisse de l’investissement dans l’immobilier et les infrastructures. Par ailleurs, la multiplication des coupures d’électricité freine l’activité. La croissance de plus de 8% du PIB en 2021 devrait ralentir pour s’établir à juste un peu plus de 5% en 2022 et 2023, renouant avec sa trajectoire de ralentissement progressif d’avant la pandémie.

En Inde, la croissance de la production devrait être proche de 9,5% au cours de l’exercice budgétaire 2021-22, avant d’être juste supérieure à 8% sur l’exercice 2022-23 puis à 5,5% au cours de l’exercice 2023-24. Après une vague d’infections liée à la propagation du variant Delta au printemps 2021, l’activité économique a repris.

Au Brésil, la reprise est soutenue cette année par un rebond de la croissance des exportations qui compense l’effet de la grave vague de contaminations à la COVID-19 qu’a connue le pays au premier semestre de cette année et aux perturbations au niveau de l’offre qui en ont résulté. La croissance annuelle moyenne du PIB devrait s’établir à 5% en 2021, mais cela masque un ralentissement sur l’ensemble de l’année. La croissance de la demande intérieure devrait se redresser en 2022, grâce à la poursuite des progrès accomplis en matière de vaccination et à une atténuation des perturbations des chaînes d’approvisionnement mondiales, mais le resserrement de la politique monétaire limitera la croissance annuelle du PIB (à environ 1½ et 2% en 2022 et 2023).

Laurence Boone

Un rebond sur fond de soutien public en France

Le PIB en France devrait rebondir de 6,8% en 2021 avant que la croissance modère son rythme à 4,2% en 2022 et 2,1% en 2023. La reprise sera portée par la demande intérieure. L’amélioration de la situation sur le marché du travail stimulera la consommation privée. Les plans de relance favoriseront l’investissement. Les exportations devraient progresser en parallèle avec le retour à la normale des livraisons d’avions. Pour l’OCDE, l’économie française est soutenue par les plans de relance publics mais demeure fragile, certains secteurs peinant à retrouver leur niveau d’avant crise.

Le haut niveau d’endettement public constitue par ailleurs une faiblesse durable. L’inflation est plus faible que dans les autres pays de l’OCDE grâce à la production de l’électricité par le nucléaire et également par la décision des pouvoirs publics de geler certains prix réglementés de l’énergie. Néanmoins, l’OCDE estime que la France pourrait également être touchée par le regain inflationniste en cours au sein de la zone euro. La persistance de perturbations dans les chaînes d’approvisionnement et des pénuries de main-d’œuvre pourraient, en effet, se traduire par une inflation plus tenace et supérieure aux attentes.

L’activité dans certains secteurs comme le matériel de transport, les voyages et les services touristiques, devrait également conserver pendant longtemps des séquelles de la crise. La demande pour ces biens et services a non seulement diminué, mais son redressement futur restera aussi fortement tributaire de l’évolution de la situation sanitaire et des mesures prises en conséquence.

L’OCDE s’inquiète de l’endettement des entreprises. Elle considère que certaines d’entre elles pourraient être confrontées à des problèmes de trésorerie et de solvabilité susceptibles de dégrader les perspectives économiques. Le redémarrage de l’activité en France pourrait également être retardé par une reprise plus lente chez ses principaux partenaires commerciaux de la zone euro. L’emploi et la population active dépassent aujourd’hui les niveaux observés avant la crise. Les emplois non pourvus n’ont jamais été aussi nombreux. En dépit de taux d’emplois non pourvus en hausse et d’un taux d’emploi d’un niveau élevé inédit, le chômage demeure supérieur à 8% au troisième trimestre de 2021.

Auteur/Autrice

  • Philippe Crevel est un spécialiste des questions macroéconomiques. Fondateur de la société d’études et de stratégies économiques, Lorello Ecodata, il dirige, par ailleurs, le Cercle de l’Epargne qui est un centre d’études et d’information consacré à l’épargne et à la retraite en plus d'être notre spécialiste économie.

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