Des NFT au Métavers, une nouvelle révolution digitale en marche ?

Des NFT  au Métavers, une nouvelle révolution digitale en marche ?

Le 25 octobre dernier, l’hebdomadaire britannique « The Economist » a vendu aux enchères un « NFT » (non-fungible token) représentant la une d’un de ses anciens numéros et en a obtenu 99,9 éthers (environ 400 000 euros) reversés pour une œuvre caritative. À travers cette opération, les journalistes entendaient prouver l’existence d’un marché de l’art digital. Un NFT est un enregistrement, généralement sur la blockchain Ethereum, qui représente sous forme numérique, une image, un texte, ou une vidéo. Inventés en 2014, les NFT ont connu un essor en 2017. Au mois de mars de cette année, la maison de vente aux enchères, Christie’s, a vendu un NFT d’une œuvre de Beeple, un artiste numérique, pour 69,3 millions de dollars.

Chaque jeton est unique et ne peut être conservé que dans un seul portefeuille en ligne

Les NFT sont des crypto-tokens. À la différence des dollars, des euros ou des bitcoins, ils ne sont pas fongibles, une unité n’a pas obligatoirement la même valeur qu’une autre. Les jetons stockent certaines données, notamment le nom du NFT et un lien vers une image numérique. Chaque jeton est unique et ne peut être conservé que dans un seul portefeuille en ligne. L’image, cependant, peut être visualisée, copiée ou téléchargée par n’importe qui.

Les NFT appelés également « cryptokitties » ont été inventés par Anil Dash, un entrepreneur, et Kevin McCoy, un artiste, pour faire comprendre qu’un article sur Internet était un original numérique méritant une protection et une reconnaissance spécifique. Les NFT offrent la preuve que le détenteur est à l’origine de l’image ou du texte. Ils permettent de distinguer l’original des copies.

11 % des adultes américains auraient acheté un NFT

En 2021, la valeur totale des NFT émis sur la blockchain Ethereum est de 14,3 milliards de dollars, selon DappRadar, une société de recherche, contre environ 340 millions de dollars l’année dernière. Selon une récente enquête réalisée par Harris, 11 % des adultes américains auraient acheté un NFT (soit juste un point de moins que ceux qui investissent sur le marché des matières premières). Les volumes mensuels de nfttrading sur des plateformes d’art désignées comme « Nifty Gateway » et « Foundation », ont atteint 205 millions de dollars en 2021.

Les analystes de Jefferies, une banque d’investissement d’américaine, parient sur un doublement de la valeur des NFT en 2022. D’ici 2025, leur valeur pourrait dépasser 80 milliards de dollars.

Les NFT offrent de nombreux avantages pour les créateurs. Logés sur un système de blockchain ouvert, ces derniers, tout comme les acheteurs potentiels, peuvent suivre l’historique des transactions. Ils peuvent également conserver une participation dans leur travail, même après la vente de l’original. Dans un système de vente traditionnelle, les artistes ont peu de moyens pour veiller au respect de leurs droits. En théorie, un NFT pourrait être lié à un texte comprenant un contrat juridique qui confère un type spécifique de droit de propriété. En pratique, cependant, rien n’est inclus.

Des échanges en ligne sans intermédiaire

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Sur la plateforme « Foundation », le règlement précise que l’acheteur d’un NFT a des droits qui s’apparentent à une licence d’utilisation d’une image de manière limitée. La vente peut par exemple interdire l’usage du NFT à des fins commerciales par l’acheteur en limitant le droit d’usage à un affichage public et à la possibilité de le copier pour un usage personnel.

Les atouts des NFT n’intéressent pas que le monde de l’art. De nombreux investisseurs en capital-risque et développeurs informatiques estiment qu’ils peuvent servir de base aux échanges en ligne. Ils tentent de créer un nouveau type d’économie numérique, dans lequel toutes les opérations en ligne seront exécutées par des applications « décentralisées ». Ces dernières appartiendraient à leurs inventeurs et seraient exploitées par leurs utilisateurs, sans avoir besoin de recourir à des intermédiaires comme Google ou Apple.

La distribution de toutes sortes de contenus numériques, comme des images, des vidéos et même des articles, pourrait se faire en passant par les NFT.

Le monde des jeux vidéo qui a toujours été en pointe en matière informatique s’intéresse de plus en plus aux jetons. « Axie Infinity », un jeu avec plus de 250 000 utilisateurs actifs quotidiens recourt aux NFT. Dans ce jeu, les participants collectent, élèvent, combattent et échangent des petites créatures, qui sont numérisées en tant que NFT. Ils peuvent gagner des jetons en fonction de leurs scores. La valeur de ces NFT est liée aux résultats de vente du jeu. Supdrive, une plateforme de jeux vidéo, vend ces derniers sous forme de NFT. Plusieurs mondes en ligne immersifs, les métavers, proposent l’achat de terrains virtuels grâce à des NFT. Au-delà du monde virtuel, les jetons pourraient également être utiles pour des activités menées dans le monde réel.

Financer la recherche grâce aux métavers

Certaines universités américaines expérimentent leur utilisation pour financer la recherche. L’Université de Californie à Berkeley a collecté 50 000 dollars en vendant un NFT fondé sur des documents relatifs à des recherches sur l’immunothérapie contre le cancer réalisées par le prix Nobel de médecine, James Allison, en tant qu’objet de collection.

Saint-Marin a approuvé l’utilisation de jetons comme passeports numériques pour le vaccin contre la Covid. Tout comme ils rendent possibles les transferts de terres virtuelles, les NFT pourraient devenir un moyen d’échanger des actes de propriété réels ou d’autres types de contrats. En juin, Michael Arrington, le fondateur de TechCrunch, une société de médias, a ainsi vendu un appartement à Kiev.

Les NFT permettraient également aux acheteurs et aux vendeurs d’exploiter un nombre croissant d’applications financières décentralisées fondées sur des blockchains. Ils autoriseraient l’octroi de prêts sans passer par des intermédiaires financiers.

Blockchain et failles

Les NFT ne sont pas sans failles. Ils ne sont que des liens vers des images. Des hackers peuvent modifier à leur profit les liens après la réalisation d’une transaction. L’identité d’un acheteur d’un NFT et la provenance de ses fonds ne peuvent pas toujours être connues, l’organisation d’opérations frauduleuses en serait facilitée. Les technologies Blockchain consomment de manière importante de l’électricité. La vente d’un NFT sur  une plateforme correspond à l’émission de gaz à effet de serre d’une personne empruntant un vol long-courrier. Certaines solutions sont à l’étude comme un système de stockage décentralisé et un suivi des liens rompus.

Certaines applications essaient de toucher le moins possible à la blockchain afin de réduire l’empreinte carbone. Les cryptokitties ou NFT semblent amorcer une nouvelle révolution digitale à laquelle croit instamment la société Facebook. Devenue « Meta », la société de Mark Zuckerberg vient d’investir des milliards de dollars dans un monde virtuel permanent. Microsoft fait de même en développant des applications « métavers » pour le bureau. L’engouement pour les NFT ressemble en partie à celui qui avait eu lieu en 2003 avec la création de « Second Life ». Ce dernier avait été éphémère faute d’intérêt pratique.

Auteur/Autrice

  • Philippe Crevel est un spécialiste des questions macroéconomiques. Fondateur de la société d’études et de stratégies économiques, Lorello Ecodata, il dirige, par ailleurs, le Cercle de l’Epargne qui est un centre d’études et d’information consacré à l’épargne et à la retraite en plus d'être notre spécialiste économie.

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