Le STAFE est-il utile ?

Le STAFE est-il utile ?

Doté de deux millions d’euros, le fonds de soutien au tissu associatif des Français à l’étranger (STAFE) a été créé en 2018 suite à la suppression du dispositif de la « réserve parlementaire ». Pour rappel, cette réserve était détenue par les parlementaires qui pouvaient octroyer chaque année différents montants à des projets de leur circonscription. Souvent critiqué pour son opacité, ce dispositif relevait bien souvent du simple fait du prince (ou de la princesse) : « la suppression de la réserve parlementaire est une très bonne chose » selon Elise Léger (Conseillère des Français de l’Etranger – Sydney – Majorité présidentielle). « Il y avait beaucoup trop de clientélisme, de favoritisme et d’inégalités puisqu’il n’y avait aucun critère d’éligibilité ». 

Qu’en est-il aujourd’hui ? 

Olivier Piton

Pour Olivier Piton (Conseiller des Français à l’étranger – New York – LR), « nous sommes passés d’une réserve parlementaire à une réserve administrative ». Le dispositif STAFE est « un vrai souci » selon le même élu notamment parce que la « Commission nationale qui statue au final sur les aides prend en compte davantage la note du poste diplomatique que les propositions formulées par les élus en Conseil consulaire. »

Aujourd’hui, les projets sont présentés en Conseil consulaire, soumis à l’instruction des Conseillers des Français de l’étranger en Conseil consulaire. Après examen de chaque dossier, ces derniers formulent des vœux, vœux qui sont intégrés dans une note plus globale rédigée par le poste consulaire dans laquelle l’administration insère également ses propres commentaires.

Gaëlle Lecomte (Conseillère des Français à l’étranger – Madrid – Nupes) souhaite « que la décision prise en local par les élus soit suivie » et que « la Direction des Français de l’étranger vérifie uniquement le statut du porteur de projet », ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Marie-Christine Harticalde (Conseillère des Français à l’étranger – Chili – Les indépendants) argumente également dans le même sens en « demandant le respect de l’avis formulé dans les Conseils consulaires » 

Gaëlle Lecomte

Combien de projets soutenus ? 

En 2023, 276 projets ont ainsi été présentés à la Commission nationale, 187 ont été retenus (en 2022, 192 dossiers avaient été soutenus). Ainsi l’administration n’a pas suivi les élus sur 89 dossiers. Comme le souligne Olivier Piton, « les élus membres de la Commission nationale STAFE sont minoritaires et ne disposent même pas de minorité de blocage. L’administration fait ce qu’elle veut ». Si un montant total de 1,4 millions d’euros a ainsi été libéré pour venir en aide à ces actions, le budget initial était de deux millions d’euros, et, comme nous le rappelle Nicolas Arnulf (Conseiller des Français à l’étranger – Maroc – Les indépendants) « il reste donc 600.000 € non octroyés ». Annie Rea (Conseillère des Français à l’étranger – Milan – Solidaires et Indépendants) a d’ailleurs déposé une question écrite pour « savoir ce que va devenir cette somme ». 

Découvrir la liste des projets soutenus en 2023 : 

Un groupe de travail pour rien ? 

Le Groupe de travail mis en place en septembre 2022 dans le but de revoir les critères d’attribution du dispositif STAFE s’est terminé le 9 juin 2023 après 8 mois de travaux. Gaëlle Lecomte (Conseillère des Français à l’étranger – Madrid – Nupes) constate que « ces réunions n’ont pu aboutir à une refonte complète du dispositif », accompagnée également d’un « sentiment de frustration (qui) se dégage de ces longs mois de réflexions-d’échanges avec l’administration ». En effet, ce groupe de travail ne réunissait pas tous les groupes politiques de l’Assemblée des Français de l’étranger (AFE) mais seulement les membres de la Commission nationale STAFE, et, apparemment, aucun rapport final ne sera rédigé. Finalement, pas de bouleversement attendu à ce stade, ce que regrette Gaëlle Lecomte qui a aussi « une pensée aux petites associations pour lesquelles les demandes peuvent représenter un long parcours du combattant », et invite le cabinet du Ministre des Français de l’étranger, Olivier Becht, à « piloter un nouveau groupe de travail » et à « repenser ensemble le dispositif dans sa globalité ».

Eviter les postures politiques ! 

Marie-Christine Harticalde

« Evitons les postures politiques et soyons pragmatiques sur l’évolution du STAFE », c’est ce que propose comme postulat Marie-Christine Harticalde (Conseillère des Français à l’étranger – Chili – Les Indépendants), « Ne pleurons pas sur le lait déjà versé, l’administration cherche avec nous à améliorer le dispositif ». 

Elise Lger (Conseillère des Français à l’étranger – Sydney – Majorité présidentielle) nous rappelle que « ce dispositif reste assez jeune et de mauvaises habitudes ont été prises avant qu’il existe », ajoutant qu’il est « très facile de critiquer et de dire que ce dispositif n’est pas performant car le montant global n’est pas dépensé chaque année .» Or, l’élue de Sydney « trouve important que l’on n’accorde pas une subvention à un projet qui ne rentre pas dans les critères. Il y a parfois des dossiers acceptés en conseil consulaire qui arrivent à la DFAE et ne sont clairement pas éligibles. »

Quelle évolution concrète pour le STAFE ?

Prochainement, les critères d’éligibilité devraient être plus clairs et un changement de calendrier devrait s’opérer pour la campagne de 2025. En 2023, un projet mémoriel (Maison d’Izieu) à destination des élèves du Lycée français de Bruxelles n’a pu être soutenu car le calendrier STAFE ne s’alignait pas avec le calendrier scolaire (!) Pour autant, ces premières pistes ne semblent pas suffisantes. 

La quasi-totalité des Conseillers des Français de l’étranger souhaitent que le dispositif STAFE évolue, s’adapte davantage aux réalités locales et aux projets de terrain des associations françaises présentes dans les différents pays. 

Olivier Piton (Conseiller des Français à l’étranger – New York – LR) met ainsi à titre personnel quatre propositions sur la table : 

  • A la suite de la présentation des dossiers STAFE en Conseil consulaire, la notification envoyée par le chef de poste (Ambassadeur ou Consul général) à la Commission nationale STAFE doit aussi être transmise aux élus dudit Conseil consulaire 
  • Qu’élus et administration disposent d’une égalité de voix au sein de la Commission nationale STAFE ou bien, dans la composition actuelle, que les élus membres puissent disposer d’une minorité de blocage
  • Qu’un avis motivé écrit soit rédigé par l’administration centrale en cas de rejet d’un dossier ou bien lors d’une diminution de la somme proposée dans les cas où le projet présenté a fait l’objet d’une adoption à l’unanimité des élus en Conseil consulaire, avec la création d’une procédure d’appel que ce dernier pourrait enclencher  
  • Que la Direction des Français à l’étranger et de l’administration consulaire (DFAE) informe directement les porteurs de projet en cas de rejet de leur dossier
Elise Léger

Ajoutons également celle de Marie-Christine Harticalde d’une « formation continue de l’administration et des élus pour mieux accompagner les associations », tout en ne retombant pas, pour Elise Léger, « dans les travers clientélistes de la réserve parlementaire ». Pour développer l’information et la transparence autour de ce dispositif, peut-être serait-il également utile que chaque projet soutenu insère dans sa propre communication la mention suivante : « projet soutenu par le dispositif STAFE ». Espérons que ces différentes idées feront réagir, il en va de l’existence même du STAFE !

Auteur/Autrice

  • Jérémy Michel a travaillé de nombreuses années pour des élus et a coordonné les affaires publiques européennes d'une grande entreprise française. Installé à Bruxelles depuis 2000, il est actuellement coach et consultant.

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