Un vent nouveau pour les finances publiques ?

Un vent nouveau pour les finances publiques ?

Le déficit public de la France n’en finit pas de se creuser. Après avoir atteint 5,5 % en 2023, il pourrait, en l’absence de changement, s’élever à 5,6 % en 2024, puis à 6,2 % en 2025. Le ministère de l’Économie et des Finances prévoit même qu’il atteigne -6,7 % en 2026 et ne revienne qu’à -6,5 % en 2027, soit plus du double du taux prévu dans le cadre de la loi pluriannuelle des finances publiques.

Pour l’instant, la France n’éprouve pas de réelles difficultés à emprunter sur les marchés financiers. À ce titre, il ne faut pas oublier qu’elle sera le pays qui empruntera le plus en Europe en 2024, avec 285 milliards d’euros, dont au moins la moitié auprès d’investisseurs étrangers. L’écart de taux avec l’Allemagne, pays de référence au sein de l’Union, n’a connu qu’une légère hausse, passant de 0,5 à 0,7 point depuis l’annonce de la dissolution de l’Assemblée nationale.

La France pourrait-elle connaître, dans les prochains mois, un scénario similaire à celui de l’Italie ou de la Grèce ? Un mouvement de défiance pourrait-il provoquer une hausse des taux d’intérêt au point de poser la question de la solvabilité de l’État ? Les marchés et les investisseurs détestent les mauvaises surprises et les omissions. La crise grecque entre 2010 et 2012 a été provoquée par la découverte de déficits publics sans rapport avec ceux précédemment communiqués par les autorités.

Faute avouée est à demi pardonnée. Le non-respect des recommandations des institutions publiques, telles que celles de l’Union européenne, de la Banque centrale européenne ou du Fonds monétaire international, est également jugé sévèrement par les investisseurs. Ils condamnent les États qui ne montrent aucune volonté de maîtriser leurs finances publiques. Enfin, ils évaluent le potentiel de remboursement des États en s’appuyant sur leur croissance, leur taux d’épargne, leur capacité à lever des impôts et l’évolution de leur population active. En cas d’incapacité ou de refus du gouvernement de suivre les consignes européennes, en cas de manque de crédibilité du plan budgétaire de ce dernier, l’écart de taux avec l’Allemagne pourrait s’accentuer.

La France devait soumettre aux autorités européennes son plan de réduction des déficits d’ici le 20 septembre, sachant qu’elle fait l’objet d’une procédure pour déficit excessif depuis le 26 juillet 2024, aux côtés de six autres États membres. La nomination de Michel Barnier, ancien commissaire européen, au poste de Premier ministre constitue un gage de crédibilité. Néanmoins, en cas de présentation par le nouveau gouvernement d’un budget irréaliste ou d’absence de budget comme ce fut le cas au Royaume-Uni en octobre 2022, la France pourrait connaître quelques tensions financières.

Les États de l’Union, y compris la Grèce et l’Italie, ont toujours suivi les recommandations de la Commission.

Jusqu’à présent, les États de l’Union, y compris la Grèce et l’Italie, ont toujours suivi les recommandations de la Commission, du moins dans les grandes lignes. Pour se conformer au Pacte de stabilité européen, la France pourrait être contrainte, d’ici 2028, de réaliser jusqu’à 100 milliards d’euros d’économies ou de hausses d’impôts, un effort qu’elle n’a jamais consenti par le passé.

Ces économies seront d’autant plus difficiles à réaliser que les besoins de dépenses sont nombreux : santé, transition écologique, éducation, sécurité intérieure et extérieure, dépendance et retraites. Les marges de manœuvre fiscales sont extrêmement limitées. Les mouvements sociaux comme ceux des Bonnets rouges ou des Gilets jaunes ont montré que l’acceptabilité de l’impôt est en recul en France.

Les économies, tout comme les hausses d’impôts, sources de mécontentement, pèseront sur la croissance, réduisant ainsi les gains de pouvoir d’achat.

Les pouvoirs publics devraient opter pour un choc de croissance

Sans choc de productivité, les années à venir risquent d’avoir un goût amer. À tout prendre, les pouvoirs publics devraient opter pour un choc de croissance, en combinant hausse du pouvoir d’achat et diminution des coûts de production.

La modification du mode de calcul des cotisations sociales pourrait y contribuer. Pour supprimer les effets de seuil, un abattement total des charges sur les 800 premiers euros pour un emploi à temps complet, en remplacement de tous les dispositifs actuels d’exonération, pourrait être envisagé. Une véritable politique de suppression des niches fiscales, avec pour objectif des impôts plus neutres économiquement, caractérisés par une large assiette et de faibles taux, pourrait enfin être appliquée.

Le point le plus sensible reste les dépenses sociales. Faut-il davantage tenir compte du niveau de revenu pour l’attribution des aides à la santé ou à la dépendance ? La question mérite d’être posée. Des solutions existent pour éviter le naufrage, mais elles supposent un minimum de consensus.

Auteur/Autrice

  • Philippe Crevel est un spécialiste des questions macroéconomiques. Fondateur de la société d’études et de stratégies économiques, Lorello Ecodata, il dirige, par ailleurs, le Cercle de l’Epargne qui est un centre d’études et d’information consacré à l’épargne et à la retraite en plus d'être notre spécialiste économie.

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