Renouer avec la croissance malgré le double AA de Standard and Poor's

Renouer avec la croissance malgré le double AA de Standard and Poor's

Standard and Poor’s n’a pas suivi l’agence Fitch qui avait, le 28 avril dernier, décidé de dégrader la note française. Cette décision était intervenue dix ans après la perte, par la France, de son triple A, la meilleure note possible. Seuls onze pays en bénéficient encore en 2023 : l’Allemagne, l’Australie, le Canada, le Danemark, le Lichtenstein, le Luxembourg, la Norvège, les Pays-Bas, Singapour, la Suède et la Suisse. 

Même sans son triple A, l’État français demeure une bonne signature sur les marchés. Il emprunte des sommes conséquentes (270 milliards d’euros cette année) à des taux encore raisonnables. L’écart de taux avec l’Allemagne est, en effet, stable depuis des mois à 0,5 point. Le niveau élevé de l’épargne, la capacité à lever l’impôt, la croissance de la population – gage de croissance à venir – sont autant de points positifs qui sont pris en compte par les investisseurs. 

À la différence de Fitch, Standard and Poor’s a considéré crédible la volonté du gouvernement de respecter la trajectoire de réduction des déficits publics tout en plaçant la France en perspectives négatives. Au-delà de cette décision, des doutes existent néanmoins sur la capacité à poursuivre dans la voie d’un endettement massif.

Les dépenses publiques représentent 58,2 % du PIB en 2022 

Les dépenses publiques sont en constante augmentation au point de représenter 58,2 % du PIB en 2022, soit trois points de plus qu’en 2019, avant l’épidémie de covid-19. A chaque crise, le déficit atteint un niveau record et sa réduction prend toujours plus de temps que chez nos partenaires. Trois ans après la crise sanitaire, il s’élevait en 2022 à 4,7 % du PIB, contre 3,6 % en moyenne au sein de la zone euro et 2,60 % du PIB en Allemagne. 

En France, toute réalisation d’économies budgétaires tourne au psychodrame. Avec un taux de prélèvements obligatoires de 45,4 % du PIB, le plus élevé, les marges de manœuvre dans ce domaine des pouvoirs publics sont faibles. Elles le sont d’autant plus que les gouvernements rencontrent les pires difficultés à mener des réformes structurelles comme l’a prouvé récemment celle concernant les retraites.

Sans gain de productivité, pas de croissance, ce qui induit des problèmes de financement, des dépenses publiques 

La disparition des gains de productivité constitue une menace pour les années à venir si elle venait à perdurer. Sans gain de productivité, pas de croissance, ce qui induit des problèmes de financement, à terme, des dépenses publiques, celles-ci étant amenées à augmenter avec la transition énergétique, le vieillissement ou la remise à niveau de la défense nationale. 

Selon le rapport Pisani-Ferry, la décarbonation de l’économie serait susceptible d’accroître la dette publique, d’ici 2050, de 280 milliards d’euros. Le problème de l’endettement ne se pose pas en 2023 mais pourrait gagner en acuité d’ici la fin de la décennie en cas de stagnation de l’économie. 

Si les Français sont inquiets de la progression de la dette publique, ils sont partagés sur les moyens de la résoudre. Pour certains, le principe d’une dette sans limite s’était imposé en lien avec la politique du « quoi qu’il en coûte ». Pour d’’autres, la monétisation par les banques centrales est la solution magique. Or, l’histoire est sévère avec les pays qui ont tenté de s’affranchir durablement des règles de bonne gestion. Après cinquante ans de déficits publics consécutifs, l’heure des choix se rapproche pour la France. Nul n’en connaît la date exacte.

Pour éviter le précipice, la France a l’obligation de renouer avec une croissance pérenne 

Ce qui est certain c’est qu’en cas d’absence de changement dans la trajectoire prise, en urgence et dans la douleur, il faudrait prendre des mesures drastiques pour éviter une banqueroute, synonyme de ruine financière pour de nombreuses personnes. Les Grecs ont ainsi dû accepter des sacrifices financiers pour éviter le défaut de paiement de leur État entre 2012 et 2015. 

A tort, les Français pensent que cela ne peut pas arriver à la France dont la dernière banqueroute date de 1797. Elle a pu compter jusqu’à maintenant sur la mansuétude de ses partenaires, mais celle-ci n’est pas sans limite. Sa situation est d’autant plus fragile qu’elle cumule son déficit public avec celui de la balance des paiements courants. Elle a donc besoin de faire appel à l’épargne étrangère pour couvrir ses besoins. 

Pour éviter le précipice vers lequel elle avance d’année en année, la France a l’ardente obligation de renouer avec une croissance pérenne, ce qui suppose une augmentation du volume de travail et de l’investissement.

Auteur/Autrice

  • Philippe Crevel est un spécialiste des questions macroéconomiques. Fondateur de la société d’études et de stratégies économiques, Lorello Ecodata, il dirige, par ailleurs, le Cercle de l’Epargne qui est un centre d’études et d’information consacré à l’épargne et à la retraite en plus d'être notre spécialiste économie.

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