Des banques de plus en plus sous contrôle 

Des banques de plus en plus sous contrôle 

Jusqu’en au XIXe siècle, les banques réglaient les fins de mois des États impécunieux. Celle des Médicis de Florence a ainsi joué le rôle de prêteur en dernier ressort des Rois et des Empereurs. Aujourd’hui, les banques ont parfois besoin des États pour éviter le dépôt de bilan. 

Leur fragilité a été soulignée avec acuité lors de la crise des subprimes en 2007/2009. La non-intervention de l’État fédéral américain pour sauver Lehman Brothers a failli déboucher sur une implosion généralisée de la sphère financière. Afin d’éviter la réédition d’une telle crise, les États ont renforcé leur pouvoir de contrôle sur les établissements financiers. 

Aux États-Unis, le régulateur, la Federal Deposit Insurance Corporation, un régulateur américain, a imposé aux banques américaines le sauvetage de la Silicon Valley Bank (SVB) et de la Signature Bank pour un coût global dépassant 16 milliards de dollars. Elles seront également appelées à couvrir les pertes de la First Republic.

Les pouvoirs publics s’immiscent de plus en plus dans la gestion des établissements financiers 

Aux États-Unis, en Grande-Bretagne et en Europe, les responsables politiques s’interrogent sur la nécessité d’augmenter le niveau de protection des dépôts bancaires. Les pouvoirs publics, dans le cadre de la régulation, s’immiscent de plus en plus dans la gestion des établissements financiers. Les périodes de crise sont propices à l’interventionnisme étatique. Compte tenu de la fréquence de plus en plus rapide des crises, ce dernier ne peut que s’accroître. 

La protection des déposants des banques a commencé après la grande crise de 1929 qui avait provoqué la faillite de plusieurs d’entre elles. Cette protection n’allait pas de soi. Le Président Franklin Roosevelt qui est souvent crédité de l’avoir inventée s’y était, dans les faits, opposé estimant que son introduction encouragerait au laxisme et à la prise de risques inconsidérés de la part des établissements financiers qui en bénéficieraient. Elle fut néanmoins instaurée en 1934 aux États-Unis.

La Banque centrale européenne a fixé le niveau de la garantie à 100 000 euros par déposant et par banque 

Cette garantie s’est diffusée au sein des pays de l’OCDE. Au sein de la zone euro, après la crise des dettes publiques entre 2010 et 2012, la Banque centrale européenne, de concert avec les États membres, a fixé le niveau de la garantie à 100 000 euros par déposant et par banque. De plus en plus, l’idée d’une couverture totale des dépôts se diffuse. 

Aux États-Unis, le régulateur a décidé que l’ensemble de la place financière se devait de protéger les déposants des banques en difficulté. Il n’a fait que reprendre les déclarations du Président, du secrétaire au Trésor ou du Président de la Réserve fédérale. Face à un problème de solvabilité lié à des retraits massifs de la part des clients, la FED a, dans le cadre de son « programme de financement à terme bancaire », accepté le principe d’une valorisation des titres à long terme au pair même quand sur le marché ils subissent une décote. 

La volonté des pouvoirs publics de sauver quoi qu’il en coûte les établissements financiers pour éviter tout effet domino a pour corollaire une surveillance accrue de la gestion des actifs et du montant des fonds propres.

Le régulateur américain envisage de durcir les règles 

Aux États-Unis, la faillite de Fannie Mae et Freddie Mac lors de la crise financière de 2007/2009 a conduit à une surveillance accrue des pratiques bancaires et des fonds propres. Après les problèmes rencontrés par plusieurs banques californiennes, le régulateur américain envisage de durcir les règles sur le risque des taux d’intérêt. 

La réglementation actuelle permet aux banques de compter la valeur nominale des obligations d’État de toute durée comme des liquidités de première qualité (c’est-à-dire des fonds accessibles en cas de crise). En revanche, quand les taux montent, la valeur des obligations baissent. Les États demandent aux banques comme aux assureurs de détenir de fortes quantités de ces actifs réputés sûrs ce qui expose évidemment les secondes au risque de taux de manière importante. 

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Aux États-Unis, depuis 1933 et le Plan dit de Chicago, les banques sont censées détenir des quantités importantes de liquidités. Il en est de même pour la zone euro. Mais, ces réserves peuvent s’avérer insuffisantes en cas de « bank run ». Aux États-Unis, pour s’en prémunir, certains recourent à des fonds du marché monétaire qui ont accès à la facilité de prise en pension de la Réserve fédérale. Les Américains peuvent, ainsi, placer des liquidités dans ces fonds qui à leur tour les placent directement auprès de la Fed, contournant alors complètement le système bancaire. 

En Europe, les épargnants peuvent également placer leurs liquidités dans des OPC monétaires. Ces dernières avaient connu un vif succès dans les années 1980 du fait d’un rendement élevé et d’une fiscalité attractive. Les fonds du marché monétaire ont reçu quelques 435 milliards de dollars d’entrées depuis la faillite de SVB, un flux de trésorerie qui contribue à déstabiliser les banques.

Les banques sont à la base de l’investissement 

Une autre façon dont le système pourrait devenir plus étroit est si la Fed ou d’autres banques centrales importantes lancent des monnaies numériques de banque centrale, qui fonctionnent comme des alternatives aux comptes bancaires. Le développement d’un système de financement sans l’intervention des banques commerciales ne serait pas sans générer de nouveaux problèmes. Ces dernières jouent un rôle clef dans la transformation des dépôts en ressources longues. Elles sont parties prenantes dans la mutualisation des risques. Elles garantissent tout à la fois la liquidité, la sécurité et le rendement des placements. 

Les banques sont à la base de l’investissement qui est le moteur de la « destruction créatrice » chère à Schumpeter. Le contrôle étatique de la sphère bancaire augmente en Occident. Il est total au sein de nombreux pays émergents. En Chine et au Vietnam, les volumes de crédit sont décidés par les pouvoirs publics. Les plus grandes banques sont détenues majoritairement par l’État qui est responsable dans les faits de la politique monétaire. 

Comme aux États-Unis, les autorités chinoises n’hésitent pas à secourir des établissements en difficulté. Le développement du shadow banking en Chine via des structures dépendant des collectivités locales constitue une réelle menace pour l’équilibre du système financier. En voulant sauver ce dernier, les autorités créent de nouveaux dangers.

Auteur/Autrice

  • Philippe Crevel est un spécialiste des questions macroéconomiques. Fondateur de la société d’études et de stratégies économiques, Lorello Ecodata, il dirige, par ailleurs, le Cercle de l’Epargne qui est un centre d’études et d’information consacré à l’épargne et à la retraite en plus d'être notre spécialiste économie.

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