Quel bilan économique pour le septennat d’Emmanuel Macron ?

Quel bilan économique pour le septennat d’Emmanuel Macron ?

Les élections législatives du 30 juin et du 7 juillet marquent la fin d’un septennat de majorité absolue puis relative soutenant Emmanuel Macron. En sept ans, cette majorité a traversé de nombreuses crises, Gilets jaunes, covid, Ukraine, inflation. En 2017, elle a mis en œuvre une politique visant à favoriser l’offre. Face à ces multiples chocs, elle a opté pour une politique de plus interventionniste qui s’est traduite par une augmentation du déficit public et de l’endettement.

Sur le plan économique, cette période a été marquée par la baisse de la taxation du capital, la libéralisation relative du marché du travail, la réforme de l’apprentissage, le report de l’âge légal de départ à la retraite, la mise en œuvre d’une politique industrielle interventionniste. Cette politique a été supervisée par un seul et même ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, qui a battu ainsi un record de longévité à Bercy.

Afin de favoriser l’investissement dans les entreprises et de rassurer les investisseurs, Emmanuel Macron a réduit la taxation du capital en instituant le prélèvement forfaitaire unique, en supprimant l’impôt sur la fortune sur les placements financiers et en poursuivant le processus de baisse de l’impôt sur les sociétés.

La France, premier pays d’Europe pour l’accueil des investissements directs étrangers

Après plusieurs années de recul, entre 2012 et 2017, le montant des investissements directs en provenance de l’étranger a augmenté, refaisant de la France un des pays les plus attractifs de l’Union européenne. En 2023, la France a ainsi conservé, pour la cinquième année consécutive, son rang de premier pays d’Europe pour l’accueil des investissements directs étrangers. Avec 1 194 projets d’implantation ou d’extension annoncés en 2023 (-5 % par rapport à 2022), la France devance le Royaume-Uni (985 projets, +6 %) et l’Allemagne (733, -12 %).

Durant sept ans, l’ancienne majorité a pris de nombreuses mesures afin d’améliorer le taux d’emploi qui était particulièrement faible en France. La réforme de l’assurance chômage et le report de l’âge de départ à la retraite constituent les deux principaux axes de cette politique. Le taux d’emploi a atteint 68 % en France, son plus haut niveau jamais enregistré. Il a progressé de 3 points en sept ans mais reste inférieur de 10 points à celui de l’Allemagne.

Le taux d’emploi des 60 à 64 ans est passé de 28 à 40 % entre 2017 et 2023. Ce taux reste inférieur à la moyenne européenne. En 2018, la réforme de l’apprentissage a conduit à une forte augmentation du nombre d’apprentis, en lien également avec le montant des aides en faveur des contrats en alternance.

Depuis le covid, la politique économique de l’ex-majorité présidentielle était devenue de plus en plus interventionniste avec de nombreuses mesures de soutien aux entreprises : aides publiques à l’investissement dans les industries stratégiques (batteries électriques, médicaments, semi-conducteurs) ; aides publiques aux industries du futur (espace, ordinateurs quantiques, intelligence artificielle…).

Le taux d’investissement des entreprises est passé de 11,8 à 15 % du PIB en France

Ces politiques ont favorisé la hausse du taux d’investissement des entreprises qui est plus élevé, aujourd’hui, en France que dans les autres grands pays de la zone euro. De 2010 à 2023, le taux d’investissement des entreprises est passé de 11,8 à 15 % du PIB en France. L’année dernière, le taux d’investissement des entreprises représentait 11 % du PIB en Italie et 12 % en Allemagne. Après des années de recul, la valeur ajoutée dans l’industrie manufacturière s’est stabilisée au sein du PIB autour de 10 % du PIB en 2023. L’emploi industriel a connu le même sort (9 % de la population en emploi). Le secteur de l’industrie a renoué depuis deux ans avec les créations d’emploi.

Dans d’autres domaines, l’ancienne majorité n’a pas obtenu les résultats escomptés. Le système éducatif français demeure toujours à la peine comme en témoignent les derniers résultats de l’enquête PISA de l’OCDE. Le recul du niveau des compétences dans les matières scientifiques est préoccupant compte tenu de la volonté des pouvoirs publics de réindustrialiser le pays.

La faiblesse des dépenses dans l’innovation et la recherche contribue au recul de la productivité

Si le taux d’investissement des entreprises françaises est en hausse depuis des années, celui en nouvelles technologies demeure nettement insuffisant. Il s’élève, en 2023, à 0,6 % du PIB, contre 1,6 % du PIB aux États-Unis. Depuis plusieurs années, les dépenses de recherche & développement stagnent en France, autour de 2 % du PIB, quand elles augmentent aux États-Unis. Elles sont passées dans ce pays de 2,8 à 3,6 % du PIB de 2010 à 2023. La faiblesse des dépenses dans l’innovation et la recherche contribue au recul de la productivité par tête depuis 2019, plus de 3 points en quatre ans.

La question du logement constitue un autre point d’alerte. L’insuffisance chronique de l’offre de logements conduit à des prix élevés de l’immobilier et à un prélèvement anormalement fort sur le revenu des ménages. En vingt ans, le prix des logements ancien a doublé. La politique du logement qui n’a pas été réellement modifiée, ces sept dernières années, concentre les aides sur le soutien à la demande et non sur l’offre. La fiscalité favorise étrangement les locations saisonnières, ce qui assèche le marché locatif traditionnel. Plus de 800 000 logements sont proposés sur les plateformes de locations saisonnières sur un total de 30 millions de logements.

La faiblesse de la croissance, en lien avec la disparition des gains de productivité, a pesé sur les marges de manœuvre des entreprises pour améliorer le pouvoir d’achat.

Depuis une dizaine d’années, ce sont les pouvoirs publics qui sont bien souvent à l’origine des améliorations de revenus (primes Macron, réduction des charges sociales sur les salaires, baisse de l’impôt sur le revenu pour les ménages modestes, suppression de la taxe d’habitation, suppression de la redevance audiovisuelle, etc.).

Malgré les différentes crises subies le niveau de vie des ménages ne s’est pas détérioré. Mais le ressenti est tout autre.

Malgré les différentes crises subies par la France depuis 2019, le niveau de vie des ménages ne s’est pas détérioré. Mais le ressenti est tout autre. La population ne porte, par ailleurs, aucunement au crédit de l’ancienne majorité les diverses mesures de soutien prises, du « quoi qu’il en coûte » à celles visant à réduire la facture énergétique durant la vague inflationniste. La baisse du chômage qui a retrouvé, en 2023, un niveau inconnu depuis le début des années 1980 n’a pas été perçue de manière positive par l’opinion publique. Ce phénomène n’est pas spécifique à la France ; aux Etats-Unis, le Président Joe Biden éprouve les pires difficultés à communiquer sur son bilan qui, en termes économiques, est plutôt bon.

Auteur/Autrice

  • Philippe Crevel est un spécialiste des questions macroéconomiques. Fondateur de la société d’études et de stratégies économiques, Lorello Ecodata, il dirige, par ailleurs, le Cercle de l’Epargne qui est un centre d’études et d’information consacré à l’épargne et à la retraite en plus d'être notre spécialiste économie.

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