Alerte sur l’éducation française

Alerte sur l’éducation française

Charlemagne, Robert de Sorbon, Napoléon, Jules Ferry, au secours ! La France s’est longtemps enorgueillit à juste titre de la qualité de son enseignement qui a permis au pays de compter un grand nombre de chercheurs reconnus mondialement et de ce fait de Prix Nobel. Que ce soit en médecine, en physique, en chimie ou en littérature, le poids de la France dépassait durant de nombreuses décennies celui de sa démographie. Ce temps semble s’éloigner. 

Dernière ou avant dernière place

La France est confrontée à une baisse du niveau de formation initiale. Une nouvelle enquête réalisée par TIMSS (Trends in International Mathematics and Science Study), et publiée à la fin de 2020, confirme celle de l’OCDE (enquête PISA). L’enquête TIMSS a été menée dans 58 pays sur les enfants de CM1 et de 4e. Elle porte sur le niveau en mathématique et en sciences (physique, chimie, sciences de la nature…). La France figure pour chaque matière à la dernière ou à l’avant dernière place quand l’enquête PISA plaçait la France au dernier rang de l’Union européenne pour les mathématiques.

Un retard dès les petites classes 

D’autres enquêtes soulignent également une baisse du niveau dans la pratique de la langue maternelle avec en particulier une réduction sensible du nombre de mots utilisés par les élèves. Dès les petites classes, les élèves français sont en retard sur leurs homologues étrangers. Au collège et au lycée, aucun rattrapage n’intervient. Les mesures prises pour éviter les redoublements et pour atténuer les effets des notes ont a priori accéléré le déclin français qui s’est amorcé il y a une vingtaine d’années.

Le constat vaut tant en mathématique qu’en sciences. Il en est de même pour la maîtrise de la langue maternelle.

Effets sur l’emploi à venir 

Les résultats de ces enquêtes présagent une dégradation progressive de l’employabilité et des compétences de la population active. Le faible niveau en sciences est problématique pour l’industrie et rend difficile les éventuelles relocalisations. Même si les causes sont multiples, la faible appétence des Français pour les sciences ne concourt pas au maintien d’une industrie puissante. Les emplois industriels ont été réduits de plus de 30% en vingt ans. Pour autant, les besoins de l’économie en scientifiques (avec les nouvelles technologies, la santé, la pharmacie, l’énergie, etc.) sont très importants et seront difficilement satisfaits.

Déficit en ingénieurs, expatriations. 

Le déficit en ingénieurs est déjà une réalité. En outre, les meilleurs éléments sont de plus en plus tentés par l’expatriation. 

La crise de la Covid-19 a révélé que plusieurs Français occupaient des places importantes dans des laboratoires pharmaceutiques à l’étranger comme Pascal Soriot, qui dirige AstraZeneca, ou Stéphane Bancel qui est le PDG de Moderna. Certes, la présence importante des Français à la tête des entreprises pharmaceutiques semble prouver que, dans le passé, le niveau de formation en France était correct. Il n’en demeure pas moins que les compétences des jeunes actifs français sont très faibles dans les matières scientifiques. 

Cette baisse du niveau de formation influe sur la structure du marché de l’emploi. La proportion d’emplois à faible qualification est deux fois plus importante en France qu’en Allemagne. 

Notre pays est condamné à se spécialiser dans les emplois à faible valeur ajoutée, notamment les emplois domestiques qui par nature génèrent une faible croissance.

Jeunes déscolarisés 

La France est le pays de l’OCDE dont la proportion de jeunes de 15 à 29 ans déscolarisés et sans emploi est l’une des plus importante : près de 25% en 2019 contre 12% aux États-Unis, 8% en Allemagne ou 5% en Suède. Le taux de chômage des jeunes a toujours été supérieur à la moyenne de l’OCDE et était 10 points au-dessus de celui de l’Allemagne (18% contre 8%) avant la crise. Un faible niveau de formation est fortement corrélé avec le chômage et le taux d’emploi. 

La modernisation de la France sera délicate à mener avec une population active mal formée et qui pourrait ne pas y adhérer. Dans le cadre du plan de relance, le Gouvernement aurait donc avantage à mettre l’accent sur la formation initiale et continue même si plusieurs années seront nécessaires avant que les résultats ne s’améliorent. L’Allemagne et le Canada ainsi que la Nouvelle Zélande ont consenti dans le passé des efforts qui se sont révélés payants.

Auteur/Autrice

  • Philippe Crevel est un spécialiste des questions macroéconomiques. Fondateur de la société d’études et de stratégies économiques, Lorello Ecodata, il dirige, par ailleurs, le Cercle de l’Epargne qui est un centre d’études et d’information consacré à l’épargne et à la retraite en plus d'être notre spécialiste économie.

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