Chine, reprise contrastée

Chine, reprise contrastée

Premier pays touché par l’épidémie, la Chine s’en remet progressivement au point que, parmi les grandes puissances économiques, elle devrait être la seule à afficher un taux de croissance positif en 2020. Après s’être effondrée pendant la période du confinement, l’activité économique a commencé à reprendre à partir du mois de mars. Le PIB réel s’est effondré de 10 points au premier trimestre (-6,8% en glissement annuel) avant de rebondir de 11,5% au deuxième trimestre (+3,2% en glissement annuel). Ce rebond a permis de compenser presque la totalité du terrain perdu.

Le redressement observé depuis quatre mois a donc été en V. Il est tiré par la croissance de l’activité dans l’industrie et par l’investissement dans les infrastructures publiques ainsi que par l’immobilier. Certains secteurs demeurent encore très atteints, notamment ceux dépendant du tourisme et de la demande internationale.

Retour à la normale pour la production

L’ensemble des indicateurs d’activité sont en hausse. La production industrielle a renoué avec des taux de croissance positifs en glissement annuel dès le mois d’avril (+3,9 % en volume, puis +4,4 % en mai et +4,8 % en juin). Sur les six premiers mois de 2020, elle n’était plus que de 1,3 % inférieure à ce qu’elle était sur la même période de 2019. La baisse en valeur est plus marquée en raison de la déflation des prix à la production depuis le début de l’année (-1,9 % en moyenne en glissement annuel).

Les entreprises chinoises doivent néanmoins faire face à une forte baisse de leurs profits. Ils sont en recul de 19 % de janvier à mai par rapport à la même période de 2019. Le secteur de la construction et de l’immobilier reste bien orienté en raison des mesures de soutien du gouvernement. En revanche, l’investissement dans le secteur manufacturier se redresse beaucoup plus lentement, contraint par les difficultés financières des entreprises, notamment des PME. Les entreprises exportatrices restent particulièrement prudentes dans leur programme d’équipement. De mars à juin, les ventes de marchandises à l’exportation ont reculé en rythme annuel de 1,6 % quand elles avaient chuté de 40 % en février.

Consommation  à la traîne

La consommation privée repart difficilement, pénalisée par la dégradation du marché du travail (le taux de chômage est proche de 6 % depuis février, contre 5,2 % en 2019).

Les revenus des ménages ont baissé de près de 4 % en termes réels en glissement annuel au premier trimestre. En juin, les volumes de ventes au détail se contractaient encore de 2,9 % sur un an en dépit de l’important rebond des ventes automobiles (+11,8 %), tandis que les ventes de biens et services par Internet se montraient logiquement plus dynamiques (+16 %).

Les facteurs pesant sur le redressement de la consommation des ménages et les exportations devraient persister à court terme, tandis que les autorités misent d’abord sur les mesures de soutien à l’investissement pour relancer l’économie.

Politiques de soutien à l’activité

Comme au sein des pays de l’OCDE, la banque centrale chinoise est intervenue depuis le début de la crise de la Covid-19 pour répondre aux demandes de liquidités du secteur financier. Elle a assoupli les conditions monétaires et de crédit, et encouragé les banques à couvrir les besoins de trésorerie de leurs clients et à refinancer les prêts existants pour éviter défauts et faillites.

Les micros et petites entreprises semblent être au centre des préoccupations des autorités. La croissance des crédits à l’économie a déjà accéléré de 10,7 % en rythme annuel fin février à 12,8 % fin juin. Elle devrait atteindre 13 % à 14 % fin 2020. L’assouplissement des conditions de crédit devrait toutefois rester relativement modéré, la marge de manœuvre de la banque centrale étant fortement contrainte par l’endettement excessif de l’économie.

Dans les prochains mois, le soutien à la croissance reposera davantage sur la politique budgétaire. Les mesures annoncées depuis le mois de février visent à aider les secteurs et les entreprises les plus sévèrement affectés par les conséquences de l’épidémie, à soutenir les revenus des ménages, notamment par la relance de l’emploi, et à stimuler la demande interne.

L’investissement public dans les projets d’infrastructures reste l’instrument privilégié. Le déficit budgétaire officiel devrait s’accroître mais de manière modérée par rapport à ce qui est constaté en Occident. Ainsi, selon la présentation réalisée devant le Parlement à la fin du mois de mai, le budget de 2020 devrait enregistrer un déficit de 3,6 %, contre 2,8 % en 2019. Cette faible dérive budgétaire s’explique par le fait que de nombreux dispositifs sont hors budget. De nombreuses mesures ont été prises en charge par les caisses de sécurité sociale et par de multiples fonds (État, collectivités locales, entreprises publiques).

Déficit public « élargi » estimé à – 15%

Les entreprises publiques participent également à des mesures de relance. En additionnant le déficit officiel, les fonds financés par les obligations spéciales et une estimation des autres comptes publics hors budget, le déficit budgétaire « élargi » s’élève à 10,9 % du PIB en 2019 et est prévu à 15,9 % du PIB en 2020.

Cette hausse de 5 points de PIB est plus fidèle à la réalité des politiques de soutien à l’activité. La dette du gouvernement central reste modérée et ne devrait pas dépasser 20 % du PIB en 2020. En revanche, celle des collectivités locales (et de leurs véhicules de financement) est élevée, estimée à environ 50 % du PIB.

La tentation d’un modèle chinois

Les autorités chinoises suivent de près l’évolution de l’emploi par crainte d’une multiplication des mouvements sociaux qui pourraient déstabiliser le pays. Elles entendent également démontrer auprès de l’opinion publique chinoise que le pays a surmonté une crise majeure bien mieux que les pays occidentaux. Elles pensent pouvoir à terme augmenter l’influence du pays auprès des autres pays émergents en raison du repli supposé des pays avancés et des États-Unis en premier lieu.

Si jusqu’à maintenant, la politique étrangère a toujours été emprunte de prudence, la Chine pourrait être tentée de profiter du chao économique mondial pour avancer un peu trop rapidement ses pions que ce soit en Mer de Chine ou en direction de Taiwan.

Auteur/Autrice

  • Philippe Crevel est un spécialiste des questions macroéconomiques. Fondateur de la société d’études et de stratégies économiques, Lorello Ecodata, il dirige, par ailleurs, le Cercle de l’Epargne qui est un centre d’études et d’information consacré à l’épargne et à la retraite en plus d'être notre spécialiste économie.

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