La banalisation inévitable des géants du numérique

La banalisation inévitable des géants du numérique

Depuis le début du siècle, le monde du digital a battu record sur record. En presque vingt ans, le poids du numérique dans le PIB américain a augmenté d’un tiers pour atteindre plus de 10 % du PIB. L’oligopole technologique – Meta, Alphabet, Amazon, Microsoft et Apple (MAAMA qui a remplacé GAFA) a connu une croissance de plus de 40 %. Leurs revenus et leurs bénéfices ont augmenté de près de 20 % par an en moyenne au cours de la dernière décennie, tandis que la croissance américaine était inférieure à 4 % par an.

Sur la même période, la crise sanitaire a accéléré la digitalisation des sociétés et a enrichi les grandes entreprises du numérique. Après trois années exceptionnelles, un ralentissement était inévitable. Sa brutalité surprend et désarçonne un secteur habitué à des taux de croissance élevés.

Les entreprises digitales confrontées aux mêmes problèmes que celles de l’ancienne économie

L’indice Nasdaq des valeurs technologiques américaines a perdu 25 % de sa valeur depuis janvier, soit deux fois plus que le Dow Jones. Le 26 juillet, Alphabet (Google) a annoncé sa progression trimestrielle des ventes la plus lente depuis 2019. Meta (Facebook) a déclaré que ses ventes avaient chuté d’une année sur l’autre, pour la toute première fois. Les entreprises digitales sont confrontées aux mêmes problèmes que celles de l’ancienne économie : problèmes d’approvisionnement, montée du protectionnisme, pénurie de main-d’œuvre, etc. Pour les MAAMA, ces contraintes sont inédites. Elles pourraient être amenées à perdurer.

Pour le deuxième trimestre de l’année, Apple n’a connu qu’une croissance de 2 %, ce qui est faible au regard des résultats passés. Ses bénéfices qui ont atteint 19,4 milliards de dollars sont en baisse de 10 %. Apple a souffert en début d’année de problèmes de chaîne d’approvisionnement en Chine, problèmes

qui ont réduit le chiffre d’affaires de 4 à 8 milliards de dollars. Lors du premier semestre, Amazon a également dû faire face à quelques difficultés en raison de la hausse des prix et à une mauvaise évaluation des besoins des consommateurs.

Les dispositifs de protection des données remettent en cause les fondamentaux de ces entreprises

Les barrières réglementaires commencent à peser sur les entreprises américaines du digital. L’Union européenne et l’Inde sont les deux zones jugées les plus protectionnistes. Les dispositifs de protection des données remettent en cause les fondamentaux de ces entreprises qui doivent s’y adapter.

Jusqu’à maintenant, les entreprises technologiques attiraient facilement les meilleurs talents. Or, depuis la crise sanitaire, elles ne sont plus le rêve exclusif des diplômés de l’enseignement supérieur. Ces entreprises se sont banalisées. Elles ont perdu l’esprit start up. Ce sont devenues des multinationales.

En dix ans, les effectifs des MAAMA ont été multipliés par six pour atteindre 2,2 millions. Le secteur du numérique doit faire face à la concurrence de l’industrie traditionnelle qui embauche un grand nombre de programmeurs. Durant la période de montée en puissance du numérique, les cycles économiques avaient peu d’incidences sur le chiffre d’affaires des MAAMA. Désormais, elles ne sont pas insensibles aux aléas de la conjoncture.

GAFAM, MAAMA

Les marges sont amenées à s’éroder, les entreprises doivent investir davantage

Dominant le marché de la publicité, Alphabet et Meta sont touchées par le ralentissement de ce marché. De même, les spécialistes de l’e-commerce doivent faire face à une moindre croissance en raison de la hausse des prix. Qu’il s’agisse de publicités en ligne ou d’achats en ligne, du cloud ou des smartphones, les marchés technologiques sont plus matures. De tels marchés connaissent des taux de croissance plus faibles et sont soumis à des contraintes réglementaires de plus en plus fortes. Les marges sont amenées à s’éroder d’autant plus que les entreprises doivent investir davantage pour conserver leurs positions acquises. Les entreprises du numériques découvrent les lois traditionnelles de l’économie. La diffusion du digital se poursuit mais à un rythme plus modéré et dans un cadre de plus en plus régulé.

Si jusqu’à maintenant, les MAAMA s’étaient réparties le marché, elles pourraient être tentées d’entrer dans une concurrence plus frontale. Elles essaieront aussi de prendre des positions dans les secteurs où elles ne sont pas en position de force, comme la santé ou le secteur financier.

Auteur/Autrice

  • Philippe Crevel est un spécialiste des questions macroéconomiques. Fondateur de la société d’études et de stratégies économiques, Lorello Ecodata, il dirige, par ailleurs, le Cercle de l’Epargne qui est un centre d’études et d’information consacré à l’épargne et à la retraite en plus d'être notre spécialiste économie.

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