Unir les Nations désunies

Unir les Nations désunies

Après la Reine, l’arène. Macron a tapé du poing sur le pupitre. Le New York Times a apprécié. Un discours dur vis-à-vis de la Russie. Poutine, absent, a répliqué : il a mis en garde la France qui se comporte en ennemie en fournissant des armes à l’Ukraine. Est-ce la dernière offensive ukrainienne qui a motivé l’intervention française ? Ou la répétition des crimes de guerre ? Catherine Colonna, la nouvelle ministre des affaires étrangères appuie la Cour Pénale internationale et insiste sur la nécessité de punir les criminels.

Que leur importe la guerre de Poutine contre l’Occident ?

L’intervention présidentielle a marqué parce qu’elle s’adressait au ventre mou de l’Assemblée des Nations-Unies : les neutres. Difficile, il est vrai, de mobiliser des pays qui voient dans la guerre en Ukraine une suite lamentable de la guerre froide. Que leur importe la Crimée ? Que leur importe la guerre de Poutine contre l’Occident ? Que leur importe la défense de la démocratie, la plupart des pays n’en sont pas ? Ce qui compte, c’est le blé, le gaz, le pétrole, les prêts chinois. Ils ont vu Poutine au sommet de Samarkand, avec l’Inde, la Chine, et même la Turquie. Alors cette histoire européenne les concerne peu, sauf qu’elle ajoute du désordre au chaos. 

Wide view of the Hall during the opening of the meeting. 86th plenary meeting Election of five non-permanent members of the Security Council [item 112(a)] (a) By-election (A/71/896) (b) Election of five non-permanent members of the Security Council

Macron a beau accuser la Russie d’impérialisme, l’impérialisme n’est pas que russe, pensent-ils. Quant au droit international, les Américains ne se sont-ils pas assis dessus maintes et maintes fois ? Le multilatéralisme, qui en est le fossoyeur ? C’est pourquoi le discours présidentiel pouvait recevoir une approbation polie, celle que l’on accorde à tout pays « ami » quand il prend une posture de combat et d’émotion parsemée de grands mots. 

Ceux qui croient être neutres seront considérés comme complices

La vraie force du discours n’était donc pas dans les accusations étayées formulées contre la Russie, ni dans l’appel au respect des souverainetés (même si c’est la leçon qu’a donné Xi Jinping à Poutine lors du sommet de Samarcande) mais dans la mise en garde : ceux qui croient être neutres seront considérés comme complices. « Qui voudrait mimer le combat des non-alignés se trompe lourdement : ceux qui se taisent aujourd’hui servent malgré eux, ou secrètement avec une certaine complicité, la cause d’un nouvel impérialisme, d’un cynisme contemporain qui désagrège notre ordre international sans lequel la paix n’est pas possible ». 

Avec en complément, ce message subliminal : il faut un nouveau pacte « Nord/Sud », c’est-à-dire, « nous aiderons ceux qui sont solidaires ». 

Dans le jeu des puissances, il est nécessaire de nier la logique des blocs. D’autant que les oppositions sont de fausses oppositions, et les blocs de faux blocs. La bataille n’est pas entre la Russie et les Etats-Unis mais plutôt entre la Chine et les Etats-Unis ; la Chine est alliée avec la Russie mais ne lui fournit ni armes, ni technologie, et achète son pétrole au rabais. L’Europe paie la guerre contre la Russie, mais ne veut pas aller trop loin contre la Chine. Etc., etc., etc.

Le point sur lequel Emmanuel Macron a frappé, ce sont ceux qui sont entre les blocs, qui croient jouer au plus malin en ne voulant se mêler de rien. Il a vu Macky Sall, président du Sénégal et de l’Union Africaine, proche de la France, et Alberto Fernandez, le Président argentin. La France est partie du Mali, les mercenaires russes la remplacent. Un bien pour le Mali ? Un espoir pour l’Afrique ? Elle a besoin du blé russe, mais qui fait du chantage aux céréales ? Qui a débloqué la situation ? C’est ainsi que Macron justifie de maintenir un dialogue avec Poutine (même si ce n’est pas lui qui a débloqué les ports, cela a ouvert la porte au contrôle de la centrale nucléaire). Maintenir le dialogue (« même si cela sent mauvais » dit le Pape), rester ferme sur les principes, rappeler aux amis que la solidarité n’est pas neutre, que la neutralité n’est pas innocente.

Faire bloc contre les blocs.

Poutine mène la guerre avec l’Occident. Xi Jinping ne cache pas son envie de prendre le leadership de cette croisade dès qu’il se sera assuré de son pouvoir en interne, de sa solidité en externe. Mais « l’Occident » reste puissant, et considère que les limites sont atteintes. L’ordre mondial qu’il garantissait -notamment à travers les principes inscrits dans la Charte de l’ONU- est menacé. Voilà pourquoi tous les pays sont exposés. La Russie « a délibérément violé la charte des Nations unies et le principe d’égalité des Etats. Elle a ouvert la voie à d’autres guerres d’annexions, en Asie, en Europe, et peut-être demain en Afrique et en Amérique latine ». Si la guerre redevient le mode habituel des conflits, le Nord n’est pas le plus mal armé. Financièrement non plus. 

Choisir son camp, ce n’est pas choisir la logique des blocs, c’est sauver l’ordre international. C’est l’intérêt de tous, dit Macron.  Il ajoute, à l’adresse de chacun : c’est votre intérêt, car nous comptons nos amis. Les Nations Unies sont désunies. La Russie a foulé aux pieds la charte de l’ONU. Ceux qui ne la dénoncent pas sont complices. Catherine Colonna était en Inde il y a quelques jours. La Chine appelait autrefois l’Inde le « paradis occidental ». L’enjeu est là : élargir l’Occident.

Regardez le discours d’Emmanuel Macron à l’ONU le 20 septembre 2022

Auteur/Autrice

  • Alain Stéphane a posé ses valises en Allemagne à la suite d'un coup de foudre. Aujourd'hui, il travaille comme rédacteur dans un journal local en Saxe et est correspond du site Lesfrancais.press

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