Les lois de l’économie sont éternelles !

Les lois de l’économie sont éternelles !

« Pourquoi Dieu a-t-il inventé les prévisionnistes ? C’est pour que les pythies et les devins se sentent moins seuls dans l’erreur ». L’économie a beau être auscultée, modélisée et bardée d’indicateurs, elle surprend toujours. La multitude d’interactions rationnelles ou irrationnelles rend complexe leur réduction à une somme d’équations mathématiques. 

Nul ou peu nombreux étaient ceux à avoir imaginé une décrue rapide du chômage après la crise sanitaire. La croissance du PIB de la France, au deuxième trimestre, de +0,5 % quand +0,1 % était attendu, tout comme la résilience de l’économie américaine sont des deux autres illustrations récentes de l’art difficile de la prévision. 

Pour autant, ces résultats ne sont pas aussi extraordinaires qu’ils n’y paraissent. Le maintien du déficit élevé et le commerce extérieur les expliquent. La France qui a la tentation du protectionnisme chevillée au corps conserve un filet de croissance grâce, comble de l’ironie, à ses exportations. La vente à l’étranger de bateaux, d’avions, de produits de luxe, ainsi que le retour des touristes étrangers contribuent à la croissance du pays. En France, plus d’un salarié sur quatre travaillent pour l’exportation et bien plus en prenant en compte l’activité touristique.

Commerce extérieur et investissements restent des moteurs essentiels de la croissance 

Les Etats-Unis enregistrent une forte expansion grâce aux investissements portés par les aides publiques visant à favoriser la transition énergétique. La première puissance économique mondiale bénéficie également des recettes en hausse des exportations de gaz liquéfié à destination de l’Europe. Commerce extérieur, investissements, restent des moteurs essentiels de la croissance. L’utopie de l’autarcie, même drapée aux couleurs de la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre, que certains caressent, serait suicidaire. Les échanges extérieurs génèrent des gains de productivité et favorisent ainsi le développement économique. Si, en théorie, le principe des circuits courts est séduisant, il peut être contre productif tant pour la croissance que pour la protection de l’environnement. 

Interdire ou réduire les importations c’est diminuer le pouvoir d’achat des populations 

Interdire ou réduire les importations en provenance de pays lointains suppose de faire de même avec les exportations vers ces mêmes pays. C’est priver des agriculteurs, des industriels des pays émergents et en développement, de recettes non négligeables qui pourraient leur permettre de décarboner leurs activités et qu’ils ne retrouveront pas sur leur marché intérieur. C’est diminuer le pouvoir d’achat des populations tant des pays exportateurs que des pays importateurs. 

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Dans l’histoire économique, les expériences d’autarcie ne manquent pas et se sont toujours mal terminées. La limitation du réchauffement climatique suppose que tous les États mènent le combat. Or, aujourd’hui, les pays émergents sont les principaux émetteurs de gaz à effet de serre, en partie parce que les Occidentaux ne souhaitent plus avoir sur leur territoire d’usines polluantes. En revanche, ces pays, à juste titre, estiment ne pas être responsables des émissions des siècles précédents. Ils ne veulent pas payer une facture qui, à leurs yeux, est due aux comportements passés des pays dits avancés. Or, malgré les promesses répétées depuis les Accords de Paris sur le climat de 2015, les mesures de soutien des pays de l’OCDE se font attendre pour aider les pays émergents et en développement à décarboner leur économie. 

À défaut d’aider ces pays, les États membres de l’OCDE subventionnent leur économie en favorisant la réalisation d’investissements visant à accélérer la transition énergétique. Une grande partie de la croissance américaine du deuxième trimestre et une partie de celle de la France sont le produit des subventions accordées aux entreprises.

Gaspillage et effets d’aubaine 

Les accusations de protectionnisme émises de part et d’autre de l’Atlantique pourraient être adressées à l’ensemble de la communauté internationale. La réindustrialisation des pays occidentaux est souhaitable mais elle ne doit pas se transformer en une chasse effrénée de la part des entreprises aux aides car celle-ci risque de provoquer gaspillage et effets d’aubaine. Elle pénalise les pays émergents en faussant les règles de libre concurrence. La Commission européenne comme l’Organisation mondiale du commerce semblent dépassées par la surenchère d’aides en cours. 

Que ce soit aux États-Unis ou en France, la croissance se maintient de manière artificielle par la simple application de mesures d’inspiration keynésienne. Le montant des déficits publics est maintenu à des niveaux élevés pour soutenir la consommation et l’investissement. La dette publique poursuit sa marche en avant défiant la hausse des taux d’intérêt. Or, la dette, comme les actions en bourse, ne peut pas monter jusqu’au ciel sans provoquer de cataclysme. De l’Empire Romain à la Grèce en 2011 en passant par la France de 1797, toute perte de contrôle de la dette entraîne des corrections brutales. 

La fuite en avant est aujourd’hui de mise, l’espoir des prévisionnistes étant que la croissance permettra de rétablir un jour ou l’autre les comptes. En la matière, nul mieux que Milan Kundera résume, grâce à son ironie et son sens de l’analyse, la situation : « Toutes les prévisions se trompent, c’est l’une des rares certitudes qui a été donnée à l’homme. Mais si elles se trompent, elles disent vrai sur ceux qui les énoncent, non pas sur leur avenir, mais sur leur temps présent ». 

Auteur/Autrice

  • Philippe Crevel est un spécialiste des questions macroéconomiques. Fondateur de la société d’études et de stratégies économiques, Lorello Ecodata, il dirige, par ailleurs, le Cercle de l’Epargne qui est un centre d’études et d’information consacré à l’épargne et à la retraite en plus d'être notre spécialiste économie.

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