La mutation africaine 

La mutation africaine 

L’Africa CEO Forum, l’équivalent du forum de Davos, s’est tenu les 16 et 17 mai derniers à Kigali, la capitale du Rwanda. Plus de 2 000 chefs d’entreprises, investisseurs et décideurs politiques ont échangé sur les moyens de favoriser le développement du continent africain. Les débats se sont focalisés sur les moyens d’accroître les échanges transfrontaliers, de renforcer les chaînes d’approvisionnement locales et d’augmenter les moyens de financement internes. 

L’homme le plus riche d’Afrique, Aliko Dangote, qui dirige le groupe nigérien du même nom, a résumé la situation de la manière suivante : « en matière de développement, nous, Africains, devrons le faire. Si nous attendons les étrangers, cela n’arrivera pas ».

Le flux d’investissements directs étrangers vers l’Afrique est passé de 80 milliards $ en 2021 à 48 en 2023. 

Ces dernières années, plusieurs entreprises occidentales se sont retirées d’Afrique en raison des incertitudes géopolitiques, de la hausse des taux ou de difficultés internes. Les départs concernent essentiellement les entreprises européennes, souvent accusées, de pratiques néocolonialistes. La hausse des taux d’intérêt et les variations de change ont dissuadé les capitaux étrangers à s’investir en Afrique. Les coups d’État au Sahel et les tensions sociales en Afrique du Sud ont incité à la prudence. Le flux d’investissements directs étrangers vers l’Afrique est ainsi passé de 80 milliards de dollars en 2021 à 48 milliards de dollars en 2023. 

En avril, la Société Générale, a annoncé qu’elle vendrait ses activités marocaines au groupe marocain Saham. Elle était déjà partie du Tchad et de la Mauritanie. En août dernier, Nestlé a fermé une usine en Afrique du Sud. 

Face au départ des Occidentaux, des groupes africains émergent et enregistrent de fortes croissances. Ces groupes s’intéressent même à des marchés qui, jusqu’à maintenant, étaient pré-emptés par les entreprises européennes ou américaines comme celui du luxe ou de la santé. 

Yeshi Group, un conglomérat de Côte d’Ivoire, lance une marque de beauté axée sur la problématique de la santé en Éthiopie, pays dans lequel les produits de blanchiment cutanés, fortement nocifs, sont répandus. Dans le bâtiment et les travaux publics, des entreprises africaines rivalisent au niveau technique avec les entreprises européennes, chinoises ou américaines. Cira, une société malienne, et Scet, une société tunisienne, ont obtenu des contrats pour la réalisation de grands projets d’infrastructures en Afrique. Le groupe Dangote s’est imposé dans de multiples secteurs de la production du ciment (le premier en Afrique) à la production du sucre, en passant par le raffinage du pétrole. Cette entreprise est associée à Total Énergies pour la construction d’une raffinerie au Nigeria.

345 entreprises avec un chiffre d’affaires annuel de plus d’un milliard de dollars 

Selon McKinsey, l’Afrique compte désormais 345 entreprises avec un chiffre d’affaires annuel de plus d’un milliard de dollars, et un chiffre d’affaires combiné de plus de 1 000 milliards de dollars. 

Depuis 2018, les exportations intra-africaines ont augmenté de 32 %, pour atteindre 109 milliards de dollars l’année dernière, contre 18 % pour les exportations vers d’autres pays. Près d’un cinquième des exportations des pays africains restent désormais sur le continent, contre un peu plus d’un dixième il y a vingt ans. 

Le continent se structure et commence à ressembler à une véritable zone économique intégrée. Elle bénéficie d’une abondante main-d’œuvre, de mieux en mieux formée. De nombreuses entreprises parient que le commerce intra-africain continuera à se développer. Le retard en infrastructures demeure important mais de nombreux investissements sont en cours de réalisation.

Liquid Intelligent Technologies, un groupe technologique panafricain, a construit un vaste réseau de câbles à fibres optiques sur une grande partie du continent et construit, actuellement, des centres de données. 

Pour créer un large marché, les États africains doivent réduire les contraintes réglementaires. Actuellement, pour gérer ses affaires sur le continent africain, Aliko Dangote a besoin de 35 visas différents quand le PDG de Total Énergies peut se déplacer librement au sein des États membres de l’Union européenne.

Auteur/Autrice

  • Philippe Crevel est un spécialiste des questions macroéconomiques. Fondateur de la société d’études et de stratégies économiques, Lorello Ecodata, il dirige, par ailleurs, le Cercle de l’Epargne qui est un centre d’études et d’information consacré à l’épargne et à la retraite en plus d'être notre spécialiste économie.

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