A la recherche d’une pêche responsable

Par sa nature, le pêche quand elle est excessive détruit l’écosystème qui la nourrit. Très rapidement, cette activité a été encadrée. Les premières traces de pêche datent du paléolithique (40 000 ans avant Jésus Christ). Les poissons d’eau douce ont été les premiers à être consommés.

Au XVème siècle, la pêche en haute mer et le commerce de poissons s’étendent. Les Néerlandais constituent des flottes de harenguiers qui, traînant un long filet dérivant, peuvent rester en mer des semaines durant. Ils sont ravitaillés par des bateaux cargos qui récupèrent les prises.

Le chalutage prend son essor dès le XIXe siècle avec l’abandon des voiles au profit de la machine à vapeur. Les bateaux deviennent plus grands et plus puissants permettant de traîner d’amples filets dans des eaux profondes. La réfrigération remplace le sel pour conserver le poisson qui peut être distribué sur un large territoire.

160 millions de tonnes de poisson pêchées

Le développement de la population humaine est lié à la sédentarisation et au passage de l’économie de la chasse et de la cueillette à celle de la culture. La pêche est, en revanche, une économie de la cueillette. En 2015, 160 millions de tonnes de poisson ont été pêchées pour se nourrir. Entre 1960 et 2015, la consommation par personne est passée de 9,9 à 21 kilogrammes par an. Les produits de la mer apportent 17 % des besoins en protéine. Pour certains pays, en particulier en Afrique, ce taux atteint 70 %.

Pour satisfaire la demande, les volumes pêchées ont été multipliés par cinq des années 1950 à 1990. Depuis, du fait du problème de la surexploitation, ce volume stagne voire diminue légèrement. En revanche, les poissons d’élevage jouent un rôle croissant. Plus de 74 millions de tonnes de poissons proviennent de fermes aquacoles. Les États-Unis le Japon et l’Union européenne consomment 35 % des captures mondiales hors fermes aquacoles. Les deux tiers des prélèvements sont effectués dans l’hémisphère sud. La majorité de ces prélèvements est affrétée vers le Nord. Le poisson est une des ressources naturelles les plus échangées à l’échelle internationale.

30% des espèces surexploitées

Selon le rapport SOFIA de l’ONU, 90 % des espèces seraient pleinement exploitées, 30 % sont surexploitées. En 1974, seuls 10 % des espèces étaient dans cette situation. Dans l’atlantique du Nord Est, la ressource est divisée par 6 de 1950 à 1990. La flotte mondiale a la capacité de pêcher jusqu’à quatre fois la quantité, mettant ainsi en danger de nombreuses espèces (source FAO).

La problématique des ressources halieutiques n’est pas nouvelle. Selon l’écrivain Tiphaine de la Roche (1722/1774), les premières surexploitations des mers et des océans sont constatées dès le XVème siècle. Dès le début du XXème siècle, la création, en 1902, du Conseil International pour l’Exploration de la Mer (CIEM) à Copenhague fait suite à une prise de conscience générale. La nécessité de réguler la pêche s’impose. Des mesures sont progressivement prises sur la taille des filets, le tonnage des chalutiers, le niveau des prises afin d’éviter la disparition des espèces. Depuis les années 50, des réglementations ont été prises au niveau européen pour éviter l’épuisement de certaines espèces. La coquille Saint Jacques fait ainsi l’objet d’une surveillance poussée de ces stocks. Le tonnage, la taille des coquillages ou des poissons prélevés, les jours de pêche ou la durée des campagnes sont fixés au niveau de la Commission et donnent lieu à des contrôles.

11.300 aires marines protégées dans le monde

Le sommet de la terre de Rio de 1992 et celui de Johannesburg de 2002 fixent des objectifs pour la pérennité de certaines espèces de pêches. Un code de conduite pour une pêche responsable à l’échelle mondiale est établi en 1995 par le FAO. Entre 2016 et 2018, de nombreuses mesures ont été prises pour réduire la pêche du thon et notamment le thon rouge de méditerranée. L’Approche Ecosystémique de la Pêche (AEP) issu du sommet de Rio s’est progressivement imposée. Elle est admise par 47 pays et elle a été intégrée à la politique commune de la pêche de l’Union européenne. Au nom de cette approche, il est tenu compte de l’évolution des stocks mais aussi des interactions entre les espèces.

La biodiversité marine est aujourd’hui au cœur des préoccupations. 11 300 Aires Marines Protégées (AMP) ont été instituées à l’échelle mondiale. Ces AMP ne couvrent pour le moment que 3,7 % de la surface des mers. Au sein de ces zones, les activités de prélèvements sont soit interdites, soit limitées ou soumises à une stricte réglementation.

74 millions de tonnes de poissons d’élevage

Le recours aux poissons d’élevage devient incontournable. Plus de 74 millions de tonnes de poisson sont ainsi élevées chaque année. Le premier producteur mondial est la Chine. Ces fermes aquacoles ne sont pas sans poser des problèmes. Elles génèrent des nuisances avec les déchets et l’injection d’antibiotiques. Par ailleurs, l’alimentation des poissons d’élevage nécessite en amont une pêche abondante. Pour produire fournir un kilo de poisson d’élevage consommé par les hommes, il faut jusqu’à 7 kilos de poissons. 30 millions de tonnes d’anchois et de sardines sont pêchées et transformées en sardine et en huile pour l’élevage.

Négociations sur la haute mer à l’ONU

Le débat du maintien de la diversité marine et de la lutte pour la protection des mers ainsi que des océans mobilisent un grand nombre d’Etats. Les négociations en cours, sous l’égide des Nations Unies concernent les activités en haute mer. Un projet d’accord réglementant l’accès aux ressources en haute mer est à l’étude. La Russie est pour le moment totalement opposée. Les Etats-Unis sont en retrait sans être viscéralement hostiles à un accord. Le Japon, l’Islande et le Canada sont sceptiques. L’Union européenne et la Chine y sont le plus favorables. La haute mer représente 64% de la surface maritime. Bien commun de l’Humanité, elle est libre d’accès et donc menacée de toutes les surexploitations. La nécessité d’un cadre juridique constitue pour de nombreux experts une nécessité.

 

Auteur/Autrice

  • Philippe Crevel est un spécialiste des questions macroéconomiques. Fondateur de la société d’études et de stratégies économiques, Lorello Ecodata, il dirige, par ailleurs, le Cercle de l’Epargne qui est un centre d’études et d’information consacré à l’épargne et à la retraite en plus d'être notre spécialiste économie.

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