La Chine et la malédiction de « Iznogoud » 

La Chine et la malédiction de « Iznogoud » 

Au début de l’année, la Chine a mis fin à sa politique du « zéro-covid » permettant un rebond économique, mais celui-ci s’est vite estompé. Sa population active diminue et la crise immobilière continue de peser sur la croissance. Le durcissement du régime avec une surveillance accrue de la population et de ses milliardaires conduit à une dégradation du climat des affaires

Le Parti communiste privilégie désormais la sécurité à la prospérité, la grandeur à la croissance, une solide autonomie à l’interdépendance. Il renoue avec la tradition du repli sur soi qui a conduit la Chine, à partir du XVe siècle, au déclin. La montée des tensions avec les États-Unis remet en cause un des principaux axes de développement de la Chine ces quarante dernières années, à savoir le commerce avec l’Occident. Les investisseurs internationaux commencent à s’inquiéter de l’évolution de la Chine et privilégient d’autres pays d’Asie du sud-est comme le Vietnam, les Philippines ou la Thaïlande.

L’économie chinoise pourrait ne jamais dépasser celle des Etats-Unis

La Chine pourrait ne pas être en capacité de dépasser, comme prévu, les États-Unis, et de se hisser à la première place mondiale d’ici 2029. Deux spécialistes américains en géopolitique, Hal Brands et Michael Beckley, estiment que la Chine serait en train d’atteindre son sommet. La malédiction « Iznogoud » frapperait ce pays après avoir touché dans les années 1990 le Japon. En 2011, Goldman Sachs prévoyait que le PIB de la Chine dépasserait celui des États-Unis en 2026 et le dépasserait de plus de 50 % d’ici le milieu du siècle. À la fin de l’année dernière, la banque a revu ses calculs : l’économie chinoise ne dépasserait pas celle des États-Unis avant 2035 et, à son apogée, elle ne sera que de 14 % plus riche que ces derniers. Capital Economics, un cabinet d’études économiques, prévoit que l’économie chinoise ne sera jamais numéro un. Elle atteindrait un pic à 90 % de la taille des États-Unis en 2035, avant de perdre du terrain. 

La Chine est confrontée à une diminution de sa population active qui mine sa croissance. La population chinoise compte 4,5 fois plus de personnes âgées de 15 à 64 ans que les Etats-Unis. D’ici le milieu du siècle, il n’en comptera que 3,4 fois plus, selon les prévisions « médianes » de l’ONU. D’ici la fin du siècle, ce ratio tombera à 1,7. Comme en Occident, les autorités chinoises devront inciter les seniors à rester en activité afin de ralentir la décroissance de la population active.

Vieillissement et ralentissement de la productivité. 

Le deuxième problème de la Chine provient du ralentissement des gains de productivité. En 2011, Goldman Sachs pensait que la productivité du travail augmenterait d’environ 4,8 % par an en moyenne au cours des 20 prochaines années. La banque a revu à la baisse ses prévisions en retenant un taux de 3 %. Cette baisse des gains de productivité s’explique par la tertiarisation de l’économie chinoise. Plus la population vieillit, plus les services à la personne se développent or, ceux-ci génèrent de faibles gains de productivité. 

Ces dernières années, la Chine a surinvesti dans des équipements sans se préoccuper de leur rentabilité, ce qui nuit à la productivité. Le contrôle de plus en plus pointilleux du Parti communiste sur les collectivités locales et les entreprises privées nuit à l’innovation. Les embargos des États-Unis sur les produits de haute technologie ralentissent également la productivité en Chine. Les conséquences des mesures américaines seraient de deux points de PIB d’ici 2030. Si les autres pays de l’OCDE suivaient les États-Unis, la perte pourrait atteindre 8 points de PIB. 

Cette perte de croissance pourrait être atténuée si la Chine arrivait à imposer sa monnaie comme monnaie de réserve, ce qui est loin d’être le cas actuellement. 60 % des réserves de change sont en dollars contre moins de 5 % pour le RMB. Si la Chine n’arrive pas sur la première marche d’ici 2049, pour le centenaire de la prise de pouvoir des communistes, elle sera proche des États-Unis en termes de PIB. Elle affirmera son rôle de grande puissance non seulement économique mais aussi militaire. L’Empire du Milieu sera-t-il tenté, pour compenser son éventuel déclin économique, de se lancer dans un aventurisme militaire qui passerait par la prise de Taïwan ?

Auteur/Autrice

  • Philippe Crevel est un spécialiste des questions macroéconomiques. Fondateur de la société d’études et de stratégies économiques, Lorello Ecodata, il dirige, par ailleurs, le Cercle de l’Epargne qui est un centre d’études et d’information consacré à l’épargne et à la retraite en plus d'être notre spécialiste économie.

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