Comment réduire le déficit public de la France ? 

Comment réduire le déficit public de la France ? 

En 2023, la France a enregistré son cinquantième déficit public consécutif. Depuis une dizaine d’années, le déficit de la France est toujours supérieur à la moyenne de la zone euro. En 2023, l’écart est d’environ 3 points de PIB. Il s’est révélé 0,6 point au-dessus des prévisions du gouvernement. La France se distingue ainsi de pays comme le Portugal qui a enregistré un excédent budgétaire en 2023 ou de l’Espagne qui a fortement réduit le sien. 

Est-ce que ce déficit est problématique ? Le cas échéant, quels sont les moyens dont le gouvernement dispose pour le réduire ? Pour le moment, la France arrive à financer sa dette publique. Les taux d’intérêt sur les obligations d’État à 10 ans ont augmenté depuis la fin de la politique monétaire non conventionnelle mais l’écart avec le taux allemand reste assez stable. Dans ce contexte, certains estiment qu’il est inopportun compte tenu des besoins en investissements (transition énergétique, défense, recherche, santé, éducation, etc.) d’assainir les comptes publics.

Il y a de bonnes raisons pour différer un rééquilibrage des comptes publics

Le ralentissement en cours de la croissance est un autre argument mis en avant pour ne pas réduire le déficit public, argument notamment soulevé par l’OFCE. De toute façon, il y a toujours quelques bonnes raisons pour différer un rééquilibrage des comptes publics. La France a largement profité des taux historiquement bas. Elle est une gagnante de la monnaie commune, l’euro, en empruntant à des conditions relativement généreuses. Depuis 1999, la France ne connaît plus de crise de changes, contrairement aux années 1980. Mais l’euro est un bien commun dont la crédibilité suppose que les États membres respectent un minimum d’orthodoxie. L’euro risquerait d’être affecté si tous les États optaient pour des politiques budgétaires expansionnistes. Il y a une responsabilité collective face à la monnaie.

L’endettement n’est pas sans limite même avec l’euro.

L’endettement n’est pas sans limite même avec l’euro. La Grèce l’a prouvé en 2010. Si les investisseurs doutent à un moment donné de la capacité de la France à rembourser, ils exigeront des taux de plus en plus élevés. Or, avec la remontée des taux, le service de la dette, c’est à dire le paiement des intérêts, coûtera cher dans les prochaines années. Son montant serait de 70 milliards d’euros, soit les quatre cinquièmes de l’impôt sur le revenu. Il est fréquemment affirmé que l’endettement n’est pas à bannir car il permet de financer des dépenses d’investissement qui sont nécessaires pour la croissance de demain. Or, les déficits publics sont en France essentiellement occasionnés par les dépenses de fonctionnement et non pas les dépenses d’investissement qui ont tendance à se réduire ces vingt dernières années.

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Le service de la dette : 70 milliards, soit les quatre cinquièmes de l’impôt sur le revenu.

La réduction du déficit public a mauvaise presse car elle signifie la réalisation d’arbitrages sensibles dans les dépenses publiques. Des économistes comme ceux de l’OFCE ou Patrick Artus, mettent en avant que la diminution du déficit accentuerait le caractère récessif de l’actuelle politique monétaire de la BCE. 

Afin de relever le taux de la croissance potentielle, les pouvoirs publics auraient tout avantage à augmenter les dépenses d’investissement en faveur de la transition écologique, la réindustrialisation, la recherche ou la défense. En France, les dépenses publiques d’investissement, de Recherche & Développement et d’éducation sont passées de 18,5 à 16,5 % de 2010 à 2022. Leur augmentation serait susceptible d’endiguer la baisse de la productivité. Elle supposerait une réorientation des dépenses et la diminution de celles liées à la protection sociale ce qui, évidemment, est difficile compte tenu des attentes de la population.

Une augmentation des impôts entraînerait une diminution de l’investissement.

L’autre solution serait le relèvement des prélèvements obligatoires. En France, ils dépassent 44 % du PIB et sont deux points au-dessus de leur niveau de 2010. Leur hausse aurait également un effet négatif sur la croissance. Une augmentation des impôts de production ou sur le capital entraînerait une diminution de l’investissement. Un relèvement des taux de TVA jouerait contre la consommation des ménages. 

La TVA est l’impôt qui rapporte le plus, 200 milliards d’euros par an. Certains imaginent l’augmenter en baissant en contrepartie les cotisations sociales. Ce transfert ne change rien sur la ponction finale. A contrario, la hausse des cotisations sociales pénaliserait la compétitivité des entreprises. 

Le gouvernement dispose de peu de marges de manœuvre en matière budgétaire, sachant qu’il est susceptible d’être censuré sur ce sujet sensible à l’Assemblée nationale. Il n’existe pas de majorité pour une rationalisation des dépenses sociales ou des dépenses des collectivités locales tout comme il n’y en a pas sur les questions fiscales. 

Auteur/Autrice

  • Philippe Crevel est un spécialiste des questions macroéconomiques. Fondateur de la société d’études et de stratégies économiques, Lorello Ecodata, il dirige, par ailleurs, le Cercle de l’Epargne qui est un centre d’études et d’information consacré à l’épargne et à la retraite en plus d'être notre spécialiste économie.

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