Le programme économique de Kamala Harris

Le programme économique de Kamala Harris

Aux États-Unis, la candidate démocrate Kamala Harris était attendue sur son programme économique. Devant assumer le bilan de l’actuel président en tant que vice-présidente, elle doit également s’en démarquer. Exercice périlleux, d’autant plus que Donald Trump met l’accent sur les conséquences de l’inflation de ces dernières années sur le niveau de vie des Américains.

Face à l’épineuse question du pouvoir d’achat, Kamala Harris a refusé de nier la réalité et a tenté de retourner les critiques qui lui sont adressées. Son objectif est de réduire les coûts supportés par les familles américaines. Elle souhaite ainsi abaisser les coûts du logement, de l’alimentation, des soins médicaux et des impôts. Elle a exprimé le souhait de voir construire 3 millions de nouveaux logements d’ici 2028. À cette fin, elle a proposé une réforme de la délivrance des permis de construire et préconise une aide fédérale en faveur de la construction.

40 milliards pour le logement

Pour y parvenir, Kamala Harris a prévu un budget de 40 milliards de dollars qui serait alloué aux gouvernements locaux. Elle a également annoncé le versement de 25 000 dollars aux primo-accédants pour les acomptes sur les prêts hypothécaires. Toutefois, la demande de logements étant toujours supérieure à l’offre, cet apport pourrait contribuer à la hausse des prix. La pénurie de logements est en effet estimée entre 4 et 7 millions d’unités. Kamala Harris promet également de s’attaquer aux investisseurs qu’elle accuse de « racheter et de majorer les prix des logements ». Bien que relativement limité, ce phénomène donne lieu à une importante polémique outre-Atlantique sur le rôle des investisseurs financiers dans le marché immobilier.

Concernant les produits alimentaires, Kamala Harris n’a pas exclu la possibilité d’imposer un gel des prix. Les États-Unis n’ont pas connu de blocage des prix depuis la présidence de Richard Nixon, au début des années 1970, une période marquée par une vague inflationniste. La proposition de la candidate démocrate est contestée, car la hausse des prix de ces derniers mois n’est pas, selon la Réserve fédérale, le résultat d’une augmentation des marges du commerce de détail, mais bien de la hausse des prix des matières premières, de l’énergie, et des pénuries. Une intervention publique dans la fixation des prix pourrait générer un effet inflationniste. La hausse des prix de nombreux produits, des voitures au jambon, a servi de signal aux entreprises pour améliorer leur productivité et aux consommateurs pour réduire leur demande. La proposition de gel des prix ne devrait pas être adoptée par le Congrès.

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Toujours dans l’optique de lutter contre l’inflation, Harris souhaite durcir la politique anti-monopole. En l’état actuel de la législation, la Federal Trade Commission éprouve de grandes difficultés à empêcher les fusions-acquisitions, en particulier dans le secteur de la grande distribution.

Sur le terrain de la santé, Kamala Harris souhaite réduire les coûts médicaux qui sont élevés aux États-Unis. L’instauration de prix plafonds pour certains médicaments ou d’un plafond de dépenses remboursées par patient pourrait toutefois provoquer une hausse des assurances complémentaires privées. La candidate démocrate a déclaré qu’elle travaillerait avec les États pour annuler les dettes médicales qui grèvent le budget de millions d’Américains. Une telle annulation résoudrait ponctuellement le problème de financement de la santé pour les ménages, mais le problème de fond subsisterait.

Trump propose de réduire la fiscalité, Harris annonce des réductions d’impôts ciblées.  

Face à Donald Trump, qui propose de réduire la fiscalité, Kamala Harris a dû réagir en annonçant des réductions d’impôts ciblées. Pour les familles à revenus faibles et moyens, elle augmenterait le crédit d’impôt par enfant, qui passerait à 6 000 dollars la première année, contre 2 000 dollars actuellement. Le crédit d’impôt pour les ménages modestes serait également élargi.

À la différence du candidat républicain, Kamala Harris ne prévoit pas une hausse des tarifs douaniers. Elle récuse cette proposition qu’elle considère comme nuisible au pouvoir d’achat des Américains. En revanche, elle souhaite maintenir la politique d’aides aux entreprises américaines jugée protectionniste par d’autres pays.

Aucun candidat n’a présenté un plan crédible d’assainissement des comptes publics.

Toutes les mesures proposées par la candidate démocrate risquent d’accroître encore un peu plus le déficit public qui dépasse déjà 7 % du PIB, un niveau auparavant associé aux guerres ou aux récessions. Le candidat Donald Trump, avec son programme, n’est pas plus économe des deniers publics. Ni l’un ni l’autre n’ont présenté un plan crédible d’assainissement des comptes publics. Certes, Kamala Harris a indiqué qu’elle poursuivrait le plan du président Joe Biden visant à relever les taux d’imposition des sociétés de 21 % à 28 % et à augmenter l’impôt sur le revenu pour les personnes gagnant plus de 400 000 dollars par an. Cependant, ces deux mesures sont loin de couvrir le surcroît de dépenses généré par son programme.

Le coût net de ce dernier a été évalué par la banque d’investissement Piper Sandler à 1 400 milliards de dollars sur la prochaine décennie ; un montant bien inférieur à celui du programme de Donald Trump, estimé à plus de 4 500 milliards de dollars.

Auteur/Autrice

  • Philippe Crevel est un spécialiste des questions macroéconomiques. Fondateur de la société d’études et de stratégies économiques, Lorello Ecodata, il dirige, par ailleurs, le Cercle de l’Epargne qui est un centre d’études et d’information consacré à l’épargne et à la retraite en plus d'être notre spécialiste économie.

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