Ne pas enterrer trop vite le libre échange

Ne pas enterrer trop vite le libre échange

Depuis quelques années, de manière insidieuse, le protectionnisme est de retour. Le nombre de plaintes ne cesse d’augmenter au niveau de l’Organisation Mondiale du Commerce.

Pour l’année 2019, la Commission européenne a dénombré 438 barrières commerciales dans le monde, ce qui constitue un record historique. Avec l’arrivée de Donald Trump à la présidence des États-Unis, le protectionnisme est redevenu une arme économique et diplomatique de première importance, que ce soit à l’encontre de la Chine ou de l’Europe.

En 2020, au nom de la lutte contre la pandémie et le réchauffement climatique, le protectionnisme se drape de nouveaux habits. Ces dernières, il revient par la grande porte. En révélant la dépendance des États vis-à-vis des pays émergents et de la Chine pour les masques et certains médicaments, la crise sanitaire a remis au goût du jour l’idée du souverainisme économique. Par ailleurs, le risque d’une surenchère en la matière n’est pas à négliger au regard de la récession que les pays occidentaux traversent. La liste des biens stratégiques sera bien difficile à réaliser. Qui aurait imaginé, il y a quelques mois, qu’un masque en papier soit la cause de conflits commerciaux ?

L’environnement est l’autre grande source du nouveau protectionnisme.

La priorité donnée à la consommation nationale sous-entend que les échanges internationaux sont dangereux pour l’emploi et la planète. C’est oublier que bien souvent la somme des circuits courts est bien plus polluante que le recours à des circuits faisant appel à des grossistes répartiteurs au niveau national ou international. Ces derniers agrègent des demandes évitant à des producteurs locaux d’expédier des petites quantités à un nombre important de points de vente.

Le rejet des échanges internationaux signifie la négation de la théorie des avantages comparatifs en vertu de laquelle les pays se spécialisent dans les domaines où ils sont les moins mauvais. Pendant plus de soixante-dix ans, cette spécialisation relative a permis une amélioration des niveaux de vie en Occident et au sein des pays émergents. Sa remise en cause entraînera un ralentissement de la croissance et une moindre progression du pouvoir d’achat des ménages.

Dans le passé, le protectionnisme a toujours amené des catastrophes que ce soit après 1929 ou bien avant, en Chine, au XVIIe siècle, quand des empereurs de l’époque décidèrent d’arrêter de commercer avec les barbares, c’est-à-dire l’Occident. Cette décision provoqua un long déclin qui ne prit fin qu’avec la réouverture au monde de la Chine par Deng Xiaoping à la fin des années 70.

L’environnement et la lutte contre les épidémies n’ont rien à gagner d’un retour du protectionnisme. Ces défis ne s’arrêtent pas aux frontières des Etats et ne peuvent être résolus qu’à travers un renforcement de la coopération. De leurs côtés, les échanges commerciaux ne sont pas l’expression d’une prétendue guerre économique mondiale. S’ils sont dans un cadre transparent et en vertu de règles acceptés par tous, ils obéissent alors à la règle du gagnant/gagnant.

Auteur/Autrice

  • Philippe Crevel est un spécialiste des questions macroéconomiques. Fondateur de la société d’études et de stratégies économiques, Lorello Ecodata, il dirige, par ailleurs, le Cercle de l’Epargne qui est un centre d’études et d’information consacré à l’épargne et à la retraite en plus d'être notre spécialiste économie.

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