La France dans les eaux troubles du Burkina Faso

La France dans les eaux troubles du Burkina Faso

Les 4000 Français du Burkina Faso vivent des heures difficiles alors que le pays est en proie à un coup d’Etat, le deuxième de l’année. Entre fausses rumeurs, propagande russe, haine de l’ancien colonisateur et absence d’autorité forte, les exactions se multiplient. Première cible, l’ambassade de France à Ouagadougou.

Un coup d’Etat piloté depuis Moscou ?

La capitale du Burkina Faso est plongée dans le chaos depuis le coup d’État survenu ce vendredi, et la France est directement prise pour cible par les manifestants favorables aux putschistes.

Les manifestants expriment à la fois un fort ressentiment anti-français et un appel à l’intervention de la Russie !

« On veut la Russie, on veut une collaboration avec le Mali, la France à bas ! »

Une manifestante au milieu d’une foule où on aperçoit quelques drapeaux russes.

Dès leur déclaration de samedi, signée du capitaine Ibrahim Traoré, les putschistes avaient mentionné leur « ferme volonté d’aller vers d’autres partenaires prêts à aider dans la lutte contre le terrorisme ». Si la Russie n’est pas explicitement citée, c’est bien elle qu’appellent à la rescousse les manifestants de Ouagadougou, brandissant des drapeaux russes et appelant à imiter le Mali. L’armée malienne a en effet eu recours à des « instructeurs » du groupe paramilitaire Wagner, qui ont parfois directement repris les bases abandonnées par les militaires français lors du retrait de l’opération Barkhane. Ces mercenaires russes sont proches du Kremlin, ne répondant qu’à Poutine, ils sont devenus le bras armé d’une influence russe grandissante dans toute l’Afrique francophone.

Les drapeaux russes ont déjà fait leur apparition plusieurs fois dans des manifestations du même type dans tout le Sahel. En échouant à neutraliser les groupes djihadistes dans la région, qui se sont au contraire développés malgré l’ampleur de l’opération Barkhane, la France en est paradoxalement vue comme la responsable, voire la complice. 

Les réseaux sociaux diffusent sans relâche des rumeurs colportant cette collusion supposée, parfois relayées aussi par des acteurs politiques majeurs, comme récemment le ministre des Affaires étrangères malien. Les réseaux russes semblent ne pas être étrangers à ce qui semble être une campagne orchestrée de désinformation. 

Lors du putsch de janvier dernier, l’homme d’affaires russe Evgueni Prigojine, proche du Kremlin et qui a depuis reconnu avoir fondé le groupe Wagner, avait salué le coup d’État comme le signe d’une « nouvelle ère de décolonisation », faisant implicitement offre de services au nouveau pouvoir à Ouagadougou. L’IRSEM (Institut stratégique de l’Ecole militaire), avait d’ailleurs pointé dans un rapport du mois dernier, la « percée » récente, dans l’audience burkinabée, des antennes francophones de RT et Sputnik, deux médias téléguidés par Moscou.

L’ambassade de France au coeur de la tempête

L’ambassade de France à Ouagadougou a été prise pour cible par des manifestants dimanche pour la deuxième fois en deux jours. Quelques dizaines de manifestants ont mis le feu à des barrières et jeté des pierres contre le bâtiment. Des grenades de gaz lacrymogène ont été tirées pour les disperser, selon un journaliste sur place. Ils soutiennent les militaires auteurs d’un coup d’Etat, vendredi. Samedi, ces derniers accusent la France d’aider le lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba, qu’ils ont renversé, à préparer la reprise du pouvoir.

Attaque de l’Ambassade de France à Ouagadougou ce dimanche 02 octobre 2022 ©AFP

Des manifestants s’étaient déjà réunis devant l’ambassade de France en fin de journée, et un incendie s’était déclaré. Un autre feu avait été allumé devant l’Institut français à Bobo-Dioulasso, la deuxième ville du pays. Le ministère français des Affaires étrangères a condamné les violences et appelé les Français à « rester chez eux jusqu’à nouvel ordre ».

Des rumeurs qui ciblent la France

Si les manifestants s’en sont pris à notre ambassade samedi, c’est que ce jour, les putschistes ont affirmé que l’ancien chef de la junte s’était réfugié sur la base de Kamboinsin, où des militaires français forment l’armée burkinabée, et d’y préparer une « contre-offensive ». Ce dernier l’a démenti dans un communiqué sur Facebook, sans dévoiler où il se trouve. Le Quai d’Orsay a fait de même, et sa porte-parole Anne-Claire Legendre a décrit les manifestants comme « manipulés par une campagne de désinformation à notre encontre ».

Manifestation le 01 octobre devant l’ambassade de France ©REUTERS/Vincent Bado

Des consignes de prudence

Logiquement depuis le 30 septembre, les services consulaires sont mobilisés pour nos compatriotes. La situation reste tendue à Ouagadougou ce lundi. Il est recommandé de limiter ses déplacements au strict nécessaire, d’observer une attitude de prudence et de réserve, et d’éviter les attroupements. Les citoyens français peuvent être pris pour cible surtout que les possibilités pour ces derniers de quitter le territoire sont limitées avec des routes tenues par des bandes, profitant du chaos, et la fermeture de l’aéroport.

Auteur/Autrice

  • L'AFP est, avec l'Associated Press et Reuters, une des trois agences de presse qui se partagent un quasi-monopole de l'information dans le monde. Elles ont en commun, à la différence de son prédécesseur Havas, de ne pas avoir d'actionnaire mais un conseil d'administration composé majoritairement d'éditeurs de presse.

    Voir toutes les publications
Laisser un commentaire

Laisser un commentaire