Insécurités européennes

Insécurités européennes

Lavrov, dont la place devrait être devant le Tribunal de La Haye, est venu à la réunion de l’OSCE, organisation internationale créée au lendemain des accords d’Helsinki avec Brejnev, pour assurer la sécurité en Europe. L’URSS respectait les accords. Ce sont, entre autres, les traités de l’OSCE que Poutine a violés. Depuis l’invasion de la Crimée, l’OSCE est bloquée, morte, les Russes mettent partout leur veto. Aussi Lavrov vient à Skopje narguer les Européens. Ne pas s’y tromper : ce type de provocation, comme la dénonciation des accords sur les essais nucléaires, est une menace. Ce n’est pas la seule.

Les budgets de défense européens atteignent 270 milliards d’euros. Ils dépassent plus de trois fois celui de la Russie. 

L’issue de la guerre d’Ukraine dépendra de savoir qui tiendra le plus longtemps. L’Europe, les Etats-Unis, les soldats russes ?  Poutine a été surpris de la cohésion européenne, il espère la victoire de Trump. Sans les Américains, les Européens n’ont pas les capacités, seuls, de défendre l’Ukraine. Du moins le pense-t-il. D’autant qu’il a des alliés dans la place.

Les budgets de défense européens atteignent 270 milliards d’euros. Ils dépassent plus de trois fois celui de la Russie : 86 milliards. Il ne s’agit pas de moyens, mais de volonté. De politique en somme.

La Russie active ses réseaux pour arriver à « une paix raisonnable ». Elle excite toute forme de division possible. Son soutien au Hamas a été immédiat. Pendant qu’elle condamne les attaques de la population civile à Gaza, elle bombarde Kiev. Combien de Gaza en Ukraine ? Elle paie des tagueurs antisémites en France.  Elle amène des migrants par avion de Syrie pour les jeter à la frontière finlandaise, comme la Biélorussie l’a fait à la frontière polonaise. Tout désordre en Europe lui convient. Les attentats en France sont commis par des Tchétchènes…

Comme il y a un camp antioccidental en occident, elle en joue. Elle mène une guerre complète. La faiblesse de ses moyens, son système profondément défaillant, en limite les effets.

Elle a pour seul atout une vision globale et désespérée de la puissance, alliant la force brute et la subversion, la menace du faible au fort, du fou au raisonnable, les manipulations périphériques et intérieures. Peu à peu, elle se met dans la main de son voisin chinois, ce qui n’aura qu’un temps. Car rien ne peut se fonder sur un mépris réciproque.

L’Europe ne peut accepter une victoire russe en Ukraine, ni même un conflit gelé, qui serait un chantage permanent, qui la soumettrait par contrecoup aux Etats-Unis sans aucune marge d’appréciation.

« Vive la Palestine libre, du fleuve à la mer », un appel à la disparition d’Israël, c’est-à-dire à un génocide.

La Russie, l’Iran et ses alliés, essaient de dresser un « Sud » mythique contre le « nord ». Thématique abondamment reprise, comme si les Occidentaux étaient des oppresseurs par nature, à l’inverse des Russes, Perses, Turcs, Chinois… Au Moyen Orient, la guerre du Hamas révèle une situation profondément malsaine. La libération des otages occulte le scandale de « prises d’otages ». Les réactions à Londres, aux Etats-Unis, montrent que la subversion fonctionne. Des jeunes bien intentionnées reprennent en refrain « Vive la Palestine libre, du fleuve à la mer », sans se rendre compte qu’il s’agit d’un appel à la disparition d’Israël, c’est-à-dire à un génocide, à un pogrom géant.

Le porte-hélicoptères « Tonnerre » de la marine française à Rota, en Espagne, le 16 octobre 2023. JUAN MEDINA / REUTERS

Wokisme aidant, l’homme blanc coupable, ceux qui le combattent, comme le Hamas, seraient excusés. Le mépris de l’humain validé par humanisme, empathie occidentale.

L’Occident coupable, le revoilà à Dubaï, puisque ce serait son système économique qui détruirait la planète. Les pays qui demandent des compensations à la pollution ne s’aperçoivent pas que celle engendrée par les « émergents » dépasse désormais celui des Européens depuis la révolution industrielle. En comptant bien, la dette historique n’est plus : elle devra être payée par la Chine, l’Inde, les Etats-Unis, les pays arabes. La « justice climatique » est à double tranchant. Le fonds de compensation créé aura le succès qu’il a déjà obtenu dans le passé.

La Chine construit des centrales à charbon, s’assurant une énergie à bas coût et  investit dans les batteries.   

Tandis que l’Europe met au point une taxe carbone pour ne pas ruiner ses industries, soumises à des contraintes que ne s’imposent pas leurs concurrents, Inde et Chine s’y opposent vigoureusement. La Chine mène un combat multiforme. D’une part elle construit des centrales à charbon, s’assurant une énergie à bas coût. D’autre part elle investit dans le lithium et les batteries. D’un côté, occuper une position dominante dans la transition écologique, de l’autre conserver une énergie sale mais ultra-compétitive.

Pendant que 70.000 experts pérorent à la Cop 28 de Dubaï sur la fin de l’ère du pétrole, sous la présidence du cheik Al Jaber, PDG de la première compagnie pétrolière émiratie, les États-Unis battent leur record de production de pétrole, les Russes soutiennent leur effort de guerre en vendant leur pétrole à la Chine, la Chine s’assure des livraisons iraniennes, qui financent les réseaux du Hamas, du Hezbollah, des Houthis.

La cause écologique masque un enjeu géopolitique. L’Europe doit s’affranchir de sa dépendance énergétique.

L’Europe ne sauvera pas la planète du réchauffement, tant sa responsabilité se réduit, mais elle doit absolument s’affranchir de sa dépendance énergétique aux hydrocarbures. La dépendance au gaz russe, au pétrole du Moyen Orient ou au gaz américain n’est bon ni pour son économie, ni pour son indépendance.  La cause écologique masque un enjeu géopolitique. Logique : l’énergie est la clé de la puissance économique.

Le monde est revenu à une ère de conflits. L’ONU, l’OSCE, l’OMC, la plupart des organisations internationales sont en panne. Il était possible de nouer une alliance fertile avec la Russie. Poutine n’en a pas voulu. Il était possible d’arriver à une paix progressive, au Moyen-Orient. L’Iran n’en veut pas. Il eut été possible d’éviter subventions coûteuses et mesures protectionnistes sur les nouvelles énergies, à condition que la Chine ne pratique pas de dumping. Tout cela n’a pas fonctionné.

On ne choisit pas ses ennemis. Mais on choisit ses alliés.  

Il faut donc se préparer à des conflits de longue durée, globaux, avec toutes les déstabilisations possibles. Des prix du pétrole aux fake news, des actions terroristes aux manipulations électorales, de la production de drogue à la traite organisée. Le seul accord obtenu par Biden avec Xi Jinping est la réduction de la production chinoise de Fentanyl. Comme un aveu.  

On ne choisit pas ses ennemis. Mais on choisit ses alliés. D’une part, constituer, cette « alliance des démocraties » dont a parlé Biden, car c’est bien le modèle démocratique qui est visé. Mais cela ne suffit pas. Il faut accepter que des régimes non démocratiques soient nos alliés, comme cela fut le cas durant la deuxième guerre mondiale et durant la guerre froide.

L’idée d’une « alliance contre le terrorisme » pourrait en être le moyen, comme il l’a été dans le passé. Il faudra impliquer les régimes arabes. Tous peuvent se rendre compte que les alliés de l’Iran sont en guerre civile plus ou moins permanente : Liban, Syrie, Yémen, Irak. C’est la technique iranienne, bouleverser l’ordre du monde. Les ayatollahs ne s’en sont jamais cachés, il suffit d’écouter leurs discours. Comment laisser l’Iran accéder à la bombe, perfectionner ses missiles avec les Russes,  quand ce régime est capable de terroriser sa population jusqu’à empoisonner les écoles de filles pour effrayer les Iraniennes révoltées ?

Il n’y a qu’une façon certaine d’échouer : le repli. Ou on participe aux affaires du monde, ou on le subit.

Face à ces menaces, l’Europe a tous les moyens de se défendre. Personne dans le monde ne rêve de s’installer en Chine, en Russie ou en Iran. Les jeux nationalistes intra européens, comme ceux de la Hongrie, ne sont pas acceptables. Mais l’indécision allemande sur la mise en place d’une industrie européenne de défense, sur la validité du nucléaire comme instrument majeur de la transition énergétique, son désintérêt du sud et de la Méditerranée, est aussi coupable.

Demain, si Trump est élu, l’Europe est-elle prête à agir?  Cela ne dépend que de nous. Dans les différents choix politiques possibles (coopérations, aides, alliances, soutien militaire), il n’y a en a qu’une qui est certaine d’échouer : le repli. Ou on participe aux affaires du monde, ou on le subit.

Laurent Dominati
Laurent Dominati

Laurent Dominati

a. Ambassadeur de France

a. Député de Paris

Président de la société éditrice du site Lesfrancais.press

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