Festival des cultures urbaines en Equateur

Festival des cultures urbaines en Equateur

Le secteur culturel durement éprouvé par la COVID.

Théâtres fermés. Ecrans de cinéma plongés durablement dans le noir. Musiciens condamnés à des concerts Zoom pas toujours très marrants. Maisons d’édition qui réduisent la voilure et sacrifient les nouveaux auteurs : la déprime a gagné le secteur culturel que la crise de la COVID a mis à genoux. 

La culture en Europe a perdu 31% de son chiffre d’affaire. Et ce sont près de 200 milliards d’euros qui se sont volatilisés en 2020 par rapport à l’année précédente.

Face à ce constat de quasi faillite, Lesfrancais.press vous offre cependant des raisons d’espérer. Nous allons consacrer une série d’articles à la rentrée culturelle dans le réseau des Alliances et Instituts Français de l’étranger.

Dans ce secteur ouvert aux métamorphoses et à l’adaptation, les initiatives se multiplient. La culture renait de ses cendres. Et les lieux culturels réouvrent les uns après les autres.

De nombreux évènements sont programmés en septembre. Au point que, comme un certain Général, nous avons envie de nous écrier : culture outragée, culture martyrisée mais culture en train de se libérer !

Le Festival des musiques urbaines à Quito et Cuenca !

Et si la libération venait justement du nouveau monde ? Direction l’Equateur et sa capitale perchée à près de trois mille mètres d’altitude. En septembre à Cuenca et à Quito, on célébrera les cultures urbaines. Graf’ rageur sur les murs, break dance sauvage, mix musicaux délirants, la ville sera en fête. Cette initiative portée par l’Alliance française locale se mène en partenariat avec le centre chorégraphique national de Rennes et de Bretagne, l’Institut Français et Place Hip Hop. Ce festival fête sa 4ème édition et s’adresse tout particulièrement à la jeunesse qui a payé le prix fort durant la crise épidémique. Voilà enfin une bonne raison de raver plus fort si vous m’autorisez ce mauvais jeu de mots. 

« La culture, une catharsis pour les jeunes »

Antoine Lissorgue, chaleureux directeur de l’Alliance française de Cuenca et amoureux de l’Amérique latine qu’il a sillonnée pendant une dizaine d’années, a bien voulu répondre à nos questions au sujet de ce festival.

Antoine, comment s’organise un tel festival en période de pandémie ?

Ce festival des cultures urbaines va fêter sa quatrième année. C’est un festival relativement jeune mais qui a rapidement pris de l’ampleur en Équateur. Malgré la pandémie, le festival a pu être maintenu en 2020. Il a fallu s’adapter au contexte sanitaire local. Nous avons donc alterné entre activités en présentiel et en virtuel. Alors que la majorité des lieux culturels étaient fermés, nous avons fait le pari d’organiser le festival. Nous voulions faire passer un message fort, à la fois envers les artistes afin de les soutenir en cette période difficile, mais aussi auprès des publics pour démontrer que la culture fait partie de notre vie, et par conséquent qu’elle doit continuer.

« La culture fait partie de notre vie »

Cette année, le festival revient avec une programmation plus éclectique. Nous allons « jongler » entre la danse, le rap, le graffiti, le DJing puis les temps d’échanges, de rencontres et de formations. La majorité des évènements seront en présentiel, ce qui exige encore plus de rigueur dans l’organisation. Nous aurons notamment des jauges limitées, des contrôles avec prise de température à l’entrée des sites. Nous avions déjà réalisé la Fête de la musique en présentiel en juin dernier. C’était beaucoup de stress, mais finalement tout s’est très bien passé. C’est aussi un gage de sérieux qui rassure nos publics. Il faut recréer du lien et de la confiance avec eux.

Tentons d’oublier la COVID, parlez-moi de vos coups de coeur des éditions passées et de vos attentes culturelles pour l’édition 2021 ?

Le festival en soi est un « gros » coup de cœur ! Lorsque je suis arrivé en Équateur en 2017, le festival n’existait pas. Il a fallu tout monter de A à Z. Lorsque nous organisons un évènement culturel, j’attache beaucoup d’importance à l’esthétique. C’est ce que fait le festival avec des œuvres dans différentes disciplines qui transmettent des émotions et qui interpellent.

Mais je crois par-dessus tout à la culture en tant que vecteur social. En 4 ans, le festival a permis des rencontres inimaginables. Il a mis un coup de projecteur sur un art qui est souvent invisibilisé ou méprisé.

Il faut comprendre que les cultures urbaines sont encore trop souvent associées au vandalisme. Voir le succès qu’ont connu les deux fresques qui ornent le marché 10 de Agosto en plein cœur de Cuenca, c’était tout simplement magique.

Les images de ces fresques ont fait le tour du pays. C’était l’une des nouvelles les plus lues dans la presse locale.

Pour cette 4ème édition, nous reprenons les activités de co-création et la mobilité artistique. Il y aura bien entendu la venue de l’artiste français Marko-93. Un temps fort de la programmation.

Marko est un pionnier du mouvement du street art. Il a surtout réinventé et popularisé le procédé du ligth-painting. On a encore du mal à réaliser qu’il sera en Équateur d’ici quelques semaines. Et puis, des artistes de Cuenca et de Quito vont également accompagner Marko dans son travail.

J’ai beaucoup d’attentes vis-à-vis de ce projet car je reste persuadé que les cultures urbaines, de par leur particularité d’utiliser la rue comme toile ou comme scène, permettent d’établir une véritable connexion avec le public. C’est face aux spectateurs qu’une œuvre prend tout son sens. Les rues ont été vidées pendant plus d’un an avec la pandémie. J’espère que le festival contribuera à redonner de la vie à ces rues. 

Un mot sur l’état d’esprit de la jeunesse équatorienne et sud-américaine ? La culture est-elle un ballon d’oxygène ?

La jeunesse sud-américaine est résiliente. Ce n’est pas la première ni la dernière crise qu’elle connaitra. Alors oui, la culture constitue une échappatoire face aux problèmes du quotidien.

Elle permet de rêver, de faire des rencontres et parfois même de s’aimer. La culture, dans toutes ses expressions, est souvent une forme de catharsis pour ces jeunes, un moyen d’être entendu lorsque l’on est inaudible auprès des ainés. Prendre un micro et rapper, c’est aussi exprimer son refus d’un système dans lequel on ne se retrouve pas. 

Malheureusement la culture ne peut pas palier tous les problèmes. Suite à la pandémie, l’Équateur fait de nouveau face à une vague d’émigration. Beaucoup de jeunes choisissent de prendre la route en quête d’un avenir meilleur ailleurs, notamment vers les États-Unis. Tous n’y trouveront pas leur bonheur mais ils continueront de rêver, souvent grâce à la culture.

Auteur/Autrice

  • Boris Faure est l'ex 1er Secrétaire de la fédération des expatriés du Parti socialiste, mais c'est surtout un expert de la culture française à l'étranger. Il travaille depuis 20 ans dans le réseau des Instituts Français, et a été secrétaire général de celui de l'île Maurice, avant de travailler auprès des Instituts de Pologne et d'Ukraine. Il a été la plume d'une ministre de la Francophonie. Aujourd'hui, il collabore avec Sud Radio et Lesfrancais.press, tout en étant auteur et représentant syndical dans le réseau des Lycées français à l'étranger.

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