Etats-Unis - France : test, formalités, quelles règles ? - l'avis de juristes français new-yorkais et parisiens.

Etats-Unis - France : test, formalités, quelles règles ? - l'avis de juristes français new-yorkais et parisiens.

Les Etats-Unis figurent désormais sur cette liste des seize pays pour lesquels un test de dépistage sera désormais obligatoire.

Vendredi 24 juillet, Jean Castex a en effet été décidé que les voyageurs en provenance des Emirats arabes unis, des Etats-Unis, de Bahreïn et du Panama doivent présenter un test PCR négatif datant de moins de soixante-douze heures avant le vol avant d’embarquer dans l’avion à destination de la France.

Test PCR covid-19 roissy
Dispositif de testing PCR covid-19 Aéroport Roissy CDG / AFP

Une mesure ciblant les expatriés

Les touristes ne pouvant voyager actuellement, cette obligation de présenter un test s’adresse donc à tous les expatriés français qui souhaitent rentrer en France cet été pour voir leur famille. Si vous êtes français, belge ou suisse et que vous résidez de façon permanente à New York, Miami ou Los Angeles, vous devez donc obligatoirement effectuer ce test pour pouvoir passer la frontière française.

Vendredi 30 juillet, on a appris que la mesure qui devait prendre effet dès ce samedi 1 aout a été suspendue jusqu’au 5 août pour permettre aux Françaises et aux Français vivant aux États-Unis de rentrer en France sans avoir à justifier d’un test PCR de moins de 72 heures. Pour les autres, ceux qui n’ont pas pu décider de partir immédiatement, il faudra faire le test !

Le député des Français d’Amérique du Nord,  Roland Lescure,  a été particulièrement actif. Présent à Paris, pour la session extraordinaire de l’Assemblée nationale, il a su déployer tout son réseau pour infléchir la position du gouvernement.

 

L’image contient peut-être : texte qui dit ’DE PRESSE COMMUNIQUÉ tahe (Etats- Roland LESCURE Président Commission Affaires économiques d'Amérique &Canada) Test de moins 72 heures pour les Français d'Amérique :le Gouvernement du décret aout décretn moins interpeller juillet 2020 obligation pouvoir embarquer pour retour vous nous l'impossibil d'obtenir plusieurs supplementaires ministre conséquent Cependant, venons obteni nous permettra Conscients situation d'attente satisfaire l'aéroport. personnes revenant d'exceptions dérogations CONTACT olandlescure@assembiee-nationale.fr dépistagevirologique. ASSEMBLEE’

 

Des tests difficiles à réaliser, 2 options aux USA ou en France

Ils viennent des 4 coins du pays continent et certains même de Floride, Etat qui a enregistré 10 000 nouveaux cas depuis jeudi dernier. Eux ont fait le test les lundi et mercredi précédents, donc pas dans les 72 heures avant leur vol, ce qui les expose théoriquement à une mise en quarantaine obligatoire, à la guise du préfet… A l’heure où nous écrivons ces lignes, aucune quarantaine n’a été décrétée pour des voyageurs arrivant des USA.

A leur décharge, aux Etats-Unis, la pandémie est toujours en progression, les laboratoires sont pris d’assauts par les américains. Il est plus que difficile d’obtenir un test dans les délais exigés par le décret français. En sus, le cout est très important. Si vous disposez d’une  assurance, vous devrez probablement débourser entre 100 et 500 dollars (entre 90 et 460 euros). Dans le cas contraire, il vous en coûterait environ 1600 $ (1475 €).

Autre option, c’est de passer par les centres de dépistages présents dans les aéroports comme Roissy. Depuis le 1 aout, il n’y a pas de choix si vous ne présentez pas de tests à l’arrivée sur le territoire français. Et là, il faudra, après un long vol, vous armez de patience pour effectuer le contrôle par des médecins des Hôpitaux de Paris et ainsi obtenir le résultat. Il faut donc mieux, gérer, dans la mesure du possible, votre dépistage avant votre décollage.

 

Un texte qui pose questions !

Au delà des problématiques opérationnelles, cette mesure pose de nombreux problèmes juridiques… Du côté français comme du côté américain… En effet, de fait, cela revient dans certaines conditions, a refusé l’accès au territoire français à des citoyens ! Un exil forcé.. Lesfrancais.press ont sollicité deux avocats, un spécialiste basé à New-York et sa confrère exerçant en France.

 

 

Lesfrancais.press : Interdisant de fait le territoire à des citoyens français, est ce que ce décret n’enfreint pas la constitution ?

D’une part, le décret n° 2020-911 du 27 juillet 2020, publié au JO le 28 juillet 2020, qui institue l’obligation pour les ressortissants français présents dans certains pays (USA, Panama, EAU, Bahreïn) d’obtenir un test négatif AVANT l’embarquement déclenche dans les faits une interdiction d’entrer sur le territoire français puisque les compagnies aériennes, refusent l’embarquement si le test n’est pas obtenu.  En effet, il est établi que, aux Etats-Unis, dans la plupart des 50 états, qui ont la responsabilité juridique des questions de sécurité sanitaire, et non le gouvernement fédéral, il est, la plupart du temps, impossible d’obtenir les résultats d’un test en 72 heures.

D’autre part, il convient de rappeler que les ressortissants français, quel que soit leur pays de résidence, ont un droit « général et absolu » à entrer, séjourner et demeurer en France. Cette liberté fondamentale est reconnue par le Conseil Constitutionnel ainsi que par le droit international.

De plus, le décret du 27 juillet introduit une rupture d’égalité infondée entre les ressortissants français de la plupart des pays étrangers qui sont soumis à la prise de test à l’arrivée en France, et ceux d’autres pays (USA, Panama, EAU, Bahreïn) où le test est requis avant l’embarquement. Or, l’existence de ces deux listes confirme bien que la prise de tests à l’arrivée est possible dans tous les cas de figure, et toute imposition d’entrave supplémentaire à la liberté de circulation ne peut se justifier que par des motifs graves, qui sont, non seulement pas explicites dans le décret, mais inexistants dans les faits.

 

Lesfrancais.press : Plus spécifiquement, le décret du 27 juillet 2020 ne viole-t-il pas le principe d’égalité tel qu’il résulte de l’article 6 de la Déclaration des Droits de l’Homme (DDH) ? 

Le principe d’égalité est l’une des pierres angulaires du droit français. L’article 6 de la DDH l’évoque ainsi : la loi « doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse ». Depuis 1789, les applications de ce principe d’égalité des citoyens devant la loi sont multiples et la liste n’est pas exhaustive : égalité devant les charges publiques, égalité devant la justice, égalité devant les lois sociales, pénales, fiscales, égalité en matière d’emplois publics et bien sûr égalité devant la loi en matière de liberté publique.

 

Si nous sommes tous égaux en droit dans toute situation, seules des circonstances de fait différentes peuvent entraîner des situations de droit différentes.  Mais ces ruptures d’égalité doivent reposer sur des critères objectifs, rationnels, proportionnés à l’objectif d’intérêt général à atteindre.

 

Or, quels sont les critères objectifs, rationnels et proportionnés qui ont conduit, dans le décret du 27 juillet 2020, à interdire l’entrée sur le territoire des français de l’étranger ? Quels sont les critères objectifs, rationnels et proportionnés qui ont entrainé le classement des pays, et donc des ressortissants français concernés en deux listes aux droits bien distincts, les ressortissants résidants dans les pays de la liste 2bis (USA, Panama, EAU, Bahreïn) subissant une atteinte à leur droit d’entrer en France bien plus sévère que les ressortissants résidants dans les pays de la liste 2ter (tous les autres) ?

 

Lesfrancais.press :  Comment articuler l’impératif de santé publique avec les droits constitutionnels ?

Bien évidemment, nous avons tous conscience de la gravité de  la crise sanitaire mondiale actuelle. Chaque pays a pris les mesures qui s’imposaient pour garantir justement l’impératif de santé publique. En France, c’est l’état d’urgence sanitaire qui a été décrété le 24 mars 2020. Sur le fondement de ce décret, des mesures empiétant les libertés individuelles deviennent légales puisque la santé publique devient le droit à garantir et donc constitue le motif objectif justifiant les atteintes aux libertés publiques les plus élémentaires. L’interdiction d’entrer et de séjourner sur le territoire français pour les ressortissants résidant à l’étranger et la rupture d’égalité entre les français, selon qu’ils résident ou non sur le territoire national, était donc justifiée. « Était » mais n’est plus : l’état d’urgence sanitaire a pris fin le 10 juillet 2020 et il ne peut donc plus être présenté comme le motif objectif justifiant l’édiction du décret du 27 juillet 2020.

 

lesfrancais.press :  Que faire, si aux USA, le visa d’un expatrié ou d’un touriste, ne pouvant faire le test et donc quitter le territoire américain, expire ? 

Il peut exister une multitude de situations où le statut migratoire aux USA d’un ressortissant français pourrait être considérablement affecté en cas d’impossibilité de quitter les USA dans les conditions prescrites par le visa qui lui a été décerné. Dans le cas d’un ressortissant dont le visa expire en août 2020, le fait de ne pas pouvoir rentrer avant cette date d’expiration du fait de l’impossibilité de trouver un test peut aboutir à la situation de « overstay » qui entraine un statut d’immigration illégale avec toutes ces conséquences en termes d’expulsion du territoire américain.  Dans le cas où le ressortissant est déjà en situation de « overstay » entre zéro et 180 jours, le fait de ne pas pouvoir rentrer en France avant 180 jours de présence illégale peut alors entrainer une interdiction stricte de retour aux USA pour une période de 3 ans.  Ces restrictions de retour en France peuvent donc avoir de graves conséquences sur le statut migratoire du ressortissant s’il désire rester ou revenir aux USA en fonction de l’évolution de la situation économique notamment.

 

Avocat inscrit au Barreau de Paris depuis 2004, Maître Caroline Gaffodio est titulaire d’un DEA en droit des contrats, d’un DESS en droit public économique et est également diplômée de l’Institut de Droit Public des Affaires (IDPA).

Elle a été recrutée par le premier cabinet de droit public de France avant de participer à la création d’une nouvelle structure où elle a développé le pôle fonction publique. Exerçant à titre individuel depuis 2014, elle se concentre sur le droit public et le droit de l’art.

Pierre Ciric est le fondateur d’un cabinet d’avocats spécialisé dans le contentieux commercial et le contentieux du patrimoine culturel à New York.

Il est également membre du conseil d’administration de la French-American Bar Association et de la New York Law School Alumni Association. Diplômé de l’École des Hautes Études Commerciales (1986), il a occupé des postes de cadre supérieur (contrôle financier) chez Pfizer, Inc. et Sanofi-Aventis, puis est devenu avocat associé dans le cabinet américain Proskauer Rose.

Diplômé de l’université de droit New York Law School, il y était membre du comité exécutif et rédacteur de la New York Law School Review.

 

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