Vaines tentations protectionnistes

Le conflit commercial entre les États-Unis et la Chine a remis au goût du jour les droits de douanes. Après la Seconde Guerre mondiale, l’objectif a été de les démanteler afin de favoriser l’expansion du commerce international. Cet objectif a été obtenu dans le cadre de grands accords commerciaux (GATT) faisant suite à des négociations multilatérales. L’abaissement des tarifs douaniers s’est accompagné d’un effort pour limiter les mesures protectionnistes reposant sur les normes ou sur les conditions d’entrée des produits importés.

Avec la crise de 2008, la tendance s’est inversée. Les dispositions protectionnistes se sont accrues de la part de tous les grands acteurs économiques. L’obtention d’un nouvel accord commercial global est devenue mission impossible. Les accords régionaux comme celui concernant le Canada et l’Union européenne ou le Mercosur sont de plus en plus difficiles à faire adopter. Le recours à des politiques sciemment protectionnistes se développe. Les majorations des droits de douane américains sur les importations chinoises doivent déboucher sur un accord bilatéral visant à réduire le déficit commercial des États-Unis. La sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne même si elle obéit à des considérations multiples en relation notamment avec la question migratoire, pose également le problème de la politique économique à venir qui sera de nature nationaliste.

Les droits de douanes compensés par le taux de change

Pour le moment, les politiques nationalistes voire protectionnistes n’ont pas obtenu les résultats espérés dans un système de change flexible. Ainsi, les droits de douanes imposés par les États-Unis pour réduire leur déficit extérieur aboutissent à dépréciation de la monnaie chinoise, du fait du marché et de la politique des taux de la banque centrale. Les craintes d’un ralentissement de l’économie chinoise pèsent sur le taux de change. Les autorités chinoises en mettant en œuvre une politique monétaire accommodante favorisent également la dépréciation de leur devise. Les droits de douane sont ainsi compensés par la baisse de la valeur de la monnaie. Dans ces conditions, le déficit commercial américain persiste voire s’accroît. Les importateurs ont en outre tendance à accélérer leurs achats de peur de l’application de nouvelles majorations des droits de douane. L’impact sur la production nationale américaine est nul ou quasi nul d’autant plus que le pays est en situation de sous-emploi. La substitution de la production américaine à la production chinoise suppose une progression de l’investissement avec des gains de productivité non négligeable.

Les droits de douane en l’état actuel ne sont pas suffisants pour réellement changer les approvisionnements des Américains. Par ailleurs, les entreprises chinoises délocalisent leurs centres de production au sein d’États ne subissant pas les majorations de droits de douane.

Au Royaume-Uni, récession en vue.

Certains partisans du Brexit estiment que le Royaume-Uni ne sera pas pénalisé par la sortie de l’Union européenne. L’application des droits de douane sera compensée par la baisse des prix générée par la dépréciation de la livre sterling. À la différence de la Chine, le Royaume-Uni connaît un fort déficit commercial. La baisse du taux de change aboutira de ce fait à une diminution du pouvoir d’achat des Britanniques. L’effet récessif devrait être plus important que l’effet gains de compétitivité à l’exportation. En outre, l’économie britannique est imbriquée dans celle de l’Union européenne. La production industrielle incorpore de nombreuses pièces issues des États membres. Ces dernières seront logiquement soumises, à compter du 1er novembre prochain, à des droits de douane.

Auteur/Autrice

  • Philippe Crevel est un spécialiste des questions macroéconomiques. Fondateur de la société d’études et de stratégies économiques, Lorello Ecodata, il dirige, par ailleurs, le Cercle de l’Epargne qui est un centre d’études et d’information consacré à l’épargne et à la retraite en plus d'être notre spécialiste économie.

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