Brexit : la Cour suprême inflige un coup ravageur à Boris Johnson

Le Premier ministre britannique Boris Johnson s’est engagé à contrecœur à respecter la décision de la Cour suprême, qui lui a infligé un coup ravageur le 24 septembre en jugeant illégale sa décision de suspendre le parlement à l’approche du Brexit, déclenchant de nombreux appels à la démission.

« Je dois dire que je ne suis pas du tout d’accord avec ce que les juges ont établi. Je ne pense pas que ce soit juste, mais nous irons de l’avant et bien sûr le parlement va revenir », a déclaré Boris Johnson aux médias britanniques à New York, où il assiste l’assemblée générale de l’ONU.

Sitôt connue la décision de la Cour, le président de la Chambre basse du Parlement, John Bercow, a annoncé que les députés reprendraient leurs travaux ce mercredi 25 septembre à 11 h 30 (10 h 30 GMT). La Chambre des Lords se réunira à partir de 15 h (14 h GMT).

Les onze juges de la plus haute juridiction britannique ont jugé à l’unanimité « illégal, nul et non avenu » l’avis de Boris Johnson demandant à la reine Elizabeth II de suspendre le parlement pendant cinq semaines, jusqu’au 14 octobre, à deux semaines du Brexit.

Ils ont suivi l’argumentaire des adversaires du chef de gouvernement, qui l’accusaient d’avoir suspendu le parlement pour museler l’opposition et sortir le Royaume-Uni de l’UE le 31 octobre, même sans accord de divorce.

Lui n’a eu de cesse de répéter que la suspension du parlement était justifiée afin de préparer et présenter ses priorités politiques nationales après son arrivée au pouvoir fin juillet.

« Empêcher » le Brexit

« Les députés doivent être courageux et demander des comptes à ce gouvernement sans scrupule », a réagi Gina Miller, une militante anti-Brexit à l’origine d’un des recours examinés par la Cour suprême. Elle avait déjà gagné en 2017 une importante bataille judiciaire pour forcer l’exécutif à consulter le parlement sur le processus de retrait de l’UE.

Cette décision de la Cour suprême constitue une défaite majeure pour Boris Johnson qui, depuis son arrivée au pouvoir, a essuyé échec sur échec concernant sa stratégie de sortie du Royaume-Uni de l’UE à tout prix le 31 octobre.

Il a répété mardi avoir bon espoir de pouvoir conclure un accord de divorce avec Bruxelles, même si les dirigeants européens ne partagent pas son optimisme.

Mais il a de nouveau exclu de reporter le Brexit de trois mois si aucun compromis n’est trouvé, à l’encontre d’une loi votée dans l’urgence avant la suspension du parlement, dans la nuit du 9 au 10 septembre, afin d’éviter des conséquences potentiellement chaotiques pour l’économie britannique.

« Il y a beaucoup de gens qui veulent empêcher ce pays de sortir de l’UE », a affirmé le dirigeant.

Les appels à sa démission se sont multipliés dans les rangs de l’opposition, à l’instar du chef des travaillistes qui a souhaité que le dirigeant conservateur devienne « le Premier ministre le plus éphémère de tous les temps ».

Plusieurs députés ont aussi appelé à voter une motion de censure du gouvernement, qui ne dispose plus d’une majorité. John Bercow a indiqué que, le cas échéant, il donnerait aux députés le temps d’en débattre.

Une chute du gouvernement pourrait in fine mener à des élections générales anticipées. Des sondages d’opinion font état d’un regain de popularité des conservateurs depuis le bras de fer entre Boris Johnson et les parlementaires.

« Jour merveilleux »

Devant la Cour, une cinquantaine de manifestants criaient « Johnson dehors ! ». Maureen O’Hara, 67 ans, une fonctionnaire à la retraite, a estimé « super de voir que même le gouvernement doive rendre des comptes ». Pour Naomi Smith : « C’est un jour merveilleux pour la démocratie britannique ».

Il n’est pas inhabituel pour un dirigeant au Royaume-Uni d’ajourner la session parlementaire pour pouvoir présenter son programme de politique nationale. En outre, le parlement ne siège traditionnellement pas pendant quelques semaines en septembre, au moment des congrès annuels des partis.

Mais cette suspension, en raison notamment de sa longueur, avait suscité une vague d’indignation dans le pays du parlementarisme, déclenchant des manifestations ainsi qu’une offensive judiciaire.

La Cour suprême avait été saisie après deux décisions divergentes : l’une, rendue par la haute cour de Londres, avait considéré qu’elle n’avait pas à trancher sur une décision politique, l’autre, rendue par la justice écossaise, avait jugé « illégale » la suspension.

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