Le luxe, tout un art ! 

Le luxe, tout un art ! 

Lors de ces trente dernières années, les marques de luxe ont réussi à combiner exclusivité et vulgarisation. Les magasins des grandes marques sont tout à la fois visités par les célébrités, les milliardaires et les touristes de la planète même si dans les faits les uns et les autres ne se croisent pas. 

Les marques de luxe ont réussi le pari de maintenir leur élitisme tout en se popularisant. Le sac Birkin d’Hermès se vend 450 000 dollars. Il n’est pas possible de le commander sur Internet, ni même dans les boutiques classiques de la marque. Les acheteurs doivent attendre plusieurs mois voire années entre le moment de la commande et sa mise à disposition. Dans le même temps, les boutiques recèlent de produits bien plus accessibles qui permettent, comme avec le sac Birkin, de garantir à Hermès de solides marges. Chanel pratique de même en réservant certains parfums ne faisant l’objet d’aucune publicité à quelques privilégiés tout en rendant relativement accessible une large gamme de produits.

Le luxe ne connaît pas la crise 

Avec la crise sanitaire, le secteur du luxe a été ébranlé juste quelques semaines. Les grandes marques ont rapidement décidé de vendre en ligne quand quelques mois auparavant elles s’y refusaient. Après l’épidémie de covid, grâce à l’épargne constituée durant les confinements, les consommateurs se sont rués sur les produits de luxe provoquant une envolée sans précédent des ventes. Le luxe ne connaît pas la crise. L’an dernier, les bénéfices nets de Kering, qui possède des marques de mode telles que Gucci et Balenciaga, ont augmenté de 14 %. Celles de LVMH, propriétaire notamment de Céline, Tiffany ou Louis Vuitton, ont progressé de près de 25 %. LVMH est devenu la première capitalisation européenne avec plus de 500 milliards d’euros. Hermès et Richemont, propriétaire entre autres de Cartier, ont chacun vu les leurs augmenter de plus d’un tiers. Ensemble, les quatre groupes ont engrangé plus de 33 milliards d’euros de bénéfices, sur des revenus combinés d’environ 130 milliards d’euros. 

L’inflation et les pertes de pouvoir d’achat des ménages peuvent-elles remettre en cause le modèle de croissance du luxe ? Au mois de mai, les craintes d’un tassement des ventes a provoqué un recul de 7 % de la valorisation des entreprises de ce secteur. Celles-ci ne sont pas toutes confrontées de la même façon à la problématique de la hausse des coûts et à la diminution du pouvoir d’achat des ménages. 

Les marques qui sont à la frontière avec le segment inférieur (ventes haut de gamme mais pas de luxe) sont les plus exposées aux variations de prix. Ralph Lauren ou Armani doivent faire face à de fortes baisses de la demande. Les consommateurs arbitrent avec des marques moins coûteuses et ayant des qualités de production assez proche (Kenzo, Boss ou Paul Smith). En revanche, pour les sociétés présentes dans le très haut de gamme, les ventes ont continué à progresser grâce aux personnes à très hauts revenus.

5 % des acheteurs assurent plus 40 % des ventes mondiales de luxe 

Seulement 5 % des acheteurs assurent plus 40 % des ventes mondiales de luxe. Ces vingt dernières années, les marques de luxe ont investi le marché chinois en forte croissance. Celle-ci s’est interrompue avec la covid. Avec la fin de la politique du zéro covid, les marques de luxe ont espéré un rebond qui tarde à survenir. Le tassement de la croissance, les déclarations anti-occidentales des autorités chinoises pèsent sur les résultats de ces marques. Estée Lauder, un producteur de cosmétiques, a réduit ses perspectives pour la région. Burberry, un fabricant britannique de manteaux, a réalisé, en 2022, moins d’un tiers de ses ventes en Chine, contre 40 % avant la pandémie.

Chanel : un défilé de mode africain à Dakar, au Sénégal  

Les maisons de luxe cherchent de nouveaux relais de croissance, en particulier en Inde qui enregistre une forte progression du nombre de personnes riches. La forte croissance en Afrique subsaharienne a provoqué l’apparition d’une clientèle aisée qui souhaite accéder sur place aux produits de luxe. Chanel est devenue la première marque de luxe européenne à organiser un défilé de mode africain à Dakar, au Sénégal. 

Décembre 2022 ©Chanel

Le secteur du luxe se mondialise et essaie de contourner les problèmes géopolitiques. L’essor du secteur du luxe constitue une aubaine pour la France qui dispose, avec l’Italie, du plus grand portefeuille de marques dans ce domaine. Plus d’un million d’emplois directs et indirects dépendent de ce secteur. Plusieurs milliers d’emplois devraient y être créés en 2023. Les exportations de produits de luxe représentent plus de 50 milliards d’euros et contribuent à atténuer l’important déficit commercial, plus de 150 milliards d’euros en 2022.

Auteur/Autrice

  • Philippe Crevel est un spécialiste des questions macroéconomiques. Fondateur de la société d’études et de stratégies économiques, Lorello Ecodata, il dirige, par ailleurs, le Cercle de l’Epargne qui est un centre d’études et d’information consacré à l’épargne et à la retraite en plus d'être notre spécialiste économie.

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