Ne pas succomber à la tentation de la facilité 

Ne pas succomber à la tentation de la facilité 

En 1981, le gouvernement de Pierre Mauroy avait opté pour une politique de relance à contrecourant de celle menée par les autres pays européens en décidant d’accroître les dépenses publiques, les prestations sociales et les salaires. Il en avait résulté une forte inflation, une augmentation des déficits publics et une dégradation de la compétitivité de l’économie française conduisant à plusieurs dévaluations. En 1983, le gouvernement fut contraint d’opter pour une politique de désinflation compétitive. La question s’était alors posée de rester ou pas dans le serpent monétaire européen et, plus globalement, de respecter les engagements européens de la France. Le Président de la République, François Mitterrand avait alors fait le choix de l’Europe en refusant l’aventurisme économique. Quarante ans plus tard, les économies occidentales sont confrontées à des chocs d’offre de grande ampleur qui ne sont pas sans rappeler ceux de 1973 et de 1979.

Les plans de relance combinés aux problèmes d’approvisionnement alimentent la hausse des prix 

Sur fond de liquidités abondantes générées par les politiques monétaires accommodantes, les tensions sur l’offre se traduisent par une accélération de la hausse des prix. Dans un tel contexte, faut-il poursuivre les politiques de relance ou faut-il refroidir l’économie pour éviter la survenue d’une pernicieuse stagflation ? Les périodes électorales, surtout en France, ne sont guère propices à la défense ou à la restauration des équilibres budgétaires, le temps étant plutôt à la multiplication des propositions d’accroissement des dépenses publiques. Si les augmentations de salaires et des prestations sont louables d’un point de vue social, du moins à court terme, elles pourraient se révéler, dans un second temps, négatives tant pour l’économie que pour les ménages. 

Les plans de relance combinés aux problèmes d’approvisionnement en matières premières et en biens intermédiaires alimentent la hausse des prix. La mise en place d’une politique unilatérale de soutien de la demande par les pouvoirs publics après les élections ne ferait que l’accentuer. Les gains de revenus seraient ainsi vite effacés avec, en outre, une dégradation marquée de la compétitivité du pays. Déjà élevé, le déficit de la balance commercial s’amplifierait. Sa conjonction avec des déficits publics importants ne serait pas sans poser des problèmes. Cette situation que la Grèce a connue en 2011 se traduirait par une montée brutale des taux d’intérêt rendant le coût du service de la dette prohibitif et intenable.

Le recours à la facilité monétaire mène à la banqueroute 

Pour s’affranchir de cette menace, certains affirment qu’il suffirait d’opter pour un financement monétaire des déficits sans limite, et de mettre en place un cadre protectionniste pour les échanges. Le financement monétaire des déficits qui est une mesure exceptionnelle n’a pas vocation à perdurer afin d’éviter l’enclenchement d’une spirale inflationniste incontrôlable. Sur longue période, le recours à la facilité monétaire mène à la banqueroute. La dernière expérience de la France en la matière date de la période révolutionnaire avec les fameux assignats. En 1797, le Directoire décréta la faillite des deux tiers. Le retour à l’orthodoxie monétaire est souhaitable pour limiter la progression de la bulle spéculative qui affecte certains marchés, actions ou immobilier.

Des voix se multiplient en faveur d’un retour à une préférence nationale au niveau commercial 

La tentation protectionniste est une vieille tradition française dont la loi Méline de 1892 en est un des expressions. Si après 1944 et surtout après la ratification du Traité de Rome en 1957, la France a opté pour un libre-échange régulé, depuis une trentaine d’années, des voix se multiplient en faveur d’un retour à une préférence nationale au niveau commercial. En 1992, la polémique concernant l’accord de Blair House sur les produits agricoles avait été un premier révélateur de cette tentation. Depuis, tout accord commercial international est rejeté par tout ou partie de l’opinion. Il en fut ainsi, en 2016, avec l’accord de libre-échange avec le Canada. Le gouvernement fut accusé de vouloir livrer le marché français aux producteurs agricoles nordaméricains. 

Contrairement aux craintes exprimées alors, cet accord n’a pas conduit à une invasion du marché intérieur par les produits canadiens ; il a surtout permis le développement des exportations françaises vers le Canada. En France, étrangement, les relations commerciales sont perçues comme une des manifestations d’une guerre qualifiée d’économique. Or, l’objectif des échanges n’est pas de détruire le partenaire mais d’enrichir les deux parties au nom de la théorie des avantages comparatifs. Un fournisseur qui anéantit son acheteur se pénalise lui-même.

La fermeture des frontières est un aveu ultime de faiblesse 

Les partisans du protectionnisme mettent en avant l’argument selon lequel la mondialisation et les importations des produits émergents ont détruit l’industrie française, quelles ont supprimé des emplois. Or, ces vingt dernières années, la France a essentiellement perdu des parts de marché face à ses partenaires les plus proches, l’Allemagne, la Belgique, les Pays-Bas. Faut-il alors fermer les frontières aux produits européens ? Faut-il mettre des droits de douane aux frontières et supprimer plus de soixante ans de marché commun ? Le protectionnisme entraînerait des mesures de rétorsions importantes de la part de nos partenaires. Il entrainerait la fin du libre-échange. Aujourd’hui, un quart du PIB du pays dépend des ventes à l’étranger. Une réduction des importations signifierait une hausse des prix et donc une perte de pouvoir d’achat dont les ménages les plus modestes seraient les premières victimes. 

La fermeture des frontières est un aveu ultime de faiblesse et les prémices d’un déclin inexorable comme la Chine l’a prouvé entre le XVI et le XXe siècle. La seule voie offerte pour améliorer les conditions de vie de la population et les salaires est l’augmentation du nombre d’emplois et l’obtention de gains de productivité. 

Auteur/Autrice

  • Philippe Crevel est un spécialiste des questions macroéconomiques. Fondateur de la société d’études et de stratégies économiques, Lorello Ecodata, il dirige, par ailleurs, le Cercle de l’Epargne qui est un centre d’études et d’information consacré à l’épargne et à la retraite en plus d'être notre spécialiste économie.

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