NextGeneration, une étape qui en appelle d’autres! 

NextGeneration, une étape qui en appelle d’autres! 

La création du fonds de relance de l’Union européenne a fêté son troisième anniversaire le 19 février dernier. Connu sous le nom de « NextGeneration », ce fond pluriannuel d’un montant de 832 milliards d’euros, soit 5,2 % du PIB de l’Union européenne est financé par l’émission d’obligations de l’Union européenne. Ces émissions constituent une des initiatives prises par les Européens au moment de la pandémie de covid. 

Ce mode de financement a été qualifié d’hamiltonien en référence à Alexander Hamilton, le premier secrétaire au Trésor américain, qui, à la fin du XVIIIe siècle a organisé la fédéralisation budgétaire des États-Unis. L’initiative européenne de 2021 reste ponctuelle, les États d’Europe du Nord étant opposés à la mise en place d’un budget de nature réellement fédérale. 

NextGeneration, une nouveauté !

A la différence des autres plans européens, les crédits de NextGeneration ont été attribués, non pas en retenant le poids des États membres au sein de l’Union européenne, mais en fonction de critères économiques et sociaux plus larges. Ces crédits alloués à travers ce plan ont ainsi représenté 16 % du PIB pour la Grèce, 12 % pour la Roumanie, 11 % pour l’Italie 6 % pour la Pologne, 2,5 % pour la France, 1 % pour l’Allemagne et 0,6 % du PIB pour le Pays-Bas

Un objectif de redistribution interne

Les aides ont profité aux États qui étaient menacés par des taux d’intérêt élevés en raison de leur endettement élevé. L’idée était que les pays les plus riches soutiennent ainsi les pays les plus pauvres. Malgré la fin de la politique monétaire accommodante et les rachats d’obligations d’État par la banque centrale, les taux d’intérêt n’ont pas divergé au sein de l’Union. Ce calme sur les marchés obligataires s’explique également par les déclarations de la BCE en vertu desquelles cette dernière pourrait être amenée à intervenir pour empêcher tout écartement des taux. 

Un objectif de relance économique

Le deuxième objectif de NextGeneration était de contribuer à la reprise économique après la récession liée au Covid. Au départ, des experts et des responsables politiques ont ouvertement critiqué la Commission, considérant que le financement d’infrastructures était un mauvais choix. Ces derniers auraient préféré une action en faveur de la consommation. Ils ont également jugé que la mise en œuvre du plan était lente. Dans les faits, la lenteur de la Commission et l’option « investissement » se sont avérées bénéfiques. Une relance par la consommation aurait alimenté l’inflation comme cela a été constaté aux États-Unis. 

Compte tenu des mesures prises par les différents gouvernements, le pouvoir d’achat des ménages a été maintenu durant la crise sanitaire. En outre, ces derniers ont augmenté leur effort d’épargne de manière contrainte durant les confinements. La mise en œuvre relativement lente des plans de relance a atténué également les effets inflationnistes. Aux États-Unis, les plans de relance de Donald Trump puis de Joe Biden ont provoqué de nombreuses pénuries notamment pour les matériaux de construction. 

Nextgeneration
©Commission européenne - 2021

Un objectif de transformation écologique

Le troisième objectif de NextGeneration était d’accélérer la transformation verte et numérique de l’économie européenne. Les autorités européennes ont dû surveiller et contrôler l’usage des crédits pour éviter leur gaspillage et leur utilisation à d’autres fins que prévues. Certains États ont affecté une partie des crédits à des investissements ayant des liens assez éloignés de la numérisation et de la transition énergétique. L’Italie a tenté de financer la construction d’un stade en recourant au plan européen. Si ce projet a été refusé, elle a néanmoins réussi à financer des équipements sans lien direct avec les objectifs assignés par la Commission. Le gouvernement italien a ainsi utilisé une partie des fonds reçus pour la création de garderies. La France a été critiquée pour avoir réparti les crédits obtenus sur de nombreux projets et avoir financé des opérations de restauration programmées bien avant la crise sanitaire. 

La totalité des ressources prévues par le plan européen n’ont pas été utilisées, trois ans après son lancement du fait d’un nombre insuffisant de projets répondant aux conditions posées par les autorités de Bruxelles. 

Ces dernières souhaitaient également que le plan NextGeneration serve de catalyseur pour l’engagement de réformes structurelles dans les domaines de la concurrence, de la santé, de l’aménagement du territoire ou du système judiciaire. Peu d’États ont mis en œuvre de telles politiques. 

La France a mené une réforme des retraites mais n’a pas rationalisé son système complexe de collectivités territoriales.

Une arme en faveur de la démocratie en Europe

Enfin, la Commission européenne a utilisé le plan NextGeneration pour faire pression sur plusieurs États comme la Hongrie ou la Pologne qui ont tendance à ne plus respecter les règles communes. Ces deux pays ont remis en cause certains principes européens dans les domaines de la liberté de la presse, de l’indépendance de la justice ou du droit de la concurrence. L’obtention des crédits est conditionnée au respect des textes européens. 

L’arrivée au pouvoir de Donald Tusk au poste de Premier ministre en Pologne devrait améliorer sensiblement les relations avec la Commission et permettre au pays d’accéder, à nouveau, à l’ensemble des financements européens. Pour la Hongrie, la situation est plus compliquée. Viktor Orbán tente de monnayer son soutien au plan d’aide à l’Ukraine de 50 milliards d’euros. Il espère ainsi que les crédits européens de son pays, une vingtaine de milliards d’euros, débloqués sans avoir à réaliser les avancées attendues par les autres États membres sur le terrain des valeurs démocratiques. L’Union européenne a consenti à verser 10,3 milliards d’euros à la Hongrie en décembre sur les vingt qui ont été gelés. 

Pour la poursuite des émissions d’obligations européennes Le plan NextGeneration a permis à l’Union européenne d’intervenir de manière fédérale dans le financement de projets d’équipements. Ce fonds de relance de 832 milliards d’euros a constitué une avancée mais il est amené à disparaître. Or, la transition énergétique exige, d’ici le milieu du siècle, des sommes importantes, plusieurs milliers de milliards d’euros. Un financement européen permettrait de réduire les coûts d’investissement pour de nombreux États et de mettre en place un politique énergétique cohérente au niveau des 27 États membres. 

La poursuite d’émissions européennes en euros crédibiliserait le rôle de la monnaie commune. Ces émissions augmenteraient la profondeur du marché financier européen et contribueraient à son unification. Enfin, elles seraient l’expression d’un budget européen permettant de lutter contre des crises asymétriques. Ce budget offrirait la possibilité aux autorités européennes de venir en aide, de manière ciblée, à tel ou tel pays en fonction des difficultés que ce dernier pourrait rencontrer.

Auteur/Autrice

  • Philippe Crevel est un spécialiste des questions macroéconomiques. Fondateur de la société d’études et de stratégies économiques, Lorello Ecodata, il dirige, par ailleurs, le Cercle de l’Epargne qui est un centre d’études et d’information consacré à l’épargne et à la retraite en plus d'être notre spécialiste économie.

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