Pour une épargne européenne plus verte ! 

Pour une épargne européenne plus verte ! 

La transition énergétique nécessitera chaque année et jusqu’au milieu de ce siècle des milliers de milliards de dollars d’investissement afin d’atteindre la neutralité carbone et de limiter autant que possible le réchauffement de la planète. Parce qu’elle est l’autre face de l’investissement, l’épargne a un rôle d’aiguillon à jouer dans cette révolution afin de concilier réduction des émissions de gaz à effet de serre et efficience financière. Les ressources financières étant rares tout comme celles de la planète, elles se doivent d’être utilisées judicieusement. 

La France dispose d’un atout en la matière avec un savoir-faire financier de premier ordre. Ses banques et ses compagnies d’assurances figurent parmi les plus performantes d’Europe. Selon l’Autorité des Marchés Financiers, les actifs des fonds et mandats gérés en France s’élevaient à 4 450 milliards d’euros fin 2021. En 15 ans, ce montant a été multiplié par deux. Grâce aux engagements des établissements, à la pression des Organisations non gouvernementales ainsi que celle des pouvoirs publics et en premier lieu de la Commission européenne, les gestionnaires d’actifs contribuent au financement d’activités durables. 

Certes, certains pourraient regretter que seulement 1 080 fonds répondent aux exigences les plus élevées de l’Union européenne en matière de protection de l’environnement et soient en tant que tels classés comme fonds vert foncé (dits « fonds article 9 » du Règlement SFDR pour « Sustainable Finance Disclosure Regulation »). Plus du tiers des fonds sont, de leur côté, classés comme verts (« article 8 »). De réels progrès ont été enregistrés sur le terrain des classements avec par ailleurs une appétence plus importante de la part des épargnants à souscrire à ce type de placements. 

Par ailleurs, depuis le 1er janvier 2023, avec l’entrée en vigueur des normes européennes SFDR de niveau 2, les sociétés de gestion doivent préciser dans leurs documents d’information les données sur la durabilité des investissements réalisés. 

Dès l’année prochaine, la directive européenne NFRD (Non Financial Reporting Directive) qui encadre les déclarations de performance extrafinancière des sociétés européennes sera remplacée par une nouvelle directive, plus ambitieuse, appelée « CSRD » (Corporate Sustainability Reporting Directive).

Créer un Livret vert ? 

Face à cette orientation de l’épargne en cours, est-il nécessaire de créer, en France, un nouveau livret d’épargne réglementée, un « Livret vert » ? Le Livret de Développement Durable et Solidaire flèche déjà une partie de l’épargne de court terme en faveur des entreprises qui investissent afin de réduire leur empreinte carbone ou qui s’engagent dans l’économie solidaire. Les Livrets d’épargne réglementée qui sont des placements à court terme drainent des sommes importantes, soit plus de 800 milliards d’euros d’encours, sachant que la transformation de ressources de court terme en crédits à long terme est par nature coûteuse. 

S’il est urgent de réaliser au plus vite les infrastructures nécessaires à la transition énergétique, leur amortissement s’effectuera sur une longue période. L’épargne à mobiliser doit l’être tout autant. L’aversion aux risques des ménages rendrait le financement de la transition énergétique impossible, justifiant de passer par des formules d’intermédiation administrée. 

Des « obligations » vertes ?

Depuis plusieurs années, les Français ont accepté de prendre plus de risques avec leur épargne. La proportion des unités de compte dans la collecte de l’assurance vie atteinte depuis un an avoisine les 40 %. Plus de 3,7 millions de Français ont souscrit un Plan d’Épargne Retraite qui est par définition un produit de long terme. Le nombre de Plans d’Épargne en Actions est en constante augmentation et a dépassé les 5 millions en 2022. Les épargnants français sont de plus en plus matures et responsables. 

Le financement de la mutation verte ne peut s’appréhender qu’à l’échelle de l’Europe. Face aux États-Unis dont le gouvernement entend privilégier leurs entreprises dans la bataille écologique qui est lancée, l’Union européenne se doit de disposer d’outils de financement à la taille de son économie. 

Les États de la zone euro ont créé la monnaie unique mais le marché financier unifié reste à construire. Depuis la crise des dettes souveraines, la tendance est plutôt à la segmentation des marchés financiers.

La création d’un grand marché financier 

Face au défi de la décarbonation, l’Union européenne pourrait émettre des obligations vertes dans le prolongement des émissions obligataires réalisées dans le cadre de son plan post-covid. Ces obligations concourront au renforcement de l’euro et limiteront les risques de divergence des économies et de taux au sein de l’Union. 

La création d’un grand marché financier rassemblant les différentes places financières nationales augmenterait la profondeur du marché, et réduirait les coûts d’émission et de gestion. Elle offrirait aux épargnants une gamme plus large de produits et aux entreprises des moyens de financement plus importants. 

Auteur/Autrice

  • Philippe Crevel est un spécialiste des questions macroéconomiques. Fondateur de la société d’études et de stratégies économiques, Lorello Ecodata, il dirige, par ailleurs, le Cercle de l’Epargne qui est un centre d’études et d’information consacré à l’épargne et à la retraite en plus d'être notre spécialiste économie.

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