« Pour la Francophonie, Aya Nakamura chantant à la cérémonie des JO serait un très bon choix »

« Pour la Francophonie, Aya Nakamura chantant à la cérémonie des JO serait un très bon choix »

Pour la première fois depuis trente-trois ans, la France accueillera le Sommet de la Francophonie. Celui-ci se tiendra les 4 et 5 octobre prochains, à la fois à Paris et aussi à Villers-Cotterêts. C’est dans cette ville où François Ier a signé un texte faisant de la langue françoise, autrement dit le français, la référence juridique et administratif du royaume. Tout naturellement, cette commune de l’Aisne abrite aujourd’hui la cité internationale de la langue française

Nos mots dépassent les frontières hexagonales. Sur la planète, plus de 320.000.000 de francophones sont recensés. Nos compatriotes vivant à l’étranger défendent notre langue et s’interrogent aussi sur son avenir. C’est ce travail que mènent actuellement Anne Boulo et Philippe Loiseau. Ils sont tous les deux élus, représentant les Français hors de France, Ils animent également le Think Tank « La France et le monde en commun ». 

Notre média, Lesfrancais.press, est parti à leur rencontre. Ils nous livrent leur passion pour la Francophonie et partagent des idées sur la façon de continuer la promotion de notre langue. 

Anne Boulo
Anne Boulo

Anne Boulo est une francophone française multilingue vivant à l’étranger depuis de nombreuses années, en famille. Elle a vécu en Europe, en Asie et elle est désormais installée en République du Congo à Pointe-Noire. Elle y enseigne au Lycée Français Charlemagne. Anne fait du théâtre et de l’improvisation théâtrale. Elle est élue conseillère des Français établis au Congo.

jpg
Philippe Loiseau

Philippe Loiseau est installé à Berlin depuis de longues années, ville dans laquelle « il fait bon vivre ». Il est élu pour représenter les Français d’Allemagne du Nord. Il a aussi rejoint l’Assemblée des Français de l’Étranger en 2009. Il travaille principalement pour le soutien au bilinguisme des jeunes enfants.

Jérémy Michel : « Pourriez-vous nous présenter le Think tank « la France et le monde en commun » ? »

Philippe Loiseau : « La France et le monde en commun est un centre de réflexion et d’analyse dirigé vers les Français de l’étranger et l’international. Nous proposons un espace de débat pour accroître les connaissances au sujet des Français de l’étranger et des politiques qui les concernent. Nous tentons d’apporter aux acteurs des éclairages internationaux utiles pour leur prise de décision. Nous constituons une équipe de Français de l’étranger et de Français vivant en France, engagés, sur un socle commun des valeurs humanistes et républicaines. »

La France et le monde en commun : « Apporter aux acteurs des éclairages internationaux utiles pour leur prise de décision."

Capture d’écran 2024-04-12 à 11.30.38
Site du Think Tank "La France et le Monde en commun"

Jérémy Michel : « Dans le cadre des travaux de ce think tank, vous publierez un rapport intitulé : « 2024, la francophonie au cœur », pourquoi cette étude ? »

Anne Boulo : « Par cette étude, nous avons souhaité porter haut et fort notre attachement à la francophonie, en tant que Français et citoyens du monde, une étude qui nous mènera d’ici quelques mois à mettre en valeur l’attachement de bien d’autres encore et les réalités auxquelles ils et elles sont confrontés en 2024. D’autre part, l’année 2024, année phare pour la Francophonie – du moins nous l’appelons de tous nos vœux – coïncide avec deux anniversaires et sera marquée par de grands évènements, qui se concentrent en France : 

  • Le 10ème anniversaire du rapport Attali sur “la Francophonie et la francophilie, moteurs de croissance durable” qui formule de nombreuses propositions et insiste sur l’importance d’une stratégie économique francophone.

     

  • Les Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024 qui seront l’occasion de faire vivre la langue française comme langue olympique. 

  • Le sommet de la Francophonie les 4 et 5 octobre prochains, accompagné d’un forum économique, d’un sommet des chefs d’État et d’un festival. »

« Chaque francophone contribue à faire vivre sa langue dès lors qu’il l’aime.»

Jérémy Michel : « La défense de la francophonie, n’est-ce pas un combat du passé ? »

Philippe Loiseau : « À la faveur de cette année 2024 en France qui va connaitre des évènements exceptionnels notre étude vise à interroger la francophonie selon notre perspective de Français établis hors de France et sur certains de ses aspects. Je pense que chaque francophone contribue – consciemment ou non – à faire vivre sa langue dès lors qu’il l’aime. Bien entendu, nous savons aussi qu’aimer une langue c’est en respecter les termes et la partager avec d’autres. En ce sens, oui, la francophonie doit rester un espace partagé à l’avenir, même si c’est une lutte de longue haleine dans un contexte difficile. »

Jérémy Michel : « En vivant à l’étranger, vous sentez-vous davantage concerné par la promotion de la Francophonie ? » 

Anne Boulo : « Français établis hors de France depuis de nombreuses années et dans des pays différents, notre identité francophone, notre sentiment d’appartenance au monde francophone, se sont paradoxalement construits en quittant la France. Ce n’est pas si paradoxal. C’est en la quittant que nous avons réalisé que nous appartenions à un ensemble linguistique bien plus vaste. » 

AdobeStock_407736906
Symbole de la francophonie @Adobestock

« Elus consulaires (…) Nous portons cette image de la France dont la langue attise toujours les curiosités. »

Élus consulaires représentant nos compatriotes établis hors de France, impliqués dans des projets associatifs et socio-culturels, sur des territoires pour partie francophones ou non, nous portons cette image de la France dont la langue attise toujours les curiosités et les bonnes dispositions de maints de nos interlocuteurs… Donc oui, nous nous sentons davantage concernés par la promotion de la Francophonie, en tant que langue, en tant qu’espace économique et espace culturel d’un dynamisme incroyable, d’où cette étude.

AdobeStock_528029654
Lutte (en anglais) @AdobeStock

« L’anglais mériterait d’être mieux parlée par les Français »

Jérémy Michel : « Notre bataille mondiale face à l’anglais est-elle déjà perdue ? » 

Philippe Loiseau : « Votre question fait suite à la précédente ! La place des langues dans le monde d’aujourd’hui (et de demain) est une perpétuelle évolution, me semble-t-il. L’anglais exerce certes une sorte de suprématie dans nos quotidiens, nos échanges, et au sein des grandes institutions européennes et internationales. C’est une langue qui doit aussi beaucoup au français d’ailleurs et qui mériterait d’être mieux parlée par les Français. Notre chance réside pour la francophonie d’assurer sa place par et dans le plurilinguisme. »

COUV-1920x1080-2024-03-01T115235.516-1024x576
"Le débat actuel sur le choix d'Aya Nakamura (...) nous place au coeur de la francophonie."

Anne Boulo : « Le débat actuel sur le choix d’Aya Nakamura (…) nous place au cœur de la Francophonie. »

Jérémy Michel : « Aya Nakamura, suscite la polémique depuis que l’on sait qu’elle pourrait être choisie pour chanter lors de la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques. Cette artiste incarne-t-elle la francophonie que vous souhaitez mettre en avant ? »

Anne Boulo : « Le débat actuel sur le choix potentiel de l’auteure-compositrice-interprète franco-malienne Aya Nakamura comme interprète d’une chanson d’Edith Piaf, lors de l’ouverture des Jeux Olympiques et le lynchage numérique dont elle est victime, nous placent au cœur de la Francophonie et des visions antagonistes des Français sur la langue française, ses métissages et son évolution. D’un point de vue politique, à l’heure où la France va accueillir deux événements de rayonnement mondial que sont les Jeux Olympiques et le sommet de la Francophonie, ce serait un choix intelligent car il mettrait en valeur une artiste au succès mondial, qui touche un public jeune et francophone. 

Le choix d’Aya Nakamura « serait un beau pied de nez à celles et ceux qui auraient une vision unicolore, (…) de la langue française »

Ce serait également un beau pied de nez à celles et ceux qui auraient une vision unicolore, étriquée et bourgeoise de la langue française. D’un point de vue culturel et linguistique, ce serait mettre en avant une interprète qui met en valeur les métissages et la vivacité de la langue française. Aya Nakamura est une artiste emblématique de la chanson francophone, elle est une des voix majeures de la chanson francophone, il y en a plusieurs, de multiples. Personnellement je trouve que ce serait un très bon choix, très moderne, qui aura un écho retentissant dans le monde et auprès de la jeunesse francophone de tous les pays. »

Jérémy Michel : « Quel est l’objectif du prochain rapport sur lequel vous travaillez pour défendre la Francophonie dans le monde ? »

Philippe Loiseau : « Notre étude portera des témoignages et n’imposera rien. Elle n’est pas une commande publique comme l’a été le rapport Attali en 2014. Nous ne pourrons pas tirer des conclusions définitives mais entendons mettre en lumière notre relation à la francophonie dans un monde qui change et où les enjeux stratégiques, économiques et culturels semblent défier les démocraties. »

Philippe Loiseau : « Nous entendons mettre en lumière notre relation à la francophonie dans un monde qui change »

Jérémy Michel : « Le gouvernement actuel de Gabriel Attal défend-il correctement la Francophonie ? »

Anne Boulo : « Pour le moment et dans la presse écrite généraliste que je peux lire, je ne constate pas encore d’annonce ou de politique claire récente sur la défense de la Francophonie. D’ailleurs pourquoi devrait-on parler de défense ? On pourrait plutôt parler de PROMOTION, voire d’offensive francophone et voir la Francophonie comme une langue de conquête !

Il faut chercher et faire le lien entre des visites d’État, comme celle actuellement du ministre des Affaires étrangères dans certains pays africains francophones pour lire des prises de position en matière de Francophonie. Il y a eu lors du premier mandat du Président de la République des discours importants avec une volonté affichée de valoriser la francophonie, d’ailleurs surtout dans sa dimension linguistique. 

« Il me semble essentiel que le Gouvernement Attal profite de la tenue du prochain Sommet de la Francophonie pour afficher clairement ses ambitions en matière de Francophonie. »

Gabriel Attal
Gabriel Attal

En menant nos recherches, nous avons pu lire des rapports d’évaluation sur la participation de la France à certaines entités francophones. Ces rapports préconisent également de rendre plus lisible la politique francophone de la France, et d’améliorer la cohérence des actions des différents ministères. Des actions importantes sont menées dans les différents ministères, des investissements conséquents sont faits, mais cela est mal connu du grand public, voire invisible. Il me semble essentiel que le Gouvernement profite de la tenue du prochain Sommet de la Francophonie pour afficher clairement ses ambitions en matière de Francophonie, dans tous les domaines. C’est certainement un des objectifs de l’accueil de cet événement en France. Ce sera de toutes façons l’occasion de mettre la Francophonie et ses artistes à l’honneur dans tous les médias français.»

AdobeStock_2668716
@AdobeStock

Jérémy Michel : « Philippe, quel mot de la langue française est votre préféré, et pourquoi ? »

Philippe Loiseau : « Je ne me suis jamais posé cette question très réductrice…J’aime les mots qui sonnent bien comme lumière, pertinence, encorbellement et gourmandise,… »

Jérémy Michel : « Et vous, Anne ? » 

Anne Boulo : « Plus que des mots, ce sont des expressions francophones que j’ai découvertes au Congo comme « On est ensemble » qui marque une solidarité réelle dans tous les moments. »

Auteur/Autrice

  • Jérémy Michel a travaillé de nombreuses années pour des élus et a coordonné les affaires publiques européennes d'une grande entreprise française. Installé à Bruxelles depuis 2000, il est actuellement coach et consultant.

    Voir toutes les publications
Laisser un commentaire

Laisser un commentaire