Pourquoi le dollar s’apprécie-t-il quand il devrait se déprécier ?

Pourquoi le dollar s’apprécie-t-il quand il devrait se déprécier ?

Avec un déficit commercial élevé de près de 1 000 milliards de dollars, avec une dette publique de plus de 31 000 milliards de dollars, la monnaie américaine devrait se déprécier. Or, depuis une dizaine d’années, elle a tendance au contraire à s’apprécier face à l’euro. Quelles en sont les raisons de court et de moyen terme ? 

En 2022, l’euro s’est déprécié par rapport au dollar pour atteindre la parité. Il s’est depuis quelques mois redressé et s’échange contre 1,08 dollar. Son taux de change, à court terme, dépend des anticipations des politiques monétaires de part et d’autre de l’Atlantique et à long terme de l’attractivité comparée des deux zones économiques.

Les décisions des banques centrales 

Le taux de change entre le dollar et l’euro dépend clairement à court terme des anticipations de la politique monétaire aux États-Unis et dans la zone euro, de l’écart entre les taux d’intérêt à court terme aux États-Unis et dans la zone euro. À moyen et long terme, le taux de change entre le dollar et l’euro dépend de l’attractivité relative des États-Unis et de la zone euro pour les capitaux internationaux. 

L’appréciation du dollar par rapport à l’euro s’explique ces derniers mois par les décisions des banques centrales en matière de politique monétaire. La FED a décidé de relever plus tôt et plus fortement ses taux directeurs que la BCE. Les taux directeurs de cette dernière évoluent entre 3,25 et 4 % quand ceux de la FED se situent entre 5 et 5,25 %. Les investisseurs sont ainsi conduits à privilégier les placements en dollars mieux rémunérés. 

La guerre en Ukraine a, par ailleurs, incité ces mêmes investisseurs à préférer les placements américains qui ont rempli leur rôle de valeurs refuges. Les États-Unis, éloignés du théâtre du conflit et indépendants énergétiquement, sont moins touchés par cette guerre. 

Sur le moyen et long terme, les investisseurs ont tendance à opter plus facilement pour des placements américains qu’européens. Ainsi de 2012 à 2022, les achats d’obligations souveraines américaines par les non-résidents sont bien plus importants que ceux en provenance d’Europe. Depuis la crise des dettes publiques entre 2010 et 2012, les investisseurs non-résidents ont eu tendance à se désengager du marché européen.

Marché boursier, graphique de négociation dans l’économie de couleur rouge ©Stock Adobe

Les investissements directs étrangers dans la zone euro sont en recul 

Le financement des dettes publiques en zone euro s’est renationalisé du fait d’une aversion croissante aux risques. L’écart des achats entre les deux zones économiques dépasse 3 points de PIB. Depuis 2016, les investissements directs étrangers dans la zone euro sont en recul à la différence de ceux aux États-Unis avec un écart de plus de 5 points de PIB. L’essor du secteur des hautes technologies ainsi que la force du marché du non-côté explique la primauté américaine en la matière. 

Les gouvernements européens tentent d’attirer les capitaux étrangers en particulier dans le cadre de la politique de réindustrialisation (à travers le sommet « Choose France » par exemple).

Record de projets d’investissements en France 

Le nombre de projets d’investissements étrangers en France a atteint un record en 2022, avec 1 725 décisions d’investir, soit 7 % de plus par rapport à 2021 selon Business France. Ces décisions auraient permis la création ou le maintien de 58 810 emplois. Même si l’écart est plus faible que pour les obligations souveraines ou les investissements directs, les achats d’obligations des entreprises et des banques par les non-résidents sont plus importants aux États-Unis qu’en Europe. Pour les acquisitions d’actions cotées par des non-résidents, le niveau est équivalent de part et d’autre de l’Atlantique. Il en est de même pour les achats d’actifs liquides et monétaires. 

Au total, les actifs financiers américains sont plus attractifs pour les non-résidents que ceux de la zone euro, l’écart étant de plus de 10 points de PIB. Cette situation est certes la conséquence du déficit important de la balance des paiements américaine qui impose aux États-Unis d’attirer des capitaux extérieurs. 

Logiquement, un déficit de la balance des paiements courants conduit à une dépréciation de la monnaie mais les États-Unis restent la première puissance économique et militaire. Ils disposent avec le dollar de la principale monnaie de réserve du monde. Il en résulte que les achats d’actifs au profit des États-Unis concourent à l’appréciation du dollar.

Auteur/Autrice

  • Philippe Crevel est un spécialiste des questions macroéconomiques. Fondateur de la société d’études et de stratégies économiques, Lorello Ecodata, il dirige, par ailleurs, le Cercle de l’Epargne qui est un centre d’études et d’information consacré à l’épargne et à la retraite en plus d'être notre spécialiste économie.

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