Rencontre avec le peintre français Rémy Aron qui expose à Pékin cet été : à la découverte du sentiment de plénitude dans le labyrinthe du voyage

Rencontre avec le peintre français Rémy Aron qui expose à Pékin cet été : à la découverte du sentiment de plénitude dans le labyrinthe du voyage

Rémy Aron expose depuis 1974, en France, en Europe et dans le monde, un travail artistique aujourd’hui pleinement reconnu par ses pairs et le public.

Une exposition à Pekin pour un fin connaisseur de la Chine

Ce peintre formé aux Beaux-Arts de Paris, chevalier des Arts et des Lettres, a des liens étroits avec la Chine. Il y est membre de l’académie nationale de peinture, et son influence et sa connaissance de l’art chinois lui ont permis de présenter sa dernière exposition à Pékin. Il expose du 8 juillet au 13 août à la galerie Ici-Là Bas.

Artiste engagé au service de la promotion de l’art, il a toujours milité contre l’argent roi et les logiques de reconnaissances institutionnelles quand elles limitent la créativité ou la liberté des artistes en les soumettant aux diktats du mercantilisme. 

Réélu en France à la tête de la Maison des artistes

Il est redevenu en 2023 président de la Maison des artistes, une institution qui, en France, œuvre pour l’aide et le soutien à tous les artistes par des formations, action d’appui et de promotion, pour l’aide à la reconnaissance de leurs droits.

Nous avons interrogé l’artiste sur son exposition chinoise et plus largement sur son rapport à la création, sur les apprentissages qui ont été les siens et sur les différences entres les mondes de l’Art chinois et occidental. 

Boris Faure : Votre dernière exposition fait une part importante à la notion de labyrinthe, pouvez-vous nous en parler ?

Rémy Aron : Le labyrinthe est un thème dont je ne suis pas à l’origine. C’est le fruit d’une longue analyse de la critique. Mais au fond cela me convient assez bien. Symboliquement, le labyrinthe c’est une organisation, une circulation dans laquelle on se perd, dont on retrouve le fil après des tours et détours. Ce thème  est présent dans mon travail et chacune de mes toiles. Je me perds jusqu’à ce que je trouve, où semble trouver, une cohérence qui me donne une respiration. 

On passe son temps à se battre soi-même, à détruire puis à reconstruire  

Rémy Aron : C’est tout l’enjeu et la problématique de ce que je crois être la peinture : on passe son temps à se battre avec soi-même, à détruire puis à reconstruire. L’unité qu’on cherche, il faut tout abandonner pour peut-être l’obtenir, après s’être souvent perdu.

Boris Faure : Quels sont les soubassements de votre art ?

Rémy Aron : Ce qui est fondamental pour moi ce sont les apprentissages. On cultive des parties, des choses, on développe la conscience des limites, les arabesques, la hiérarchie des valeurs, le volume dans l’espace, la sensation de l’ensemble, le goût pour la géométriser, les éléments constitutifs d’un tout. Mais ce qui compte c’est bien de tout abandonner dans l’action pour espérer une synthèse, une unité dans l’instant. 

Un sentiment de plénitude dans le labyrinthe du voyage

Rémy Aron : Dans ce labyrinthe du voyage, il peut y avoir un sentiment de plénitude, tout ça est un combat avec soi-même.  Je ne peins pas pour produire quelque chose, pour produire des peintures. J’essaie de faire de la peinture car j’en ai besoin, car j’ai envie de peindre comme une nécessité pour vivre et respirer.   

Boris Faure : Il y a une part de charge inconsciente dans votre peinture  ?

Rémy Aron : Au bout du chemin, quand on cherche cette unité, quand on cherche une espèce d’espace qui vous correspond, il y a une charge qu’on ne maîtrise pas qui s’impose. Ce n’est pas l’idée du lâcher prise, c’est l’évidence que j’ai trouvée pour ne pas fabriquer des peintures. Car en matière de peinture et de créativité on ne sait pas où l’on va et c’est bien. 

Il faut cultiver un certain goût de rien

Rémy Aron : Il faut en réalité cultiver un certain goût de rien. Ma relation consciente reste avec les maîtres que sont Le Tintoret, Delacroix, Cézanne avec qui j’ai des relations étroites. Je dessine d’après les gravures de Rembrandt quotidiennement. Ma peinture n’est donc pas du lâcher-prise à la mode. Car j’aime et je vénère, la nature et les maîtres. 

Boris Faure : Quel est votre rapport avec l’art chinois ?

Rémy Aron : Depuis maintenant 20 ans je vais en Chine. C’est le grand pays de la peinture. Tout le monde est peintre là-bas car le rapport à la peinture est complètement consubstantiel à la société chinoise, c’est la relation spirituelle au monde. Il y a dans ce grand pays une relation intime entre la notion de dieu et la nature dans laquelle le peintre n’est qu’un passeur et presque un prêtre. 

©Courtesy of National Academy of Painting of China

En Chine, tout le monde est peintre

Rémy Aron : Je me suis retrouvé en Chine dans un pays où j’étais naturellement bien, grâce à une ancienne  pratique des arts martiaux qui m’avait familiarisé avec la civilisation extrême-orientale. La galerie dans laquelle j’expose s’inscrit tout à fait dans cette démarche. Les peintres chinois sont naturellement dans une abstraction formelle. Il y a très peu de portraitistes dans la peinture traditionnelle chinoise. La peinture chinoise  a pour objectif de représenter la montagne, l’eau, le ciel et les nuages et tout cela est inscrit dans le mouvement de l’univers. Il n’a jamais été question de décrire simplement les choses mais de saisir le mouvement dans une démarche naturellement, on pourrait dire  « impressionniste ».

Dans la peinture chinoise, la nature est immense et l’Homme tout petit

Rémy Aron : La peinture chinoise est naturellement actuelle, je peux dire contemporaine. Elle se fonde sur l’idée que la nature est immense et qu’en comparaison l’Homme est représenté très petit et contemplant l’univers. Car pour la Chine l’Humain n’est pas au centre de l’univers.

Boris Faure : Vous vous êtes opposé publiquement  à une tendance occidentale qui mêle l’art à l’argent-roi… Comment est structuré ici le marché de l’art ?

Rémy Aron : De façon générale dans l’art contemporain, moins il y a d’apprentissage, moins il y a de rapports aux maîtres, plus il y a une jouissance des marchands et de la valeur vénale de l’art. 

En Chine toute la politique culturelle de la Nation repose au départ sur les associations d’artistes qui ont une importance considérable. L’Etat suit les artistes et les marchés ne viennent qu’en troisième position.

En France c’est exactement l’inverse.

En Occident il faudrait inverser les choses pour que la valeur vénale cesse d’être au premier plan de la valeur artistique.  

Boris Faure : Vous venez d’être réélu à la tête de la Maison des artistes, sous quels auspices sont placés ce mandat ?

Rémy Aron : Il s’agit de réunir les forces des artistes. Car les associations d’artistes sont maltraitées. Par exemple au Grand palais, l’Etat fait payer beaucoup trop cher les artistes pour les emplacements, les cimaises…

ll faut réunir les associations d’artistes !

Rémy Aron : Il faut réunir toutes les associations d’artistes pour créer un mouvement des artistes et peser davantage sur les choix culturels du pays.

Auteur/Autrice

  • Boris Faure est l'ex 1er Secrétaire de la fédération des expatriés du Parti socialiste, mais c'est surtout un expert de la culture française à l'étranger. Il travaille depuis 20 ans dans le réseau des Instituts Français, et a été secrétaire général de celui de l'île Maurice, avant de travailler auprès des Instituts de Pologne et d'Ukraine. Il a été la plume d'une ministre de la Francophonie. Aujourd'hui, il collabore avec Sud Radio et Lesfrancais.press, tout en étant auteur et représentant syndical dans le réseau des Lycées français à l'étranger.

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