Comment briser le cercle infernal du « low-cost » ?

Comment briser le cercle infernal du « low-cost » ?

À partir des années 1990, le « low-cost » s’est imposé dans l’univers de la production et de la consommation. Initialement, les entreprises qui ont parié sur des produits à faibles prix souhaitaient gagner des parts de marché dans les pays en développement ou émergents. Elles ont été, en règle générale, surprises par l’importance des ventes en Occident.

Capter une nouvelle clientèle et favoriser la consommation 

En offrant des biens et des services à faibles prix, les entreprises ont élargi la demande. Ainsi, les compagnies de transport aérien low-cost ont tout à la fois capté un public qui n’utilisait pas traditionnellement l’avion et ont permis à d’autres de partir plus fréquemment. Capter une nouvelle clientèle et favoriser la consommation sont les deux objectifs du low-cost. Pour réduire les coûts, les entreprises réduisent les services offerts, recourent à des productions déjà amorties et exploitent au mieux l’éclatement des chaînes de production.

Le consommateur gagnant, le producteur et le salarié beaucoup moins 

Si le consommateur peut être gagnant à ce jeu, le producteur et le salarié le sont beaucoup moins. En outre, le bilan carbone de ce processus est plus que douteux. Les produits proposés sont souvent de moindre qualité, l’objectif étant de créer un processus d’achats de produits low-cost (électroménager, voitures, etc.). 

Le développement du low-cost entraîne une déformation du partage des revenus au détriment des salariés. Pour les services non délocalisables, les entreprises sont contraintes de réduire les salaires et leur évolution ; pour les biens industriels, la délocalisation des centres de production est la voie privilégiée. 

La production industrielle est restée stable depuis vingt-cinq ans au sein de l’OCDE quand elle a été multipliée par sept au sein des pays émergents. Le low-cost accélère la transformation des emplois dans l’industrie en emplois de services peu sophistiqués.

Des salaires plus faibles que dans l’industrie 

Au sein de l’OCDE, de 1995 à 2020, les emplois industriels ont reculé de 12 % quand ceux dans le secteur domestique (restauration, hébergement, transports, loisirs, services à la personne) ont augmenté de plus de 25 %. 

Les salaires proposés dans ce secteur sont plus faibles que ceux de l’industrie, ce qui conduit les ménages concernés à consommer toujours plus de produits low-cost. Un cercle vicieux tend ainsi à s’installer au sein des pays occidentaux. Le marché des biens de consommation est de plus en plus polarisé avec d’un côté les marques premium de plus en plus élitistes et de l’autre côté les marques low-cost qui captent non seulement les ménages à revenus modestes mais également ceux appartenant aux classes moyennes. 

Les constructeurs automobiles de gamme moyenne comme Renault ou Fiat éprouvent de plus en plus de difficultés à la différence des marques premium (Mercedes, BMW, Audi, etc.) ou low-cost (Dacia, Ssangyong, etc.). Les consommateurs ont pris goût à des produits à faibles prix, n’ayant pas conscience que ces derniers menacent leur emploi et leurs revenus. 

La sortie de la spirale infernale du low-cost passe par une montée en gamme et par des augmentations de salaire qui permettraient aux salariés d’accéder à des biens plus chers mais de meilleure qualité.

Auteur/Autrice

  • Philippe Crevel est un spécialiste des questions macroéconomiques. Fondateur de la société d’études et de stratégies économiques, Lorello Ecodata, il dirige, par ailleurs, le Cercle de l’Epargne qui est un centre d’études et d’information consacré à l’épargne et à la retraite en plus d'être notre spécialiste économie.

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