Niveau scolaire en baisse ou en hausse, à vous de choisir

La France compte de plus en plus de diplômés de l’enseignement supérieur. Pour autant nombreux sont ceux qui considèrent que le niveau scolaire baisse. Les études PISA de l’OCDE, les tests de quotient intellectuel semblent prouver que, depuis une vingtaine d’années, les jeunes Français sont de moins en moins performants.

Le débat autour de la baisse du niveau intellectuel n’est pas nouveau. Déjà dans les années 70, les polémiques sur l’orthographe, sur l’anglicisation de la langue française étaient nombreuses. Entre 1968 et 1995, la proportion de détenteurs du baccalauréat par génération passe de 19,6 à 37,2 %. Ce taux redescend à 31 % en 2004 avant de remonter jusqu’à 42 % en 2018. Tous bacs confondus, le taux de détention a atteint 79,9 % en 2018 se rapprochant ainsi de l’objectif de 80 % fixé par Lionel Jospin. Ce taux était de 19,6 % en 1968 et 51,1 % en 1995. Cette augmentation s’explique avant tout par l’envolée des bacs professionnels. En 2018, 21,5 % des jeunes de la cohorte avaient le bac professionnel, contre 5,1 % en 1992. Pour le bac général, les taux respectifs sont de 42,1 et 32,4 %. La proportion d’élèves ayant eu le bac technique est restée stable sur la période en passant de 12,6 à 16,3 %.

Baisse en calcul … et en dictée.

Une étude réalisée par la Direction de l’Évaluation, de la prospective et de la performance du Ministère de l’Education nationale a recensé les capacités des élèves français à effectuer des additions, des soustractions et des multiplications à trous et cela en 1987, 1999, 2007 et 2017. Le score moyen est passé de 250 à 176 points de 1987 à 2017.

Pour les dictées, le Ministère a également admis une baisse sensible de niveau. Le nombre de fautes par élèves pour une dictée test est passé de 10,6 à 17,8 de 1987 à 2017. La baisse du niveau concerne toutes les catégories sociales mais elle est plus prononcée pour les catégories les plus modestes. La baisse est de 26 % pour les enfants de cadres et de 30 % chez ceux d’ouvriers.

Pas seulement en France

Le reflux du niveau n’est pas spécifique à la France. Aux États-Unis, une dégradation des compétences scolaires a débuté les années 60. En France, le phénomène date des années 80. Il aura des conséquences sur le niveau des actifs par le jeu du remplacement des générations à compter de 2030. Une des explications majeures de la baisse du niveau provient du recul de la pratique de l’écrit et de la lecture ainsi que du manque croissant de concentration des élèves. Un déficit de la lecture et de l’écrit entre 6 et 12 ans ne serait pas récupérable.

En Chine, en Corée du Sud, à Singapour ou au Japon, les autorités tentent de réduire autant que possible l’usage des jeux vidéo dont ils sont pourtant les champions pour la conception ou la production. Ces pays qui figurent dans le peloton de tête pour les classements de niveau des élèves établis par l’OCDE sont ceux dont le système éducatif demeure marqué par le maintien d’un rigorisme certain.

Selon l’INSEE, le niveau moyen de la population a malgré tout progressé de génération en génération. Ainsi, seuls 11 % des personnes de 18 à 29 ans rencontrent des difficultés en calcul quand ce taux dépasse 22 % chez les 50 à 59 ans. Pour les difficultés à l’écrit, les taux respectifs sont 10 et 21 %. Près de 45 % des nouvelles cohortes poursuivent des études supérieures en 2018 quand ce taux était de 27 % en 2000.

2.6 millions d’étudiants aujourd’hui, 310.000 en 1960

Pour l’enseignement supérieur, ce changement d’échelle est une des sources de ses problèmes. Le système construit entre le XIXe siècle et la fin de la Seconde Guerre mondiale n’avait pas été imaginé pour intégrer un si grand nombre d’élèves. Le babyboom des années 50/60 avait certes créé un choc mais les effectifs ne sont en rien comparables avec ceux de maintenant. La France compte 2,6 millions d’étudiants en 2020 contre 310 000 en 1960.

En France, comme dans les pays occidentaux, la proportion de jeunes ayant un diplôme d’enseignement supérieur n’a jamais été aussi élevée. Le diplôme est de plus en plus une condition sine qua non pour obtenir un emploi stable. En revanche, les écarts entre les formations tendent à s’accroître. Les filières d’excellence sont de plus en plus sélectives, le nombre de places disponibles n’ayant pas suivi celui des bacheliers. Les grandes écoles françaises qui ont réussi à résister à la tentation ou à la pression égalisatrice sont accusées de favoriser la reproduction des élites. Plusieurs tentatives ont été ainsi mises en œuvre avec par exemple pour Sciences Po l’instauration d’un canal de recrutement dans les lycées situés dans les Zones d’Education Prioritaire. L’abandon des épreuves de culture générale est également une voie choisie pour permettre un élargissement du recrutement vers des catégories sociales plus modestes.

Avec la suppression des séries en 1ère et en Terminale ainsi qu’en modifiant l’organisation du bac (une partie des notes dépendent d’épreuves au fil de l’année et du contrôle continu), le Gouvernement prend acte que ce dernier n’est plus un outil de sélection. Avec un taux d’obtention de 80 %, il n’a plus vocation à jouer ce rôle. L’idée est même de lui enlever un rôle d’orientation en permettant aux jeunes de pouvoir  mener les études supérieures de leur choix (changement du mode de recrutement en médecine par exemple).

La France a réussi plus ou moins la massification de son système éducatif. La baisse qualitative est peut-être le prix à payer même si celle-ci est également liée à d’autres facteurs (structure démographique, structure des familles, rapport au travail).

La baisse du niveau mesuré par l’OCDE ou par le Ministère de l’Education nationale concerne en priorité les jeunes garçons. Le décrochage scolaire est important dans les quartiers difficiles où l’école n’est plus considérée comme un vecteur de réussite. Si l’obtention d’un diplôme reste le gage d’un emploi, en revanche, les perspectives d’ascension sociale en particulier au sein des professions intermédiaires se sont affaiblies avec le recul de l’industrie et la moindre vitalité du secteur financier.

Problèmes de recrutement

Par ailleurs, concurrencé par Google ou YouTubeainsi que par les messageries, le système éducatif n’est plus jugé comme le premier canal d’accès aux connaissances et aux compétences de la part des élèves. Cette situation est renforcée par les problèmes de recrutement auquel est confrontée l’Education nationale.

La modicité des rémunérations et les difficultés croissantes rencontrées dans l’animation des classes, voire les agressions physiques et autres formes de violence à l’encontre du corps enseignant, n’incitent pas les meilleurs diplômés à rejoindre le monde de l’enseignement. Le conservatisme des professeurs qui rejoint celui des parents ne facilitent pas également la mise en œuvre de réformes ni l’introduction de nouvelles techniques pédagogiques.

L’incapacité des pays occidentaux et de la France, en particulier, d’instituer un système d’enseignement capable d’associer du quantitatif et du qualitatif est une menace importante pour l’avenir.

Si les enfants des catégories sociales supérieures continuent à accéder à des établissements prestigieux dans le cadre de cursus de plus en plus internationalisé, les enfants des autres catégories sociales peuvent connaître un dangereux nivellement par le bas. Si au XIXe et au XXe siècle, l’alphabétisation a été menée tant pour accompagner la Révolution industrielle que pour consolider la République, la déliquescence du système éducatif actuel contribue à une remise en cause des valeurs démocratiques des nations dites avancées.

Auteur/Autrice

  • Philippe Crevel est un spécialiste des questions macroéconomiques. Fondateur de la société d’études et de stratégies économiques, Lorello Ecodata, il dirige, par ailleurs, le Cercle de l’Epargne qui est un centre d’études et d’information consacré à l’épargne et à la retraite en plus d'être notre spécialiste économie.

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